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L’unique défi majeur de la microfinance

La formation et le renforcement des capacités restent l’unique défi majeur de la microfinance. Les dirigeants des institutions de microfinance (IMF) indiquent qu’il est difficile de trouver de la main-d’œuvre qualifiée que ce soit au niveau des employés ou de la direction. En conséquence, ils sont contraints de recourir à des méthodes et des infrastructures de formations internes ad hoc qui ne leur procurent pas le professionnalisme et les compétences dont ils ont besoin pour mettre en place des institutions financières solides et efficaces.

L’unique défi majeur de la microfinance

Graham A.N. Wright[1], février 2008

Dans le monde entier (et en Inde également), la formation et le renforcement des capacités restent l’unique défi majeur de la microfinance. Les dirigeants des institutions de microfinance (IMF) indiquent qu’il est difficile de trouver de la main-d’œuvre qualifiée que ce soit au niveau des employés ou de la direction. En conséquence, ils sont contraints de recourir à des méthodes et des infrastructures de formations internes ad hoc qui ne leur procurent pas le professionnalisme et les compétences dont ils ont besoin pour mettre en place des institutions financières solides et efficaces. À l’instar de nombreux pays du monde, l’Inde a encore besoin d’un corps de prestataires de services techniques de haute qualité pour former/assurer le maintien du secteur à l’avenir.

Renforcement des capacités dans l’optique de l’offre

Il n’y a pas assez de prestataires, que ce soit en termes de nombre et (dans certains cas) en termes de capacité.  Il va falloir que le secteur de la microfinance aille au-delà des prestataires traditionnels de services de formations et de techniques en microfinance pour impliquer des cabinets de comptables, de consultants en gestion, etc. En Inde, comme ailleurs, trop de formateurs ont du mal à utiliser pleinement les techniques d’enseignement pour adultes et beaucoup sont incapables de traduire la théorie en pratique sur le terrain. La formation a vraiment besoin de passer de la théorie à l’action et de devenir ainsi le moteur de changement au sein des IMF.

De manière générale, le consensus de plus en plus répandu est qu’une formation efficace et de haute qualité associe la théorie en salle de classe à un suivi sur le terrain pour traduire l’apprentissage en une action concrète et un changement au sein des institutions. Pour cela il est nécessaire d’avoir une différente sorte de formateurs : le genre qui est à même d’aller au-delà d’une présentation en PowerPoint, qui est capable de mettre en œuvre et d’offrir une assistance technique crédible sur le terrain susceptible d’apporter une valeur ajoutée réelle aux IMF. Les IMF qui ont répondu à l’évaluation des besoins en formation de MicroSave (actuellement appelé MicroSave Consulting – MSC) en 2005[2] ont également mis un accent particulier sur la nécessité d’avoir des guides qui montrent étape par étape le « comment » ou des manuels pour conduire le processus de changement. Voir l’annexe 1 pour plus de détails à ce sujet.

En outre, le renforcement des capacités doit être adapté pour répondre aux différents besoins des IMF naissantes/émergentes et des IMF en expansion/matures. Il y a un besoin urgent d’élaborer des modules de formation complets, pertinents et intégrés relatifs à un vaste éventail de sujets afin de professionnaliser le secteur de la microfinance et ainsi renforcer les cadres de gestion du second niveau tant recherchés au sein des IMF. Le secteur continue de croître et il en est de même pour la demande de cadres compétents. Actuellement, en Inde, les IMF les recherchent généralement auprès des instituts ruraux de gestion – et non pas auprès des instituts indiens de gestion de premier plan qui ont l’appui du MicroFinance Management Institute (Institut de gestion des microfinances).

Mais ces instituts ruraux de l’Inde utilisent des programmes d’enseignement reposant largement sur celui élaboré par le SIDBI il y a près de 10 ans. Il est franchement temps de revoir ce programme et de l’actualiser tant en termes de contenu (pour refléter les nouvelles réalités de la microfinance en Inde) que de son administration (en utilisant des exemples multimédias/pratiques pour ainsi rendre les cours vivants avec des clips vidéo, des études de cas et des exercices pratiques qui poussent les étudiants à se rendre sur le terrain).

Le personnel suit essentiellement une formation en microfinance de quelques jours en classe, suivie d’une « formation sur le tas » effectuée par le biais de l’observation d’un agent de crédit homologue ou d’un directeur de succursale.  Cela peut susciter un énorme effet « téléphone arabe » faisant que des erreurs/non-conformités aux politiques/procédures établies sont répliquées et amplifiées au fur et à mesure qu’elles sont transmises d’une personne à une autre. Dans les cas de formation sur le tas, il est essentiel d’avoir des systèmes rigoureux d’audit interne/de conformité pour s’assurer que ces erreurs/non-conformités sont identifiées et éliminées.

