La numérisation n’est pas seulement une question de technologie, mais aussi une nouvelle façon de faire des affaires qui inclut le développement de modèles commerciaux agiles s’adaptant à un environnement changeant. Les MPME sont l’épine dorsale de l’économie africaine et représentent 90 % de l’ensemble des entreprises. Rappelons que 60 % des emplois se trouvent dans l’économie informelle, principalement dans les MPME. Mais les MPME sont confrontées à de réelles contraintes dues à leurs compétences commerciales, à leurs budgets limités et à leur faible culture numérique. Des recherches récentes ont montré que l’adoption de services financiers mobiles réduit la taille du secteur informel jusqu’à 4,3 points de pourcentage du produit intérieur brut (PIB). Le parcours de transformation numérique des MPME indique que beaucoup d’entre elles en sont encore qu’à leur début, car elles n’ont pas connaissance des outils ou des services qui pourraient leur être utiles. Dans notre récente étude sur les MPME au Sénégal, malgré le fait que de nombreuses entreprises disposent de comptes d’argent mobile, ces comptes sont principalement utilisés pour des transactions personnelles. Le passage de l’argent liquide au numérique favorise la productivité et la rentabilité en réduisant les coûts opérationnels et en rendant les transactions commerciales moins chères, plus fluides et plus sûres. La sensibilisation ne suffit pas, car les prestataires de services financiers numériques (SFN) doivent également renforcer leurs capacités par des moyens accessibles et abordables, liés à un soutien financier. Si l’écosystème, les politiques et l’environnement réglementaire étaient appropriés, les microentreprises pourraient bénéficier des mêmes opportunités que les petites et moyennes entreprises pour les aider dans leur parcours de transformation.
Par Achille Tefong et Shailey Tucker, Mars 2021
Bien que les startups FinTech en Côte d’Ivoire aient montré leur résilience au cours de la crise de la Covid-19, l’avenir n’est pas assuré pour toutes car l’écosystème évolue rapidement. MSC a mené une étude afin d’évaluer l’impact de la Covid-19 sur les FinTechs en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Comme nous l’avons constaté lors d’une précédente étude de cartographie du paysage des FinTechs en Afrique de l’Ouest francophone, les FinTechs sont souvent à la source de l’innovation; cependant, elles sont souvent en concurrence avec les institutions en place telles que les banques et autres institutions financières établies dans la région. La collaboration est généralement basée sur des complémentarités et, comme l’affirme le Fonds monétaire international (FMI), « les deux tendances sont susceptibles de s’accélérer [post-crise] à mesure que les entreprises FinTech et les institutions financières saisissent de nouvelles opportunités ». Le manque d’un cadre réglementaire et les difficultés d’accès au financement et d’accès aux plateformes partagées tels que les USSD restent les défis majeurs pour les startups FinTech ivoiriennes. En ce qui concerne l’accès au financement, aucune FinTech dans notre échantillon n’a bénéficié de fonds du gouvernement et toutes ont dû rester sur leurs propres fonds pour que leur activité commerciale continue. Cela met en évidence la résilience des FinTechs ivoiriennes et de leurs modèles d’affaires, ce qui devient important pour les investisseurs potentiels ainsi que pour les régulateurs.
Ecosystème des investisseurs au sein des FinTechs en Côte d’Ivoire
Alors que l’environnement des FinTechs dans les pays Anglo-saxons Africains semble bouillonnant, celui des pays Francophones reste encore timide. Selon un rapport de Disrupt Africa, le Nigéria, le Kenya et l’Afrique du Sud totalisent à eux seuls environ 89,2 % du montant total des fonds investis sur le continent et 77% des startups financées ont été à destination de ces pays en 2020. En plus, selon Partech Investment, l’Afrique francophone apparaît seulement dès la 8ème position, représentée par le Sénégal. La Côte d’Ivoire quant à elle occupe une triste 17ème place, bien derrière les pays comme le Cameroun ou la RDC.
Plusieurs profils d’investisseurs sont déployés en Côte d’Ivoire, même si les impacts au sein des jeunes pousses restent encore très attendus. Selon la cartographie de l’écosystème FinTech en Côte d’Ivoire de MSC, la Côte d’Ivoire dispose de business angels, d’investisseurs à impact, de fonds de capital-risque et de fonds de capital investissement. Par ailleurs, les activités de chacune de ces catégories sont orientées vers les startups en général et ne sont pas très perceptibles au niveau de la startup FinTech. En guise d’illustration, le fonds Comoé Capital lors d’une entrevue pour notre étude nous signalait : « Nous n’avons pas encore investi dans une startup FinTech en Côte d’Ivoire pour plusieurs raisons, mais nous restons en plein dans l’analyse du potentiel». Parmi les raisons regroupées dans ces propos, il transparaissait entre autres, l’absence d’un modèle d’affaires viable et l’absence de solution innovante étant donné que plusieurs FinTechs sont dans le même domaine. Notons également que l’Agence de la promotion de l’inclusion financière (APIF-CI) et la Banque mondiale soulignent qu’il n’existe pas de fonds de capital risque ayant orienté un investissement sur une FinTech. Ceci prouve à quel point l’écosystème d’investissement reste très peu actif en Côte d’Ivoire. Une démarche entreprise est de travailler en partenariat avec les incubateurs, afin de détecter et d’accompagner financièrement les jeunes pousses qui ont du potentiel.
Quelles attentes de la part d’apporteur de fonds
Trois thèmes principaux attirent les investisseurs interrogés et ils sont, pour la plupart, indépendants de la crise de la Covid-19 :
Les désirs des entrepreneurs des startups FinTech en Côte d’Ivoire
L’une des problématiques que rencontrent les entrepreneurs d’Afrique francophone en général et de la Côte d’Ivoire en particulier reste l’accès au financement. Selon le FMI, « cette crise est le premier test de résilience des startups FinTech… Le resserrement des conditions de financement et une forte baisse des transactions due à la faiblesse de la demande frappe déjà durement les entreprises FinTech, en particulier les plus petites et celles avec des coussins plus minces ». Pour la plupart, elles ont pu survivre sur leurs propres fonds jusqu’à ce moment, malgré les taux d’épuisement (burn rate) élevés et les runway (le temps pour lequel une startup encore déficitaire a du cash disponible sans nécessité d’une nouvelle levée de fonds) assez baissés. Comme leur stabilité n’est pas encore assurée, les startups FinTech ont besoin de financement externe afin de soit devenir stable, soit accroître leur activité pour atteindre leur potentiel.
Bien que de plus en plus de fondateurs de startups FinTech en Côte d’Ivoire soient ouverts à recevoir des financements d’investisseurs, ils ont tout de même des points d’ombre qu’ils mettent en avant, relativement aux fonds d’investissement qu’ils soient des investisseurs providentiels, des investisseurs sociaux ou autres fonds.
En effet, ils souhaitent :
Fort de ce constat, il apparaît important de se rendre à l’évidence qu’un environnement favorable à l’éclosion de l’investissement au sein de la startup Ivoirienne doit être créé. Les interactions entre les acteurs économiques que sont les entrepreneurs et les apporteurs de fonds/ investisseurs de quelque sorte, devraient se faire de manière permanente et transparente. Dans cet ordre d’idée, MSC voudrait lancer un laboratoire pour assister les FinTechs (et autres entrepreneurs Tech) à augmenter leurs capacités et développer des services innovants, avec des modèles d’affaires soutenables. Nous sommes ouverts pour des échanges et discussions sur cette question, dans l’optique d’accroître le dynamisme des FinTechs dans la sous-région.
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