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MIMO : réduire la fracture digitale pour la main d’œuvre rurale

  • user by Rebecca Szantyr
  • time Jul 10, 2020
  • calendar 8 min

Les travailleurs indépendants ou « gig workers » sont confrontés de plein fouet à l’épidémie de COVID-19. Ce blog retrace le parcours de MIMO, une start-up FinTech qui utilise la technologie pour aider les travailleurs à la tache à améliorer leurs revenus. Découvrez comment MIMO soutien ces travailleurs en ces temps difficiles.

MIMO : réduire la fracture digitale pour la main d’œuvre rurale

Sneha SampathAnil Gupta and Anshul Saxena, juin 2020

Ce blog retrace le parcours d’une start-up du Laboratoire d’inclusion financière (Financial Inclusion Lab), un accélérateur de start-ups qui reçoit le soutien de certaines des plus grandes organisations philanthropiques du monde – la Fondation Bill & Melinda Gates, JP Morgan, la Fondation Michael & Susan Dell, la Fondation MetLife et le Omidyar Network.

L’Inde compte 15 millions de travailleurs à la tâche, ce qui représente près de 40 % des emplois freelance offerts dans le monde, et ce chiffre augmente de façon régulière chaque année. Nombreux sont les étudiants qui ont abandonné leurs études ou les personnes employées à temps partiel qui recherchent des emplois d’appoint pour subvenir à leurs besoins et/ou à ceux de leur famille. Ces emplois, souvent appelés « gig work » en anglais (ce qui peut se traduire par « emploi à la tâche »), sont souvent imprévisibles, irréguliers et précaires. Dans la plupart des cas, le gig work découle d’une pénurie d’emplois stables à temps complet. De façon peu surprenante, on observe que le problème du sous-emploi est plus prononcé dans les zones rurales en raison d’activités économiques plus limitées.

Préssentant une opportunité de servir la gig économie, l’entrepreneuse en série Lathika Regunathan a créé MIMO (Minimum Investment Maximum Outcome : investissement minimal, résultat maximal). MIMO se sert de la technologie pour aider les travailleurs à la tâche de l’ensemble du pays, et notamment ceux des zones rurales, à améliorer leurs revenus. Son application mobile joue le rôle d’intermédiaire entre des prestataires de services, généralement des banques ou d’autres institutions, et ses agents de terrain, qui sont le plus souvent des jeunes sous-employés.

L’application permet aux prestataires de mettre en place différentes tâches régulières et limitées dans le temps qu’ils souhaitent externaliser. MIMO affecte ces tâches à des agents de terrain formés et géo-localisés au sein du territoire de leur choix. Ces tâches ont généralement trait à la vérification de demandes de prêts ou de cartes de crédit, à la collecte de documents ou d’encaissements, etc. L’application contient également des fonctionnalités d’analyses statistiques, de tableaux de bord et de mécanismes de gestion du suivi destinées aux prestataires de services. 

La prise de conscience

Le concept de MIMO a vu le jour alors que Lathika travaillait en Amérique latine dans le secteur des services financiers. Elle y avait observé que les coûts d’exploitation et d’acquisition des clients étaient élevés dans les zones rurales, ce qui empêchait les prestataires de servir la clientèle du bas de la pyramide des revenus de façon rentable. Les prestataires n’avaient pas non plus la possibilité d’utiliser une plateforme économique de service à la clientèle pour ces segments, surtout dans les zones difficiles d’accès. Réalisant que son pays d’origine était probablement confronté aux mêmes difficultés, Lathika a décidé peu de temps après de revenir en Inde pour s’attaquer à ce problème. 

Le pitch

MIMO a pour mission d’aider la main d’œuvre rurale et semi-urbaine à tirer parti de la révolution digitale. Ses agents de terrain sont généralement des jeunes qui ont abandonné leurs études. Ils travaillent avec MIMO pour gagner leur vie tout en se formant à l’univers digital. 

MIMO aide également les établissements financiers et d’autres prestataires de services à toucher les marchés ruraux de façon économique. Il est souvent difficile et coûteux pour les prestataires de servir la clientèle rurale en raison de l’absence d’infrastructures du dernier kilomètre, des distances et du caractère isolé de nombreuses régions. Le coût de mise en place d’un réseau de distribution de grande envergure est élevé, surtout dans les zones rurales dispersées, avec des retours sur investissement peu élevés. 

MIMO permet ainsi aux prestataires d’accéder à une main d’œuvre formée et à des compétences plus proches de leur clientèle, tandis que ses agents de terrain accèdent ainsi à des opportunités de revenus au sein de leur localité. 

L’impact sur les segments à faible et moyen revenu

Lathika considère que MIMO améliore les conditions de vie de ses agents de terrain. MIMO leur offre la possibilité d’exercer une activité professionnelle respectable qui améliore leur statut social au sein de leur communauté. Ils font partie du monde digital, ce qui facilite leur inclusion sociale.

Pour connaître le point de vue des agents, l’équipe MSC a interviewé Ram Sahay, un agent de terrain de MIMO : « Je suis fier de travailler avec MIMO, parce qu’à la différence de certains de mes collègues, qui sont obligés de transporter des gros paquets de documents ou de formulaires chez leurs clients, je travaille avec l’appli mobile de MIMO, ce qui me permet de faire la même chose deux fois plus vite », dit-il avec un large sourire. Les agents de terrain déclarent que les tâches réalisées pour MIMO augmentent leurs revenus de 20 à 30 %. Ils indiquent que leur productivité personnelle s’est elle aussi améliorée, car ils peuvent mieux planifier leurs journées. 

