Bibliothèque

Connaissances nutritionnelles : définir une nouvelle voie

Ce blog se penche sur les facteurs qui influencent les choix alimentaires de la population, et donc ses apports nutritifs. Il fait également ressortir le besoin de connaissances nutritionnelles chez les bénéficiaires du système de distribution publique indien, le « PDS » (Public Distribution System).

Connaissances nutritionnelles : définir une nouvelle voie

Neha ParakhPuneet KhandujaMitul Thapliyal et Vijay Ravi, janvier 2020

Dans les blogs 1 et 2 de notre série, nous avons évoqué les statistiques nutritionnelles sous-optimales de l’Inde, ainsi que le manque de diversité des habitudes alimentaires de sa population. Nous avons également examiné les mesures que le gouvernement devrait prendre pour répondre à ces problèmes. Dans le présent article, nous revenons sur l’importance des connaissances nutritionnelles.

En août 2019, MSC a terminé une étude qui évaluait les carences nutritionnelles au sein des ménages. Cette étude montrait que si très peu de bénéficiaires étaient confrontés à une pénurie alimentaire, toutes les catégories démographiques avaient une alimentation pauvre en macro- et micronutriments essentiels. Ces carences peuvent être attribuées à un manque de diversité du régime alimentaire des bénéficiaires. En règle générale, les gens ne possèdent qu’une connaissance traditionnelle de la nutrition. Des connaissances nutritionnelles supplémentaires accompagnées d’« encouragements » réguliers sont donc nécessaires pour améliorer les résultats nutritionnels globaux.

Plusieurs variables, appelées « facteurs de mode de vie », influencent les choix et les habitudes alimentaires de la population, lesquels déterminent à leur tour les apports nutritifs. On observe ainsi que les gens préfèrent souvent les aliments facilement disponibles, et que cette disponibilité est déterminée par l’économie agricole, la logistique et la dynamique des marchés. La seconde catégorie de facteurs qui influencent les choix des consommateurs comprend les prix, l’emballage, le goût et l’accès. La troisième catégorie comprend les connaissances, l’accessibilité financière et les préférences personnelles. Le diagramme ci-dessous illustre les différents facteurs du système d’approvisionnement qui influencent les résultats nutritionnels de la population.

Les régimes alimentaires déséquilibrés sont une importante cause de malnutrition. À l’échelon mondial, ils sont responsables de davantage de décès et d’incapacité chez les adultes que la consommation d’alcool et de tabac. Les systèmes alimentaires actuels de l’Inde ne favorisent pas des régimes alimentaires sains et diversifiés 1 chez les bénéficiaires, ce qui contribue à la malnutrition. Tous les segments de la société, et notamment les catégories à revenus faibles ou intermédiaires, sont touchés par la malnutrition. Le triple fardeau de la malnutrition (retards de croissance et cachexie, anémie, obésité) est courant chez les hommes, les femmes et les enfants, mais on le rencontre plus fréquemment chez les femmes et les enfants.

Les responsables politiques du monde entier commencent à prendre ce problème très au sérieux. Les sommes consacrées par 25 pays à des allocations ayant trait à l’alimentation ont atteint 16,2 milliards de dollars en 2018.2,3 Les données en provenance du monde entier indiquent qu’une amélioration des revenus et de la disponibilité d’aliments de qualité ne se traduit pas forcément par une augmentation nette des indicateurs nutritionnels de la population à revenus faibles ou intermédiaires.4 Faute de connaître les bonnes pratiques nutritionnelles, les gens ont tendance à se focaliser sur la quantité plutôt que sur la qualité des aliments qu’ils consomment.

Initiatives publiques et lacunes de mise en œuvre

Le gouvernement indien gère plusieurs programmes de lutte contre la faim et contre les problèmes de nutrition, comme par exemple le PDS, les Integrated Child Development Services (ICDS), Mid-day Meal (MDM), Poshan Abhiyan, Anemia Mukt Bharat et le Rashtriya Poshan Maah (mois national de la nutrition). Aussi louables que soient les objectifs de ces initiatives, il serait nécessaire de mettre davantage l’accent sur la nutrition et le contrôle. L’enrichissement des aliments est un moyen potentiel d’amélioration de la nutrition, mais il ne représente pas une solution souhaitable à long terme, car il ne peut pas se substituer à une alimentation équilibrée.5,6 Le gouvernement gère également des programmes comme les comités villageois de santé, d’assainissement et de nutrition (VHSNC) qui suivent une approche plus « douce » de lutte contre la sous-alimentation. Plusieurs rapports montrent toutefois qu’il existe des lacunes de mise en œuvre de ces programmes en termes de formation, de soutien et de surveillance.7,8,9,10

L’étude primaire réalisée par MSC montre qu’une alimentation peu variée associée à des choix alimentaires peu judicieux se traduit par une consommation élevée de glucides. Les consommateurs sont souvent induits en erreur par les messages publicitaires qui vantent des produits « sains » ou « nutritifs ». Les connaissances nutritionnelles 11 sont un levier important pour s’assurer que les bénéficiaires tirent le meilleur parti des différentes initiatives gouvernementales et aboutissent ainsi aux changements souhaités.

