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Les aléas de la stratégie du « client-centrisme » dans le domaine de l’inclusion financière– 1ère partie : pourquoi la focalisation sur le client est-elle une stratégie axée sur l’offre?

Ces dernières années, la conception centrée sur l’être humain est devenue une nouvelle priorité dans le monde de l’inclusion financière. Elle pousse les prestataires de services financiers à se focaliser sur la conception de produits et de services basée sur la connaissance du client. Les entreprises de design sont devenues une partie intégrante du corps des prestataires techniques qui sont au service des prestataires de services financiers dans le but d’améliorer l’inclusion. Dans le même temps, la définition du prestataire de services financiers s’est élargie pour inclure les opérateurs de réseaux mobiles et les chaînes de détaillants, ainsi que les institutions de microfinance (IMF), les banques, les coopératives et une multitude de fournisseurs de microfinance (MF). Avec les nouveaux venus émergent de nouvelles idées et la répétition des anciennes. Cependant une idée restée constante et pourtant sous-estimée est celle de la focalisation sur le client.

Les aléas de la stratégie du ” client-centrisme” dans le domaine de l’inclusion financière –
1ère partie : pourquoi la focalisation sur le client est-elle une stratégie axée sur l’offre?

Par Graham Wright et Evelyn Stark, 4 février 2016

Ces dernières années, la conception centrée sur l’être humain est devenue une nouvelle priorité dans le monde de l’inclusion financière. Elle pousse les prestataires de services financiers à se focaliser sur la conception de produits et de services basée sur la connaissance du client. Les entreprises de design sont devenues une partie intégrante du corps des prestataires techniques qui sont au service des prestataires de services financiers dans le but d’améliorer l’inclusion. Dans le même temps, la définition du prestataire de services financiers s’est élargie pour inclure les opérateurs de réseaux mobiles et les chaînes de détaillants, ainsi que les institutions de microfinance (IMF), les banques, les coopératives et une multitude de fournisseurs de microfinance (MF). Avec les nouveaux venus émergent de nouvelles idées et la répétition des anciennes. Cependant une idée restée constante et pourtant sous-estimée est celle de la focalisation sur le client.

La focalisation sur le client n’est pas un nouveau concept dans le monde de la microfinance et de l’inclusion financière. En 1998, MicroSave (devenue plus tard MicroSave Consulting) a été créé par le FENU/DFID auxquels se sont joints ensuite la CGAP, la Fondation Ford ainsi que les gouvernements autrichien et norvégien, pour la promotion de l’épargne dans le paysage du microcrédit en Afrique orientale et australe. Les premières recherches menées en Ouganda ont toutefois révélé que non seulement les institutions de microfinance (IMF) ne pouvaient pas juridiquement recueillir de l’épargne, mais avaient également un problème de déperdition de l’ordre de 60% par an (drop-outs as high as 60% per annum). Une enquête plus approfondie a montré que cette déperdition est due en grande partie à la mauvaise conception des produits de crédit. Les années 1999 et 2000 ont donc été essentiellement consacrées à la compréhension du problème, à la redéfinition des produits pour son atténuation, à l’élaboration d’outils pour «l’étude de marché dans le domaine de la microfinance» et à la formation (market research for microfinance). La situation actuelle n’est pas différente comme le montre l’étude de la GSMA selon laquelle 68% des clients enregistrés du mobile money effectuent moins d’une transaction en 90 jours (GSMA, 2015). Les comptes à facilités réduites en Inde (No frills accounts in India) et les comptes transactionnels de nombreuses autres institutions sont pour la plupart en dormance (GAFIS, 2011).  Les approches de recherche de « jadis » orientées sur le marché et celles de la conception « d’aujourd’hui » centrée sur l’être humain n’ont pas tout à fait réussi à focaliser les efforts sur le client, ni à augmenter l’utilisation des produits et services financiers. Pour mieux comprendre le phénomène nous rappelons, compte tenu de l’expérience de MicroSave, l’histoire des approches de jadis qui étaient axées sur le marché.

MicroSave et ses partenaires étaient très satisfaits du succès de leur recherche sur les clients et les nouvelles connaissances plus approfondies acquises au sujet des besoins et désirs de ces derniers. Cependant, l’autosatisfaction s’était vite émoussée après le premier examen à mi-parcours en 2000 (manuscrit non publié). Sous la houlette des gourous du secteur tels que Beth Rhyne et Marguerite Robinson, MicroSave a été, à raison, réprimandé pour sa focalisation exclusive sur la demande au detriment des importants problèmes qui se posent du côté de l’offre et dont la résolution aurait permis de parvenir à un changement réel.

Il a été alors réalisé qu’aucun secteur ne pouvait vraiment se «focalisé sur le client» sans s’assurer que les organisations qui, du côté de l’offre, voudraient servir ces clients étaient réellement disposées et capables de le faire. En travaillant avec certaines des institutions financières les plus innovantes de l’Afrique orientale et australe, MicroSave a passé les sept années qui ont suivi à faciliter l’inclusion de produits adaptés aux besoins du client au sein des institutions «orientées sur le marché ».

