Bibliothèque

Trois mesures pour assurer la satisfaction des agents bancaires

Ce blog recommande trois approches pour s’assurer de la satisfaction des agents et de leur implication active dans les fonctions qui leur incombent.

Trois mesures pour assurer la satisfaction des agents bancaires

 

Vera Bersudskaya, avril 2017

Les banques qui envisagent le déploiement de services de banque à distance en Afrique peuvent s’inspirer du Kenya, autrefois pur marché d’opérateurs de réseau mobile (ORM), qui a connu un développement rapide des services de banque à distance. Cinq ans après le lancement d’Equity, l’Institut Helix a mené une étude pour comprendre l’attitude, les perceptions et les comportements vis-à-vis des services de banque à distance, en utilisant notre approche phare MI4ID (Market Insights for Innovations Design). Nous avons interrogé des experts du secteur, des responsables de réseaux d’agents, des représentants du personnel administratif des banques, des agents de banques et d’ORM à Nairobi et dans les zones environnantes. Ce blog recommande aux banques trois approches pour s’assurer de la satisfaction de leurs agents et de leur implication active dans les activités qui leur incombent : investir dans la trésorerie, dispenser une éducation aux clients et gérer les liquidités de manière proactive.

  1. Concevoir une proposition de valeur solide pour les agents et mettre l’accent sur le potentiel de revenus

Les banques qui espèrent réussir sur les marchés dominés par les ORM doivent concevoir une proposition de valeur à l’intention des agents qui leur garantit des revenus satisfaisants et les incite à investir dans la trésorerie. Elles doivent pour cela choisir avec soin les produits destinés à être offerts par les agents et définir une structure de commissions sur la base de la demande attendue. Dans leur communication sur la proposition de valeur, les banques doivent mettre l’accent sur le modèle d’affaires, les primes ou autres récompenses et le potentiel de revenus plutôt que sur les avantages indirects de la fonction d’agent.

Notre étude révèle qu’au Kenya, où les banques ont recruté des agents d’ORM existants pour ajouter des services bancaires à leur offre, de nombreux agents sont mécontents des volumes de transactions bancaires. Les agents, collaborant de longue date avec les ORM, comparent instinctivement le trafic des clients des banques à celui de M-PESA, le produit mobile dominant. Les dernières données relevées par Helix montrent que les agents réalisent en effet moins de transactions quotidiennes pour les banques, une médiane de 25 contre 46 pour les ORM.

Dans le même temps, les transactions bancaires requièrent davantage d’efforts de la part des agents, car elles sont de montant plus élevé [1] et nécessitent donc un investissement plus important ou un rééquilibrage plus fréquent de la trésorerie. Ces efforts plus importants, combinés à des volumes de transactions comparativement plus faibles, explique que les agents bancaires se disent mécontents de leurs revenus, même si, fin 2014, les revenus médians des agents d’ORM et des agents de banques étaient identiques [2]. Ce constat souligne la nécessité pour les banques de réorienter les comparaisons entre les deux secteurs, non plus sur la base des volumes de transactions, mais sur la base des revenus de l’activité d’agent.

Les experts du secteur et les gestionnaires de réseaux d’agents bancaires vantent les avantages de la prestation de services bancaires à la communauté en termes de réputation. Il est toutefois surprenant de constater que lorsqu’on interroge les agents bancaires sur les avantages de leur activité, la réputation n’est citée que par les opérateurs de caisses (employés) qui reçoivent un salaire fixe. Les entrepreneurs possédant une activité d’agent à Nairobi et dans les environs mettent en avant exclusivement le rendement financier de leur investissement et l’augmentation de la fréquentation de leurs magasins.

En résumé, les banques doivent concevoir une proposition de valeur solide et faire preuve d’honnêteté dans leur « pitch ». Elles doivent mettre l’accent sur les avantages commerciaux du statut d’agent bancaire plutôt que sur les avantages sociaux intangibles, en particulier dans les zones métropolitaines et périurbaines. Pour contrer les perceptions négatives de l’activité d’agent bancaire par rapport à celle d’agent d’ORM, les banques pourraient fournir des comptes de résultats et suggérer d’autres référents (par exemple, d’autres agents bancaires).

  1. Fournir des services de qualité pour garantir aux agents une expérience positive

Les agents et les experts du secteur partagent le sentiment que les agents bancaires sont plus qualifiés que leurs homologues des ORM. Ils sont également considérés comme ayant des relations de partenariat privilégiées avec leurs banques clientes. À ce titre, les banques sont censées leur fournir des services de qualité, notamment une formation spécialisée approfondie, un soutien à la gestion des liquidités et des avantages supplémentaires tels que des lignes de crédit préférentielles.

