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La vérité sur l’analyse de rentabilisation des services de banque à distance au Nigéria

Au fil des dernières années, les grandes banques au Nigeria ont tenté de révolutionner les services de banque à distance, dans le but d’atteindre un plus grand nombre de clients et d’accroître leur rentabilité grâce à une meilleure efficacité et à une réduction des coûts. Cependant, elles ne tiennent souvent pas compte des éléments essentiels des services de banque à distance.

La vérité sur l’analyse de rentabilisation des services de banque à distance au Nigéria

Jacqueline Jumah, décembre 2017

MicroSave Consulting (MSC) et L’institut Helix ont publié les résultats de la deuxième série de l’étude ANA (Accélérateur de réseaux d’agents) pour le Nigeria en décembre 2017. L’étude a été menée avec le soutien financier de la Fondation Bill & Melinda Gates et du Fonds d’équipement des Nations Unies (FENU) et vise à identifier les lacunes stratégiques et les possibilités d’expansion des services financiers digitaux au Nigeria. Le rapport souligne également les progrès réalisés dans la mise en œuvre des recommandations de l’Institut Helix lors de la première série de l’étude ANA pour le Nigeria menée en 2014.

Les services de banque à distance sont de plus en plus populaires dans de nombreux pays en développement. Du Brésil au Kenya et dans de nombreux autres marchés émergents, l’utilisation des services financiers transactionnels chez les adultes financièrement exclus a connu une hausse grâce aux services de banque à distance. Au Nigeria, la Banque centrale a introduit en 2013 des lignes directrices sur les services de banque à distance afin de contribuer à la réalisation des objectifs de la Stratégie nationale pour l’inclusion financière. Selon l’enquête EFInA 2016 sur l’accès aux services financiers, seulement 38,3 % de la population adulte du pays a accès aux services financiers formels.  Il s’agit ici d’accès aux banques de dépôts, aux banques de microfinance, au mobile money, à l’assurance et/ou aux pensions.

Depuis 2013, et de plus en plus au fil des dernières années, les grandes banques de dépôt ont tenté de révolutionner les services de banque à distance, dans le but d’atteindre un plus grand nombre de clients et d’accroître leur rentabilité grâce à une meilleure efficacité et à une réduction des coûts. Dans le cas des agents, cette révolution est censée assurer une rémunération financière, une augmentation du trafic des clients vers les entreprises préexistantes des agents et une amélioration du statut de la communauté grâce à l’affiliation à la marque bancaire. Pour les clients, les avantages incluent la commodité et des coûts de transaction moins élevés. Bien que cette conception des banquiers soit tout à fait appropriée, ces derniers ne tiennent souvent pas compte des éléments essentiels des services de banque à distance, à savoir, entre autres :

Manque de reconnaissance pour le fait que les services de banque à distance sont un processus en évolution

Les services de banque à distance jouent un rôle important dans l’évolution des services financiers digitaux. Il s’agit d’une étape critique dans le mouvement vers des transactions initiées par l’utilisateur. Les services de banque à distance exigent des stratégies qui tiennent compte de l’élément du temps ; par conséquent, les objectifs et les avantages doivent être répartis entre le court terme et le moyen terme. A court terme, les services de banque à distance devraient principalement être perçus comme un canal supplémentaire pour la fourniture de produits et de services au-delà des canaux des succursales existants. Les banques existantes n’ont actuellement que des relations transactionnelles avec des clients du bas de la pyramide et non de véritables relations bancaires. Cela s’explique en partie par le fait que les produits existants ne sont pas conçus pour les segments à faibles revenus.

Avoir un réseau d’agents ne garantit pas l’attrait des clients. Cela appelle à développer des produits qui ciblent les clients et qui sont jugés utiles. Il s’agit de produits qui peuvent répondre à leurs besoins quotidiens en matière de gestion financière. On ne peut s’attendre à ce que le réseau soit le principal moteur de l’acquisition de clients sans tenir compte des défis actuels liés à la création du numéro de vérification biométrique (BVN), par exemple, qui limitent la capacité des banques à accueillir de nouveaux clients. Jusqu’à ce que ces problèmes soient résolus, les banques devraient faire passer leurs transactions de moindre valeur aux agents afin de renforcer l’analyse de rentabilisation des agents.