Les obstacles

Depuis sa création, l’une des principales difficultés rencontrées par MIMO a été de gagner et de conserver la confiance de clients qui sont des banques et d’autres prestataires de services. Faute de visibilité sur le dernier kilomètre, ces clients avaient des inquiétudes quant aux antécédents et aux compétences des agents de terrain et doutaient que ceux-ci soient en mesure de faire le travail dans le respect de leurs exigences. 

Il a été beaucoup plus facile pour MIMO de relever le défi de la formation des agents de terrain en ce qui concerne la technologie et l’application. Cela passait par des choses simples, comme le fait de prendre de bonnes photos, de comprendre la signification des documents à remplir, etc. Il a fallu davantage de temps et des formations répétées pour améliorer leurs compétences en matière de communication, de présentation et d’aisance dans les relations avec les clients des prestataires – ce qu’on appelle les « soft skills ». 

La diversité des zones géographiques couvertes a également représenté une autre difficulté pour MIMO. Les différences dans les habitudes de travail l’ont obligée à aborder chaque état indien de façon différente. Dans des états comme le Bihar ou l’Uttar Pradesh, MIMO a eu du mal à obtenir que les agents de terrain terminent les tâches figurant sur leur liste dans les délais alloués. Les agents de terrain des états du sud de l’Inde font preuve de davantage de rigueur et n’hésitent pas à accepter des tâches supplémentaires. 

Le soutien du Lab 

Le Centre for Innovation Incubation and Entrepreneurship (CIIE – Centre d’incubation de l’innovation et de l’entrepreneuriat) et MicroSave Consulting (MSC) ont organisé des ateliers de travail intensifs et des séances de diagnostic pour soutenir MIMO. MSC a ainsi organisé une séance de planification stratégique avec l’équipe de direction de l’entreprise. Cet exercice a permis aux membres de l’équipe d’entamer une réflexion stratégique allant au-delà de la simple survie de l’entreprise. Grâce à cette démarche, MIMO est en mesure de se fixer des objectifs à moyen terme et à long terme avec des cibles intelligentes. D’après Lathika, cela leur a permis de rationaliser les processus internes de l’entreprise tout en rapprochant l’équipe. 

Avant ce travail, l’équipe de MIMO était confrontée à des difficultés typiques des start-ups. L’équipe n’avait pas de définition précise des rôles et responsabilités. Il arrivait par exemple que l’un de ses membres finisse par s’occuper d’un processus interne qu’un autre membre de l’équipe maîtrisait mieux, ce qui représentait une perte d’efficacité. La situation était également aggravée par un manque de communication. L’atelier a permis aux responsables des différentes équipes de se rapprocher et d’identifier les déficits de communication. Ils ont pu ainsi se répartir d’un commun accord des rôles et des responsabilités mieux définis. 

À ce jour, MIMO a réduit de 25 % les délais d’exécution de ses processus grâce à une meilleure répartition des tâches et à la mise en place de normes de communication au sein de l’entreprise. L’atelier et l’assistance complémentaire du Lab ont également permis à l’équipe de direction de MIMO de mieux gérer ses priorités et d’avoir davantage d’impact dans le cadre d’une vision plus large de l’entreprise. 

Une étude de terrain de diagnostic rapide a permis à MIMO de mieux comprendre les différentes difficultés rencontrées par ses agents sur le terrain et prendre des mesures pour les surmonter. Cette étude a également permis de définir un barème de commission équitable basé sur les normes du secteur. 

COVID-19 : une période difficile pour MIMO et ses travailleurs indépendants

Après avoir commencé avec quelques clients et 250 agents de terrain en 2017, MIMO servait jusqu’en février 2020 plus de 70 clients par le biais de 10 800 agents de terrain. Avec une activité qui couvrait 19 États de l’Inde, son avenir s’annonçait prometteur. Mais le coronavirus est arrivé, plongeant tout le pays en situation de « lockdown » (confinement). Les activités de terrain de l’entreprise ont été complètement interrompues et les clients sont revenus sur leur engagement de poursuivre leurs relations dans ces conditions.

Fermement décidée à survivre, MIMO a examiné la possibilité d’un processus de vérification vidéo. Il ne s’agit pas d’une grande transformation innovante, mais plutôt d’un ajustement pour faire le meilleur usage des ressources disponibles : l’appel vidéo. Ce qui a commencé comme une solution provisoire pendant la crise actuelle a rapidement pris de l’ampleur, tant auprès des clients que des agents de terrain qui travaillaient depuis leur domicile. La confiance des clients dans la qualité des résultats obtenus par MIMO et la capacité de l’équipe MIMO à adopter le nouveau processus et à former les agents de terrain qui le souhaitaient ont commencé à porter leurs fruits. De presque zéro transaction pendant la deuxième quinzaine de mars à quelques centaines aujourd’hui et à l’arrivée prochaine de deux gros clients, MIMO pourrait finir par traiter davantage de transactions qu’avant l’arrivée de la pandémie.

Ce blog fait partie d’une série d’articles consacrés à des FinTech prometteuses qui sont source de changement au sein des communautés défavorisées. Ces entreprises bénéficient du soutien du Laboratoire d’inclusion financière (Financial Inclusion Lab), un accélérateur de start-ups également parrainé par MicroSave Consulting (MSC) qui fait partie de l’initiative indienne, “Bharat Inclusion Initiative”  du Centre for Innovation Incubation and Entrepreneurship (CIIE.CO) en Inde.

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