Les agents interrogés dans le cadre de l’étude ont généralement apprécié la formation qu’ils ont reçue des banques. Mais ils avaient des attentes fortes et souvent non satisfaites concernant les autres services de support. Par exemple, les agents de banques ont déploré le manque d’accès au crédit. Alors qu’elles ont la possibilité de constituer un historique de crédit des agents à partir des données des transactions régulières, les banques semblent ne pas en tirer suffisamment parti.

Les agents se sont également plaints des difficultés de gestion des liquidités, en particulier après les heures de pointe où la demande de services d’agent connaît un pic. À ce jour, toutes les banques ne proposent pas de guichets dédiés. Devoir attendre longuement à la banque a non seulement un impact négatif sur les activités parallèles des agents, mais déçoit également les agents, qui attendent une réciprocité de la part de leur partenaire bancaire. Si les agents ont besoin de liquidités pour effectuer des transactions au nom de la banque, le moins que celle-ci puisse faire est de faciliter leur réapprovisionnement.

Pour accroître la satisfaction des agents, les banques doivent être honnêtes dans leurs relations avec les agents. Même si l’accès préférentiel au crédit n’est pas possible, les banques doivent soutenir la gestion des liquidités de leurs agents et offrir des guichets de rééquilibrage dédiés, la livraison de trésorerie à la demande, des facilités de découvert, en particulier après les heures de bureau et le week-end.

  1. Améliorer les systèmes et rationaliser les processus pour faciliter les activités des agents

Lorsque la conduite des activités devient pénible, elle pousse les agents à l’inactivité. Les banques doivent améliorer leurs systèmes afin d’assurer une stabilité et une accessibilité optimale. Elles doivent également veiller à ce que les processus d’annulation des transactions et de résolution des plaintes soient rapides et sans difficulté pour les agents.

Cinq ans après le lancement du premier dispositif de services de banque à distance, de nombreux agents bancaires sont toujours confrontés à des interruptions de service. En 2014, les agents bancaires kenyans étaient plus susceptibles de connaître des interruptions fréquentes et de plus longue durée que les agents d’ORM [3]. Ils étaient cinq fois moins susceptibles de recevoir un avis préalable [4] et couraient donc davantage de risques de voir leur capital « bloqué » dans le système.

Les agents des banques se plaignent également de la lourdeur des procédures d’annulation des transactions, qui nécessitent de multiples déplacements à la banque (inaccessible le week-end), une paperasserie importante et plusieurs jours de traitement [5]. Les transactions bancaires de montant élevé se traduisent par l’« immobilisation » de sommes d’argent plus importantes en cas de suspension due à une interruption du système ou au traitement d’une annulation de transaction.

Les agents sont frustrés de voir leur fonds de roulement tourner au ralenti. Les problèmes récurrents liés à l’instabilité du système ou à la durée des processus de résolution sapent la confiance et dissuadent les agents d’investir dans de la trésorerie pour le fournisseur problématique. En outre, le bouche-à-oreille négatif peut décourager les agents potentiels, ainsi que les utilisateurs existants et potentiels des services financiers.

Les banques doivent s’assurer de la fiabilité de leur système avant le lancement et mettre en place des processus de résolution des plaintes aussi efficaces que possible. Si l’autorité de régulation impose des formalités administratives et des délais de traitement, les agents doivent en être informés lors de la formation initiale afin d’éviter tout mécontentement.

[1] 42 % des transactions bancaires dépassent 5 000 Ksh (environ 50 dollars US), contre 27 % des transactions des ORM.

[2] Si les commissions sur les dépôts perçues par les agents bancaires sont généralement inférieures à celles des ORM, les agents de banque touchent des revenus sur d’autres transactions que n’offrent pas les agents d’ORM, comme les consultations de solde, les paiements de factures et les transferts d’argent.

[3] Jamais connu d’interruption de service : 52 % des banques, contre 44 % des ORM ; fréquence des interruptions de service : 5 fois par mois pour les banques, 1 fois par mois pour les ORM ; durée moyenne des interruptions de service : 14 heures par mois pour les banques, 9 heures par mois pour les ORM.

[4] 17 % des agents de banques ont reçu un avis préalable à l’interruption de service contre 84 % des agents d’ORM.

[5] Certaines de ces conditions peuvent être imposées par le régulateur et sont donc impossibles à éviter.

Nous remercions tout particulièrement Apphia Ndungu et Mutua Mulanga de FSD Kenya pour leur précieuse contribution à cette étude.

Laisser des commentaires

Écrit par