La focalisation sur le client relève d’une stratégie axée sur l’offre…

Lorsque l’on entend parler d’une stratégie axée sur l’offre on a l’impression qu’il s’agit d’une stratégie de marketing trompeuse qui non seulement fait la promotion des produits, mais encore cherche à vendre à tout prix et à trouver de nouveaux moyens pour gagner encore plus d’argent pour les dirigeants et les actionnaires. Mais récemment nous avons entendu dire que le « client-centrisme » devrait plutôt être une question de recherche et de connaissance du client. Cela est-il suffisant? Le « client-centrisme » doit être une stratégie axée sur l’offre si nous, c’est-à-dire l’ensemble du secteur, y compris donateurs, consultants et prestataires détaillants de services financiers, voulons tous réellement offrir des produits de haute qualité que les personnes à faible revenu désirent acheter et utiliser.

Les études de marché effectuées auprès des clients offraient d’excellents avantages qui vont au-delà de la conception du produit. Tous les partenaires de recherche-action de MicroSave [1] ont demandé aux champions de produits et à tout leur personnel de participer à la recherche. Pratiquement tous les participants avaient à la fin de la recherche une compréhension beaucoup plus approfondie de la vie financière de leurs clients. Les agents chargés de crédit ont compris très clairement que les retards de paiement étaient moins une question «d’indocilité» que celle d’une structure inadaptée de crédit qui ignorait les cycles agricoles, la maladie ou le paiement obligatoire des frais de scolarité avant que les élèves ne soient autorisés à passer des examens. Ils étaient également étonnés de constater que les clients avaient beaucoup d’informations sur la microfinance, notamment sur les offres des concurrents et des institutions informelles. Le personnel des IMF était encouragé par la recherche et exalté au sujet de la conception de nouveaux produits. Cela est un peu semblable à l’expérience qu’a connue la CGAP lorsqu’elle apportait son appui à un travail basé sur le développement du capital humain (DHC) au niveau d’institutions financières (financial institutions in seven countries) de sept pays au cours de ces dernières années. Les dirigeants et les responsables qui communiquent avec les clients améliorent leur compréhension et leurs connaissances au-delà de ce qu’ils peuvent tirer de la simple lecture de rapports.

Cependant, les études de marché et l’enthousiasme suscité constituent la partie «aisée» de la mise en œuvre de produits orientés sur le client! En réalité, pour offrir des produits désirés par les clients il faut des changements importants et mineurs dans les domaines suivants :

  • La planification, la mise en œuvre et le suivi des tests pilotes (Planning, implementing and monitoringpilot-tests) : Avant la question n’était  pas de chercher systématiquement à savoir si le nouveau produit répondait aux besoins des clients ou était rentable pour l’institution. Par conséquent, ces nouveaux produits couraient le risque de ne jamais être déployés (les directeurs financiers remettant en cause la rentabilité) ou « vendus » (le personnel continuant avec les produits existants, compris).
  • Le calcul des coûts et la fixation des prix (Costing and pricing) : Avant de se focaliser sur le marché, bon nombre de nos institutions ne considéraient que leur résultat net,  non pas sur une base de produit par produit, ou même sur la base d’une clientèle segmentée, mais sur celle de l’ensemble du portefeuille. Le vrai « client-centrisme » voudrait dire que nos partenaires trouveraient un compromis pour offrir aux clients les produits de leur désir et faire tout ce qui est en leur pouvoir pour servir ces clients à un coût modique. Les modèles d’établissement des coûts et de fixation des prix mettent tous les acteurs sur la même longueur d’onde et permettent de faire des choix plus clairs lorsqu’un compromis devient inévitable.
  • La schématisation des processus (Process mapping) : L’efficacité est fondamentale pour le maintien des coûts à un niveau réduit et la plupart des institutions ont réussi à gagner en efficacité, notamment sous la forme de prêts de groupe, d’échelles de crédit assez rigides et, comme on le voit maintenant, dans le monde des transactions avec le recours à la technologie. Malheureusement, l’efficacité va souvent à l’encontre du « client-centrisme » : tout le monde ne veut pas emprunter en groupe, rembourser chaque semaine et voir les montants de prêt progresser au même rythme que son voisin. Tout le monde ne veut pas utiliser son téléphone pour effectuer ses opérations bancaires. Les outils de schématisation des processus ont aidé le personnel des prestataires de services financiers (PSF) et leurs dirigeants à visualiser l’ensemble du processus et faciliter le « client-centrisme » en étant plus efficaces dans leurs bureaux et à l’abri des regards des clients afin d’être en mesure d’offrir à ces derniers les services qu’ils désiraient et dont ils avaient besoin.
  • La mise à l’échelle  (Going to Scale) : Le déploiement et la mise à l’échelle de nouveaux produits à la fin d’un test pilote est un processus difficile et complexe. Le déploiement est un processus de plusieurs étapes qui permet de faire passer un produit du stade de l’essai pilote conclu avec succès au stade de son opérationnalisation complète au niveau de tous les points de distribution souhaités. Un déploiement excellemment planifié réduit les risques d’échec, permet d’organiser et d’optimiser les ressources, d’économiser de l’argent et d’assurer l’appui total et efficace de la direction et du personnel.

Dans le blog suivant «Les aléas de la stratégie du « client-centrisme » dans le domaine de l’inclusion financière– 2ème partie : Au-delà des rudiments » (“The Ebb and Flow of Customer-Centricity in Financial Inclusion Part 2 – Beyond the Basics”) nous discuterons d’autres éléments essentiels.

Ce blog a été publié pour la première fois au Centre pour l’inclusion financière  (Center for Financial Inclusion) 

[1] Les partenaires de recherche-action de MicroSave Consulting sont Equity Bank, Kenya Post Office Savings Bank, Centenary Bank, FINCA-Uganda/Tanzania, Teba Bank, Tanzania Post Bank, Pride-Tanzania et Uganda Microfinance Union

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