Pour une période plus longue de formation d’un grand nombre de personnel cadre inférieur/moyen il sera important pour le secteur de la microfinance de chercher à exploiter le potentiel des systèmes d’apprentissage en ligne. Toutefois, les efforts déployés dans ce sens dans d’autres secteurs ont révélé la nécessité d’avoir des systèmes d’apprentissage en ligne supervisés par des modérateurs pour optimiser leur impact. Les IMF devront donc s’impliquer vraiment aussi bien pour modifier le contenu afin de refléter leurs systèmes, leurs politiques et leurs procédures que pour servir de modératrices de sessions interactives dans le but d’apporter une plus-value aux systèmes de formation en ligne de base.

Le renforcement des capacités dans l’optique de la demande

La formation des cadres supérieurs et intermédiaires ne reçoit pas beaucoup d’attention probablement en raison de trois contraintes à savoir :

  1. L’idée que les cadres supérieurs n’ont pas vraiment besoin de formation.
  2. L’idée que les cadres supérieurs n’ont pas le temps d’assister à une formation.
  3. L’insuffisance de la capacité des cadres supérieurs à mettre en œuvre les résultats des formations au sein des IMF.

En outre, comme dans de nombreux autres pays du monde, l’Inde souffre parfois d’une sélection inappropriée des participants aux formations… le personnel se rendant aux formations en tant que récompense, ou parce que c’est « le tour de quelqu’un » ou parce que le cours se déroule dans leur lieu de résidence.

Avec le temps, il va falloir faire en sorte que la formation devienne une partie intégrante des systèmes de rétention du personnel, parce qu’en réalité, tous les professionnels cherchent à se former et à évoluer dans des environnements compétitifs… Et cela veut dire que la professionnalisation du secteur débouchera sur des salaires de bon niveau qui sont plus réalistes et en relation avec le marché. En effet c’est ce qui se passe déjà avec le rythme de renouvellement du personnel entre les IMF dans de nombreux pays.

Conclusions

À l’instar des entreprises du secteur privé, les IMF doivent commencer à considérer la formation comme un investissement plutôt qu’une charge. À cet effet elles doivent accorder une plus grande attention à la formation et au renforcement des capacités dans le cadre d’une gestion intégrée des ressources humaines incluant la rétention des ressources humaines. Les personnes qui financent/soutiennent la formation doivent réévaluer ce qu’elles financent et comment elles en mesure le succès, afin de ne plus chercher à se baser sur le « nombre de participants » lors d’une formation mais plutôt sur « l’impact de cette formation » en termes de changements se produisant au sein des IMF.

Vu l’ampleur de l’obligation, les approches de formation doivent être réévaluées et faire preuve d’une plus grande créativité. Il ne suffira plus simplement d’allier formation en classe et assistance technique. L’Inde doit utiliser sa technologie pour élaborer de nouvelles méthodes telles que la formation à distance ou l’apprentissage en ligne en vue d’un renforcement massif des capacités en fonction de la croissance et de la maturation du secteur. Ceux qui investissent dans les actions et les titres de créance, ainsi que les régulateurs/superviseurs, vont exiger que le personnel des IMF soit mieux formé pour être en mesure de mieux répondre aux exigences sans cesse croissantes dans les domaines de la gouvernance, de la gestion, des systèmes et de la transparence. Seul le changement de notre mode actuel de renforcement des capacités peut nous permettre de relever les défis décrits ci-dessus et de poursuivre la croissance du secteur de la microfinance au niveau mondial.

ANNEXE 1

Principales observations et recommandations

La sélection des cours de formation

« Les personnes envoyées ne sont pas nécessairement les mieux placées pour mettre en pratique les compétences acquises pendant la formation ».

La grande ampleur et la diversité des cours requis par les IMF nécessiteront la mise au point d’un système permettant à ces dernières de diagnostiquer leurs problèmes fondamentaux afin d’être en mesure d’évaluer et d’hiérarchiser leurs besoins. L’utilisation de méthodes participatives en ce qui concerne l’identification des besoins en formation augmentera l’acceptation et la compréhension du rôle que le renforcement des capacités peut jouer dans le développement global de l’organisation. Cela devrait réduire le nombre de participants envoyés aux cours à titre de récompense et augmenter les attentes des IMF vis-à-vis des personnes formées et à l’égard de la mise en pratique des compétences acquises. En outre, il sera important d’examiner les méthodes de séquençage des cours pour permettre aux IMF de commencer par les cours les plus élémentaires qui sont un préalable pour les cours plus avancés. Tout dépendra également de l’état d’évolution des IMF intéressées par les cours.

L’utilisation des meilleures pratiques d’apprentissage

« Les animateurs/animatrices doivent encourager la participation des stagiaires plutôt que de faire simplement des cours magistraux. Ils/elles doivent intégrer les expériences des participants aux concepts. »

Les répondants ont clairement souligné qu’il était nécessaire que l’on adopte les meilleures pratiques d’apprentissage avec des exercices de groupe, des séances plénières, des synthèses de discussions et des exemples pratiques. L’expérience de MSC montre que le fait de permettre aux participants d’utiliser des données/problèmes de leurs propres institutions lors des formations est extrêmement efficace et permet la réalisation de changement au sein des organisations.