Définir une nouvelle voie pour l’avenir

En plus de changements tels que l’enrichissement des aliments ou l’introduction d’une plus grande variété dans le panier alimentaire du PDS, le gouvernement devrait également mettre l’accent sur les connaissances nutritionnelles. Une communication adaptée permettrait d’encourager l’adoption d’une plus grande diversité de céréales dans le cadre du PDS. Les principes de la science comportementale devraient être mis à profit pour développer les connaissances nutritionnelles et parvenir aux solutions souhaitées. Nous présentons ci-dessous une série de recommandations pour intégrer des connaissances nutritionnelles dans le cadre des canaux existants :

  1. Utiliser le concept de l’oralité 12 pour afficher des informations visuelles sur les cartes de ration en vue de faire connaître les aliments plus sains offerts dans le panier PDS ainsi que leurs bienfaits respectifs.
  2. Utiliser les numéros de téléphone portable associés aux bénéficiaires pour créer une plateforme de SMS de promotion de contenus liés à la santé et de réponse vocale interactive.
  3. Dispenser une formation nutritionnelle de meilleure qualité aux travailleurs gouvernementaux qui interviennent au niveau des villages, comme les travailleurs Anganwadi ou les ASHA. Ces travailleurs de terrain devraient expliquer les avantages diététiques des différents aliments aux adultes et aux enfants et utiliser des canaux appropriés pour diffuser des informations adaptées à leur auditoire, comme par exemple des chansons ou des histoires pour les enfants. Les travailleurs Anganwadi devraient se servir de tablettes pour diffuser des messages comportant des encouragements comportementaux.13,14
  4. Renforcer des initiatives comme le programme de santé scolaire en surveillant de près leur mise en œuvre. Élargir la portée du programme en incluant les écoles privées pour augmenter le nombre d’élèves concernés. Utiliser des encouragements comportementaux et des techniques novatrices d’apprentissage, comme par exemple des jeux interactifs ou des concours.
  5. Le gouvernement devrait augmenter les effectifs pour garantir une mise en œuvre efficace d’initiatives telles que Poshan Abhiyan, les comités villageois de santé, d’assainissement et de nutrition ou le Scheme for Adolescent Girls [programme pour adolescentes]. Au lieu de cibler uniquement les catégories vulnérables, il serait nécessaire de toucher également les hommes et les personnes âgées au sein des ménages, car ces personnes sont susceptibles d’avoir une influence déterminante sur les décisions alimentaires des familles.

Au cours de la décennie écoulée, la nutrition a bénéficié d’une reconnaissance qui était nécessaire. Le partage des connaissances sur ce sujet a été significatif, notamment au sein des classes moyennes et supérieures. Cependant, cette sensibilisation et ces connaissances ne se sont pas encore diffusées au sein des segments à revenus faibles et intermédiaires, parmi lesquels la sous-alimentation reste un problème. Une solution possible consisterait à utiliser la communication pour le changement social et de comportement (CCSC) pour influencer les comportements de la population, car cette méthode s’est avérée plus efficace que la communication traditionnelle. Le concept de nutrition devrait être introduit dès l’enfance auprès des populations pour susciter une prise de conscience et faciliter son adoption. Cette démarche conduirait à de meilleures habitudes alimentaires pour mettre un terme définitif au fléau de la sous-alimentation.

Références :

  1. Le défi de la nutrition – Les solutions du système alimentaire, OMS, 2018
  2. Global nutrition report [Rapport sur la nutrition dans le monde]
  3. Ce chiffre ne comprend pas les programmes de sécurité alimentaire comme le PDS indien, qui représente à lui seul un budget annuel d’environ 25 milliards de dollars.
  4. Narrowing the nutrition gap [Réduire le fossé de la nutrition]
  5. Directives sur l’enrichissement des aliments en micronutriments, OMS, FAO, 2006
  6. Behavior change for better health: nutrition, hygiene and sustainability [Changements de comportement pour la santé: nutrition, hygiène et durabilité], BMC Public Health, 2013
  7. Are village health sanitation and nutrition committees fulfilling their roles for decentralized health planning and action? A mixed methods study from rural eastern India [Les comités villageois de santé, d’assainissement et de nutrition remplissent-ils leurs fonctions de planification et d’action sanitaires décentralisées? Une étude multi-méthodes sur les régions rurales de l’Est de l’Inde], BMC Public Health, 2016
  8. Assessment of Village Health Sanitation and Nutrition Committees of Chandigarh [Évaluation des comités villageois de santé, d’assainissement et de nutrition de Chandigarh], Indian Journal of Public Health, 2017
  9. Assessment of village health sanitation and nutrition committee under NRHM in Nainital district of Uttarakhand [Évaluation des comités villageois de santé, d’assainissement et de nutrition dans le cadre du NRHM dans le district de Nainital de l’État d’Uttarakhand], Indian Journal of Community Health, 2013
  10. Poshan Abhiyan, Government policies and interventions for development in various sectors and issues arising out of their design and implementation [Politiques et interventions du gouvernement dans différents secteurs et problèmes posés par leur conception et leur mise en œuvre], Insights Mindmaps, 2018
  11. Le terme « connaissances nutritionnelles » désigne l’ensemble des compétences requises pour comprendre l’importance d’une bonne alimentation pour la santé.
  12. L’oralité désigne un concept de simplification de la communication pour faciliter la compréhension des messages par les personnes qui ne savent pas lire ou écrire. Il s’agit d’un outil centré sur le destinataire qui permet de rendre les messages pertinents et faciles à retenir.
  13. Une étude identifie les meilleurs encouragements pour une alimentation saine, Eurekalert, 2019 (en anglais)
  14. La montée en puissance de l’« encouragement » et l’utilisation de l’économie comportementale dans les politiques de l’alimentation et de la santé, Mercatus, 2015 (en anglais)

Laisser des commentaires