Bibliothèque

Relever les défis liés au crédit digital compte tenu des vulnérabilités spécifiques aux segments de clientèle

  • user by Rebecca Szantyr
  • time Oct 11, 2019
  • calendar 5 min

Sept ans après l’émergence du crédit digital, près de 6 millions de Kenyans ont soit utilisé le service ou continuent de l’utiliser. Cependant, la question demeure : le crédit digital est-il suffisamment répandu pour aider tous les Kenyans qui ont besoin d’un crédit instantané ? Pour répondre à cette question, nous avons interrogé un échantillon de 50 emprunteurs digitaux et avons utilisé notre approche MI4ID afin de recueillir des informations sur l’utilisation du crédit digital, les comportements spécifiques à certains segments de clientèle, l’adéquation de la protection des clients et de la connaissance des produits.

Relever les défis liés au crédit digital compte tenu des vulnérabilités spécifiques aux segments de clientèle 

Olivia Obiero et Wanjiku Kiarie, septembre 2019

Stanley est un commerçant de 35 ans qui vend des chaussures d’occasion dans l’un des plus grands marchés de plein air de Nairobi. Il réalise suffisamment de bénéfices pendant les heures d’affluence qu’il réinvestit souvent dans son commerce. Parfois, en cas de baisse et d’irrégularité des profits, Stanley a besoin d’une ligne de crédit pour rester à flot. Il emprunte, en moyenne 300 USD par mois auprès des institutions de crédit digital pour reconstituer son stock. Il rembourse ses prêts à temps pour éviter une réduction de sa limite de prêt et un fichage négatif.

Stanley n’est que l’un des nombreux emprunteurs digitaux qui ont réussi à améliorer leurs moyens de subsistance grâce au crédit digital. Sept ans après l’émergence de ce genre de crédit, près de 6 millions de Kenyans ont soit utilisé le service ou continuent de l’utiliser. Cependant, la question demeure : le crédit digital est-il suffisamment répandu pour aider tous les Kenyans qui ont besoin d’un crédit instantané ? Pour répondre à cette question, nous avons interrogé un échantillon de 50 emprunteurs digitaux et utilisé notre approche « Market Insights for Innovation and Design (MI4ID) » afin de recueillir des informations sur l’utilisation du crédit digital, les comportements spécifiques à certains segments de clientèle, l’adéquation de la protection des clients et de la connaissance des produits.

Notre recherche a essentiellement porté sur les segments de clientèle négligés, comme l’indique le rapport Digital credit in Kenya: evidence from demand-side surveys. Dans le tableau 1, nous explorons certaines des caractéristiques et certains des défis de ces segments de clientèle qui ont donné lieu à des taux d’absorption allant de faibles à modérés. Ces segments de clientèle utilisent près de la moitié du montant total emprunté pour leurs besoins de consommation.

Pour que le crédit digital puisse être au service des couches marginalisées, il serait bon que les prêteurs envisagent quelques-unes des options énumérées ci-dessous :

Une conception appropriée du produit

Il est important d’adopter une approche centrée sur le client (voir figure 1) pour élaborer des produits de crédit digitaux utiles pour la majorité des couches sociales. Cela permettrait d’éviter davantage l’exclusion des couches telles que les paysans et les femmes micro entrepreneures. Notre approche MI4ID part du principe que l’élaboration de produits va au-delà du processus traditionnel. Cette approche intègre les principes de l’économie comportementale et de la conception centrée sur l’être humain. À MicroSave Consulting (MSC), nous pensons que l’élaboration de produits doit être un processus à deux volets : tout d’abord celui de la génération d’informations sur le marché, et ensuite celui de l’innovation et de la conception.

Les fournisseurs qui opèrent déjà à grande échelle devraient s’investir davantage dans une segmentation plus granulaire de la clientèle et adapter leurs produits et services de façon appropriée. Cependant, certains acteurs de niche tels que DigiFarm, Apollo Agriculture, et AfriKash, qui s’efforcent de réaliser cet objectif, méritent un meilleur appui.

Encadré 1 : Le cas de DigiFarm

En 2017, DigiFarm, une solution agricole élaborée par Safaricom, est entrée en partenariat avec FarmDrive pour élaborer et lancer un produit de prêt avec des conditions flexibles de remboursement allant de 30 à 120 jours.  En  date de mai 2019, DigiFarm avait déjà enregistré sur la plateforme plus d’1 million de petits fermiers qui ont accès au crédit digital et reçoivent des prêts en espèce.


Une utilisation de canaux digitaux économiques pour communiquer avec les couches vulnérables

En matière d’implication des clients, certaines couches sociales, telles que les populations rurales ne trouvent pas les réseaux sociaux très intuitifs, préférant une interaction humaine. Les fournisseurs devraient inclure au moins un canal qui offre un contact humain plus concret. Par exemple, un numéro de service client introduit un élément humain qui pourrait être utilisé pour le marketing et la collecte des remboursements de prêts.

Un marketing de produits servant d’outil d’éducation pour les emprunteurs digitaux

Comme le montre la figure ci-contre, presque tous les prêteurs digitaux envoient des messages de marketing émotionnels aux clients potentiels dans le but de les persuader de contracter des prêts.

Cependant le niveau de capacité financière de certaines couches de clientèle telles que les jeunes et les travailleurs occasionnels, est faible. Ils sont facilement influencés pour souscrire des prêts digitaux. Pour encourager l’usage responsable des prêts digitaux et la facilitation de taux de remboursement plus élevés, les fournisseurs peuvent introduire un contenu éducatif dans leurs stratégies de marketing.

 

Encadré 2 : le cas de Pezesha

Pezesha est une plateforme digitale entre pairs conçue à l’intention des emprunteurs à faible revenu au Kenya. Ses clients disposent d’un portefeuille de données leur permettant de créer et de stocker leur profil digital ; ils peuvent l’utiliser pour accéder au crédit auprès de prêteurs formels. La plateforme s’emploie également à l’éducation financière dans le but de promouvoir et d’encourager des pratiques financières responsables et l’usage du crédit parmi les emprunteurs digitaux. Grâce à sa solution, Patascore, la société propose des contenus d’éducation financière portant sur divers domaines, tels que l’épargne et les investissements, la gestion efficace de la dette, les moyens d’améliorer la cote de crédit, les centrales des risques et leur rôle. Lorsqu’un emprunteur se voit refuser un prêt, il reçoit des conseils sur la manière d’améliorer ses scores et de présenter une nouvelle demande à une date ultérieure.

En l’espace de sept ans seulement depuis l’avènement du crédit digital au Kenya, le secteur a démontré son énorme potentiel à servir les couches de clientèle marginalisées. L’élaboration de produits plus adaptés par les fournisseurs peut être le signe manifeste d’un formidable pas en avant vers l’inclusion financière de ces couches.

Pour lire notre rapport sur l’environnement du crédit digital au Kenya, cliquez ici. Ce rapport évalue les progrès et les difficultés du secteur et formule des recommandations pour une offre de crédit digital plus responsable. Il présente un rapport d’étude et une note de réflexion stratégique pour analyser l’évolution de l’écosystème du crédit digital au Kenya.

Laisser des commentaires