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Pourquoi s’intéresser davantage à la digitalisation des paiements et des mécanismes dans les chaînes de valeurs agricoles ?

Le Centre Technique de Coopération Agricole et Rurale (CTA), compte aujourd’hui 390 solutions agricoles digitales qui ont enregistré plus de 33 millions de petits exploitants agricoles et éleveurs à travers le continent africain. Malgré l’engouement et les déclarations, force est de constater qu’à l’exception des services de paiement mobile, la plupart des modèles déployés dans l’agriculture sont certes prometteurs, mais encore peu ou non-rentables et déployés à petite échelle.

Pourquoi s’intéresser davantage à la digitalisation des paiements et des mécanismes dans les chaînes de valeurs agricoles ?

Ali Touvnel, Novembre 2019

Le Centre Technique de Coopération Rurale et Agricole, CTA, compte aujourd’hui 390 solutions agricoles digitales qui ont enregistré plus de 33 millions de petits exploitants agricoles et éleveurs à travers le continent africain.  Malgré l’engouement et les déclarations, force est de constater qu’à l’exception des services de paiement mobile, la plupart des modèles déployés dans l’agriculture sont certes prometteurs, mais encore peu ou non-rentables et déployés à petite échelle, faute de trouver un modèle économique stable. Un nombre restreint mais croissant d’acteurs développent des modèles d’affaires solides et démontrent qu’il est possible de générer jusqu’à €90 de revenus net par agriculteur par an, bien que la moyenne soit beaucoup plus faible (par exemple, €5 pour les services de conseil, €25 pour les liens avec le marché, et €4 pour les intermédiaires de services financiers numériques et les solutions de gestion de la chaîne d’approvisionnement).Le marché adressable se situe dans les milliards d’euros de chiffres d’affaires, mais  uniquement une fraction est touchée aujourd’hui. Il faut travailler sur les propositions de valeur.

 La quantité et la qualité croissantes des données agricoles et des solutions agricoles digitales réduisent considérablement les coûts de service et peuvent permettre aux entreprises qui desservent les petits exploitants de transformer leurs approches commerciales traditionnelles.

Bien que les jeunes de moins de 25 ans représentent 64% de la population, l’âge moyen d’un petit exploitant sur le continent est de 60 ans. En effet, les jeunes ne sont pas attirés par les métiers de la terre à cause de la pénibilité du travail. Pourtant,  de nombreuses solutions numériques rendent le travail agricole plus pratique et moins épuisant, et ouvrent des possibilités aux jeunes à travers les chaînes de valeur, augmentant ainsi son attrait. Les solutions technologiques dans le secteur agricole commencent également à faire une différence pour les analphabètes.

Les innovations en matière de digitalisation du secteur agricole permettent I’amélioration de la capacité d’évaluer, de surveiller et de gérer les risques des produits financiers grâce à des analyses innovantes des données numérisées sur le terrain, comme la qualité du sol, la météo et la télédétection. Seuls 7% des petits exploitants ont accès à un financement par l’intermédiaire des banques ou d’institutions de microfinance. Pourtant, il y a deux grandes opportunités pour élargir l’accès : créer les données avec les informations dans les chaînes de valeurs pour réduire le risque de travailler avec le secteur agricole, numériser les chaînes de valeurs et développer des produits et services basés sur les besoins de clients.

La numérisation des chaînes de valeurs agricoles doit effectivement profiter aux agriculteurs en leurs offrant une voie réelle et durable vers l’inclusion financière et en faisant tomber la barrière des intermédiaires dont la présence participe au rétrécissement des revenus finaux des producteurs. In fine, ce mécanisme de digitalisation leur permettra d’établir une identité économique grâce aux données transactionnelles issues de la vente des produits agricoles et leur permettra d’accéder à une pleine inclusion financière, c’est à dire l’accès au crédit, au crédit-bail, à l’assurance, à l’épargne, et aux produits d’investissement. Le nouveau produit IKOFI de Bank of Kigali vise à augmenter les prêts aux agriculteurs ainsi qu’à collecter des données qui serviront à réduire la perception des risques au fil du temps. En plus d’être une solution de paiement, c’est également un outil qui crée une empreinte numérique sur la quantité de récolte et d’investissement que les agriculteurs collectent.  Agropay au Ghana est une plate-forme de chaîne d’approvisionnement qui relie les petits agriculteurs avec les grands intermédiaires financiers afin qu’ils puissent commercer directement et ensuite ils sont fournis avec un état financier à partager avec les prêteurs.  Les données favorisent  la confiance pour prêter dans le secteur agricole.

La numérisation de la chaîne de valeur agricole aiderait aussi le gouvernement à comprendre les insuffisances du système actuel et à mieux concevoir et cibler les schémas de subvention afin d’accroître leur rendement et d’accroître ainsi leur rentabilité.  Au Rwanda, la consolidation des activités agricoles localisées dirigée par le gouvernement, sous l’égide de solutions de services consultatifs, a soutenu l’amélioration de l’efficacité pour les intermédiaires financiers ou preneurs et l’effet de levier des prix pour les producteurs, ce qui a facilité les décisions générales concernant les prix des denrées, le stockage et l’approvisionnement en intrants des cultures.

Parmi les technologies numériques les plus prometteuses pour l’atténuation du changement climatique figurent l’imagerie satellitaire et la télédétection pour évaluer l’utilisation des terres et la couverture terrestre. Kitovu a développé des techniques qui permettent  d’utiliser des capteurs pour capturer avec précision des données sur les sols et les exploitations agricoles à partir desquelles les agriculteurs obtiennent en temps réel des conseils pratiques et faciles à comprendre sur les engrais, les semences, les conditions météorologiques et les meilleures pratiques pour s’assurer qu’ils pratiquent une agriculture productive et durable.

Les petits exploitants de la région empruntent le plus souvent de façon semi-régulière, auprès d’un club d’épargne tel une association d’épargne et de crédit à rotation, ou auprès d’amis ou de membres de la famille. MaTontine fournit des services financiers grâce à la numérisation de cercles d’épargne traditionnels, vieux de plusieurs siècles, entre pairs, connus sous le nom de Tontines, qui restent un moyen populaire d’économiser de l’argent au Sénégal.

Les comportements et la nature saisonnière des flux financiers des petits exploitants ont inspiré Myagro au Mali et au Sénégal notamment à proposer une solution de collecte d’argent mobile et de transfert permettant le préfinancement et la livraison de semences de qualité ainsi qu’une assistance technique pour l’utilisation des semences. Autrement, Hello Tractor contribue à réduire l’asymétrie d’information entre les petits exploitants et les fournisseurs de tracteurs légers par la mise en relation via une application mobile des acteurs et la production de données permettant une évaluation du risque nécessaire à la mise en place d’un crédit-bail ou d’une location de matériel de courte durée au Nigéria, Sénégal, Mozambique Tanzanie et Afrique du Sud.

Les nouveaux entrants apportent de nouvelles façons de servir le secteur agricole et de répondre aux besoins des agriculteurs.  La connexion de ces services avec les institutions financières permettra à chacun d’aller plus loin car l’exécution des programmes de financement de l’agriculture dépend des points forts du partenariat avec les acteurs de l’écosystème.

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