Au moyen terme, l’intérêt des services de banque à distance est de fournir des services à valeur ajoutée. Il s’agit de développer des produits qui permettent aux clients de s’associer et d’établir facilement des relations avec une banque en multipliant les transactions, ce qui est nécessaire pour pénétrer le marché. En termes d’inclusion financière, l’accent devrait être mis sur la pertinence quotidienne des services financiers pour les personnes non bancarisées. Cela nécessite deux étapes cruciales. La première étape consiste à construire des « ponts » à faible coût vers l’argent liquide, c’est-à-dire sous la forme d’un réseau d’agents omniprésents et bien soutenus. Cela permettrait aux Nigérians de convertir facilement de l’argent liquide en valeur électronique (e-value). La deuxième étape consiste à rendre la valeur électronique directement utile pour les clients et à les encourager à conserver leur argent sous cette forme. Les banques devraient donc identifier des cas d’utilisation convaincants et exploiter les opportunités pertinentes qui existent au Nigeria.

Attentes démesurées à l’égard de la rentabilité des services de banque à distance

L’objectif des services de banque à distance n’est pas foncièrement de permettre aux banques de réaliser d’énormes profits directs par l’intermédiaire d’un canal à faible coût. Il s’agit de ce que les canaux supplémentaires peuvent faire pour changer le modèle d’affaires au fil du temps, en évitant aux clients des banques d’utiliser des canaux plus coûteux comme les succursales, les centres de services et les GAB. Le canal lui-même peut ne pas générer de profits significatifs. Il peut cependant offrir à la banque des débouchés et des dépôts supplémentaires. Certaines institutions aux attentes démesurées prévoient de déployer d’énormes réseaux d’agents dès le départ. Cela pose un défi en termes de gestion efficace et de soutien adéquat aux agents et/ou de l’érosion des avantages pour les agents. Une fois que cela est compris, les institutions ne s’engageront pas dans des stratégies d’acquisition d’agents qui consistent à « tirer à l’aveuglette » mais développeront progressivement et stratégiquement leurs réseaux région par région.

Des attentes de profits élevés débouchent sur des modèles financiers gonflés, qui se traduisent ensuite par des indicateurs clés de performance (ICP) irréalistes pour le personnel opérationnel ou le personnel des succursales. Ces ICP sont irréalistes en raison des paramètres incorrects qui les génèrent. Il en résulte un faible taux d’adhésion parmi les agents de terrain concernés, dans la mesure où les ICP sont jugés irréalistes. Cette compréhension est essentielle pour permettre à l’équipe de direction de préparer des budgets et des ICP appropriés pour le personnel opérationnel qui gère les activités.

La peur de la « coopétition »

La coopétition est la capacité des acteurs à coopérer entre eux au bénéfice de chaque entreprise, tout en restant concurrents. Elle exige des partenariats étroits qui tirent parti des avantages comparatifs des partenaires. Les grandes banques ont peur de ces partenariats, ce qui pourrait entrainer le ralentissement des perspectives des services de banque à distance. Par exemple, les diverses opérations de banque à distance, le déploiement du réseau et le développement de produits sont en effet en difficulté. Cela s’explique par le fait qu’ils demandent un engagement actif alors que les banques n’ont qu’une capacité individuelle minimale pour mener à bien leurs opérations. A cela s’ajoute l’ignorance du fait que les services de banque à distance nécessitent une attention particulière. Des partenariats stratégiques au sein de réseaux d’agents partagés et des liens étroits avec les acteurs fintechs pourraient transformer l’activité de banque à distance au Nigeria. Ils permettraient aux partenaires de jouer leur rôle sur la base de leur force intrinsèque. Il a été constaté que les Fintechs attirent même les clients bancaires plus traditionnels grâce à des services adaptés à leurs besoins, tandis que les banques luttent pour innover. Et ce, malgré les lacunes existantes dans le développement et la compréhension des technologies sur le marché.

Conclusion

Pour que les services de banque à distance prospèrent au Nigeria, il faut une meilleure compréhension de la véritable justification économique. Une meilleure compréhension de l’analyse de rentabilité nécessite le soutien des cadres supérieurs et de la direction, un changement de paradigme sur le plan culturel et de la structure organisationnelle, ainsi qu’une orientation et une différenciation spécifiques des segments de clientèle. L’analyse de rentabilisation doit être clairement articulée auprès de tous les intervenants afin d’assurer des partenariats significatifs amenant au bon fonctionnement des affaires. Le fait que la patience devrait être une vertu dans cet engagement est une vérité qui dérange, mais qui est inévitable. C’est aux banques de trouver un moyen de convaincre et de gérer la mentalité du no surulere, c’est-à-dire « non à la patience », pour que ce modèle d’entreprise soit mis en œuvre efficacement, notamment pour les équipes et les agents.

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