Les services bancaires par agents ont le potentiel d’offrir, à un grand nombre de personnes présentement non bancarisées ou sous-bancarisées, un plus grand accès aux services financiers à travers des institutions financières qui déploient des services financiers par l’intermédiaire d’agents tiers. Ils ne sont toutefois que le dernier élément d’une révolution beaucoup plus vaste qui s’opère dans le secteur bancaire sur la base de la technologie. Dans de bonnes circonstances, les services bancaires par agents peuvent réduire les coûts et aider une institution financière à recruter de nouveaux clients.
La redéfinition des services bancaires grand public : l’utilisation des agents et au-delà
Les services bancaires par agents ont le potentiel d’offrir, à un grand nombre de personnes présentement non bancarisées ou sous-bancarisées, un plus grand accès aux services financiers à travers des institutions financières qui déploient des services financiers par l’intermédiaire d’agents tiers. Ils ne sont toutefois que le dernier élément d’une révolution beaucoup plus vaste qui s’opère dans le secteur bancaire sur la base de la technologie.
En effet la technologie est en train de redéfinir le secteur bancaire partout dans le monde. En Europe, la plupart des transactions se font en ligne, les succursales ont introduit l’identification biométrique des clients, les entretiens avec les clients se font par vidéoconférence, la documentation est scannée et numérisée. Au Royaume-Uni, la communication en champ proche a permis la généralisation des paiements sans contact, donc une baisse dans la circulation de la liquidité.
Il y a une différence entre les services bancaires des pays en développement et ceux de l’Europe. Généralement, il y a moins de succursales, de guichets automatiques et de périphériques (POS), les niveaux d’interopérabilité sont plus faibles, il y a peu de paiements marchands et le pourcentage d’accès aux institutions financières est faible. L’utilisation de mécanismes informels ou semi-formels tels que les groupements d’épargne, les collecteurs de dépôts, les prêteurs d’argent, les amis et les membres de la famille est beaucoup plus répandue. Cependant un fait intéressant est que la révolution technologique a également pris un élan considérable dans ces pays.
En 2002, Stijn Claessens et ses collègues ont publié un article intitulé Le financement électronique dans les marchés émergents : un bond en avant est-il possible ?, et c’était à l’époque une réflexion prospective. Aujourd’hui, nous pouvons affirmer avec certitude que cela est non seulement possible, mais qu’il se produit déjà et rapidement.
Alors, quels sont les facteurs qui sont à la base de ce bond en avant ? La technologie et les communications ont créé le tremplin du changement. La révolution de la téléphonie mobile a permis d’une part de mettre dans la poche des clients un nouveau canal d’accès aux services bancaires et a assuré le développement du mobile money. Ce dernier, à son tour, a été la démonstration de la faisabilité des services bancaires par agents, dans la mesure où il a permis de montrer que les services financiers peuvent être offerts à travers la technologie, les moyens de communication et des tiers.
Cependant, les services bancaires par agents sont confrontés à des défis fondamentaux. De nombreux banquiers ne comprennent pas le modèle des services bancaires par agents qui est un canal de facilitation de transactions et non un produit. L’autre risque est que les anciens clients voient les services bancaires par agents comme un canal supplémentaire de transactions auquel ils seront tenus de souscrire de toutes les façons augmentant par-là leurs charges. Au demeurant, c’est un canal à faible coût avec un coût d’exploitation peu élevé (dans l’ensemble) mais qui ne génère pas non plus de revenus considérables si l’on s’en tient aux transactions existantes.
Alors pourquoi s’y engager ? Dans de bonnes circonstances, les services bancaires par agents peuvent réduire les coûts, aider une institution financière à recruter de nouveaux clients, réduire la congestion dans les agences et libérer ces dernières pour servir les clients importants ou s’occuper de prestation de services. Ils peuvent faciliter la création de nouvelles entités de paiement, de nouveaux dépôts et le microcrédit. Le véritable argument en faveur de ces services est le changement qu’ils favorisent.
Des circonstances idéales, probablement les trois mots les plus importants de cet article ? Alors, quelles sont ces circonstances idéales ? Il s’agit de :
La capacité à plus facilement prendre à bord de nouveaux clients : les institutions financières doivent pouvoir utiliser les services bancaires par agents comme un composant clé d’une stratégie d’intégration de nouveaux clients. Pour cela il faudra non seulement une identité digitale, mais également un accès, gratuit ou à moindre coût, de ces institutions à la base de données nationale d’identification des personnes et son utilisation dans le remplissage des formulaires d’ouverture de compte. L’Inde a utilisé avec succès l’identité biométrique Aadhaar comme un élément clé de l’ouverture de centaines de milliers de nouveaux comptes digitaux. Au Kenya, les banques ont gratuitement accès à la base de données nationale d’identification des personnes.
Des paiements de l’État vers les personnes : en Inde les paiements G2P ont été un élément essentiel du système et un contributeur important aux paiements mobiles dans le nord du Kenya puisque plusieurs gouvernements règlent les pensions, ainsi que des subventions pour engrais et carburant.
L’interopérabilité : la capacité de transférer de l’argent à travers le système financier et de relier les portefeuilles mobiles aux comptes bancaires est importante pour l’évolution des paiements des commerçants.