L’utilisation de la salle de classe plus l’assistance technique de suivi sur le terrain

« Il devrait y avoir un système de suivi pratique immédiatement après la formation pour faciliter une meilleure application des concepts appris ».

« Un des résultats clés de la formation devrait être une ébauche de plan qui sera mise en œuvre ultérieurement ».

« … Les formations pratiques et appliquées de manière ciblée constituent le besoin essentiel d’aujourd’hui afin que les gens puissent retourner dans leurs IMF pour y utiliser les compétences et les concepts appris »

L’étude a souligné la nécessité d’une assistance post-formation pour l’application pratique de ce qui a été appris en classe. Partout dans le monde, on s’oriente vers une formation associant l’apprentissage en salle de classe à une assistance technique de suivi sur site, dans le cadre de laquelle les participants travaillent avec les formateurs/consultants pour mettre en œuvre et institutionnaliser la formation/les changements nécessaires au sein de leurs IMF. Ainsi, par exemple, après trois jours de travail sur la gestion de leur portfolio (en utilisant de préférence leurs propres données), les participants retournent dans leurs organisations avec un formateur ou un consultant pour travailler à l’institutionnalisation des systèmes et des compétences de gestion de portfolio au sein de l’IMF.

Cette approche nécessite beaucoup plus de ressources et de main-d’œuvre ainsi qu’une qualité spéciale de formateurs pour mettre en pratique la théorie des salles de classe dans divers établissements. Cependant, il a été démontré qu’elle conduit à un changement et une amélioration bien plus efficaces au sein des IMF participant aux programmes de formation. Elle signifie en outre que le recours aux formations à titre de récompense des membres du personnel diminuera probablement, parce que les institutions prendront conscience qu’il sera impératif pour les participants de collaborer avec les formateurs/consultants dans la mise en œuvre de la formation. La même approche offre en outre un meilleur modèle économique pour les formateurs/consultants, dans la mesure où les revenus générés correspondent à une formation de 3 jours, plus 5 à 8 tâches de suivi sur site d’une durée d’une semaine ou plus, au lieu d’une simple formation en salle de classe pendant 3 jours.

L’élaboration d’un programme intégré de microfinance en Inde

« Il y a un besoin crucial pour un tel programme au niveau national (c’est-à-dire un programme de base pouvant être adapté à différents contextes stratégiques) pour le secteur de la microfinance en Inde et la facilitation réelle du renforcement des capacités à grande échelle et de haute qualité, deux éléments absolument indispensables pour l’extension des services de microfinance en Inde ».

De nombreuses personnes ont souligné la nécessité d’un programme national intégré, largement normalisé et propre à l’Inde dans les domaines de base qui sont essentiels pour la conception, la prestation, la gestion et la gouvernance des services financiers. Plusieurs participants (des IMF, experts, spécialistes de renforcement des capacités, prestataires de services et d’institutions de formation) ont proposé de contribuer à l’effort de collaboration dans le cade de l’élaboration d’un tel programme. Un tel effort collectif serait nécessaire et souhaitable pour mener à bien cette énorme tâche d’élaboration de programme. Un programme intégré, conçu et élaboré en vertu des normes les plus strictes basées sur les normes du secteur ; il sera généralement composé d’un manuel/livre d’exercices pour le participant et un kit pour le formateur (manuel, diaporama, documents et exercices). Le programme sera alors mis dans le domaine public pour être utilisé par les IMF, les institutions de formation, les consultants individuels et les spécialistes de renforcement des capacités.

L’élaboration de programmes de formation complets et faciles à utiliser

« Il est essentiel d’élaborer un manuel/toolkit qui donne une orientation étape par étape ».

Compte tenu de l’énorme taille du marché indien, il sera essentiel de mobiliser et de responsabiliser autant de formateurs que possible afin qu’ils utilisent les cours dans le cadre d’un programme de formation intégré de la microfinance dans le contexte de l’Inde. Plusieurs établissements et consultants indépendants ont exprimé la nécessité d’avoir des matériels de formation qu’ils pourraient adapter et proposer au secteur. Certaines des IMF en expansion et matures ont exprimé le souhait de dispenser une partie de la formation « en interne » avec une adaptation à leurs systèmes et besoins institutionnels spécifiques. Il sera important d’élaborer et de disséminer du matériel de formation qui peut être adapté et traduit pour les besoins locaux et dispensé à travers autant de canaux que possible.

 

[1] Cet article s’appuie largement sur le bulletin focus Inde de MicroSave Consulting #11 sur [« le renforcement des capacités : les besoins et les défis en Inde »] par Brij Mohan

[2] Voir le bulletin d’information de MicroSave Consulting #46 sur [« Catalyser le renforcement des capacités : évaluer le besoin de formation »] par Graham A.N. Wright et al.

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