La tarification appropriée : l’interopérabilité sera considérablement limitée si les paiements individuels, les transferts de fonds, le retrait de fonds à travers les réseaux ou entre les prestataires de services financiers se font à des coûts élevés. L’expérience du Kenya suggère que les commissions des marchands devraient tourner autour de 1% sur le marché de l’Afrique de l’Est. Les frais de retrait à travers les réseaux doivent donc être modestes parce que s’ils sont élevés, ils limiteront alors la fonctionnalité de l’’interopérabilité.
Un environnement réglementaire favorable : l’environnement réglementaire est incertain sur de nombreux marchés étant donné que l’élaboration des réglementations prend du temps et que le parlement prend des années pour passer des amendements législatifs. Le dialogue intra-réglementaire n’aboutit pas à un consensus sur la voie à suivre pour le secteur de la finance digitale.
Une volonté d’investir dans la numérisation des paiements de masse : le cas échéant, des filières de paiement telles que celles qui opèrent dans le secteur agricole, notamment celles des petits paiements réguliers pour le café, le thé, les produits laitiers, peuvent être utilisées dans les systèmes de paiement ruraux. Dans d’autres pays, les versements aux travailleurs du secteur industriel et la numérisation des salaires des travailleurs peuvent accélérer l’adoption dans les zones urbaines.
Gérer pour l’avenir
Même avec des circonstances appropriées, la gestion des opérations digitales par les institutions financières doit se faire avec prudence [1]. Les institutions doivent s’assurer qu’elles ont :
Des réseaux d’agents[2]qui fonctionnent avec un niveau optimum de fiabilité : une gestion efficace du réseau d’agents, avec des normes claires de sélection et de désélection d’agents, des systèmes de gestion de liquidité et de suivi des agents, des mécanismes certains d’annulation et de réclamation.
Des processus digitaux rigoureux : traitement direct, détection et prévention avancées et en temps réel de la fraude, cartographie de la rapidité, stratégies d’annulation et service à la clientèle appropriés.
De l’élaboration de produit[3] : pour que l’élaboration de produit ait du succès il faut comprendre clairement les propositions de valeur client et les cas d’utilisation. Il est probable que le crédit digital ait une popularité auprès des institutions financières et de leurs clients, mais des écueils tels que les portefeuilles à risque et la possibilité de blacklistage du crédit risquent de constituer des obstacles immédiats pour le secteur.
Gérer de manière stratégique
Les services bancaires par agents peuvent donc créer un changement, mais ils font partie d’une stratégie qui tient compte, extérieurement, de l’environnement de compétition, et intérieurement, des opportunités de numérisation.
Concurrence et coopération : dans certains cas, le secteur des services financiers digitaux peut choisir de coopérer. Un exemple patent de cet aspect est la provision d’agents dans les zones rurales, où il peut y avoir des exploitations qui ont peu de liquidités pour offrir des services à de nombreuses institutions financières individuellement. C’est le concept d’agents partagés préconisé par l’Association ougandaise des banquiers. Le défi évident des agents desservant plusieurs prestataires est la gestion de multiple e-floats, leur répartition efficace entre ces nombreux prestataires. Un autre argument en faveur de la coopération se trouve dans l’extension d’un écosystème de finance digitale et la certitude que, lorsque le système dans son ensemble fonctionne bien pour le client, les niveaux d’adoption peuvent être considérablement augmentés.
Perturbation des Fintech : s’il y a une seule leçon à tirer de la rapide adoption généralisée des plateformes de prêt (sur téléphones intelligents), c’est que les institutions financières devront observer et s’impliquer activement (apprendre de, collaborer ou coopter le cas échéant) avec des sociétés de technologie financière déterminées qui s’emploient à trouver des moyens pour injecter de l’efficacité et l’efficience dans les différents aspects des services financiers.
Numérisation de l’institution : les services bancaires par agents et les systèmes qui leur sont associés s’inscrivent dans l’évolution vers la numérisation de multiples aspects des activités bancaires au niveau international. Ces services offrent une possibilité de progrès synergétiques dans l’ensemble des opérations bancaires, notamment l’utilisation de la biométrie, la centralisation des fonctions clés telles que l’ouverture de comptes, le renforcement du service clients, la numérisation des éléments ayant trait à la prise de décision et à la gestion de prêts, l’intégration aux bases de données nationales, etc.
Informatique : un avenir digital implique la numérisation de l’information et le rendement de cette dernière lorsqu’elle est correctement gérée. Pour cela il faut que les institutions financières saisissent et utilisent des series d’informations, tels que les paiements, pour améliorer la prise de décision, concevoir de nouveaux produits et services et segmenter les clients en investissant dans la capacité financière digitale, l’entreposage de données et en reconnaissant l’importance stratégique des informations[4].
Le moment est arrivé d’investir dans l’avenir digital, il sera peut-être trop tard demain. Pour les institutions financières grand public, en particulier celles qui ont une large clientèle, les services bancaires par agents permettent aux clients d’expérimenter les canaux digitaux et leur offrent une perspective réaliste de passer graduellement aux transactions de paiement auto-initiées, ce qui constitue une plus-value supplémentaire pour les institutions financières.
[1] L’Institut Helix de la finance digitale de MSC offre une formation sur la finance digitale. Pour plus d’informations, voir. http://www.helix-institute.com/training-courses
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