La participation des jeunesà l’agriculture : L’agriculture peut-elle contribuer à alléger le problème du chômage en Afrique subsaharienne ?
Juillet 2019
L’agriculture est le pilier des économies de l’Afrique subsaharienne mais le potentiel d’absorption des jeunes par le secteur demeure inexploité. Quels défis faut-il relever afin de pouvoir encourager et maintenir l’implication des jeunes dans l’agriculture ? Quelles interventions peuvent être mises en place pour encourager les jeunes à adopter l’agriculture comme une option de moyen de subsistance durable ?
Les jeunes en agriculture : Comment impliquer et maintenir les jeunes dans les activités agricoles ?
Justus Njeru, août 2019
“Ayant grandi à la campagne au Kenya, le travail à la ferme était une punition, que ce soit à l’école où on travaille dans la ferme de l’école alors que l’on n’a pas encore fini les devoirs de maison, ou à la maison où on doit faire la cueillette de café et de thé après la pluie. Avec toutes ces expériences, rien ne m’aurait motivé à choisir une formation qui a un quelconque lien avec l’agriculture. Cela a cependant changé en cours de route et aujourd’hui je suis une personne différente.”
Dans de nombreux pays en développement, les formations et professions agricoles et celles qui ont une relation avec l’agriculture ont été « abandonnées ». D’habitude, les étudiants (tes) entrant nouvellement dans les universités publiques ont la possibilité de choisir des cours « archaïques » dans le domaine de l’agriculture disponibles pour ceux ou celles qui ont réussi à leurs examens avec des notes passables. Les médias n’ont pas été non plus d’une grande assistance. Des images négatives de familles agricoles émaciées, des informations faisant état de paysans non payés, d’une gestion post-récolte dévastatrice avec des céréales et des fruits pourris, dominent les reportages sur l’agriculture. Tout cela a eu un impact négatif sur la perception des jeunes à l’égard de l’agriculture.
La déclaration de Malabo de l’Union Africaine, qui fixe les objectifs du secteur agricole pour 2025, appelle à la création d’emplois dans le secteur en faveur d’au moins 30% de jeunes. Cependant, l’investissement pour appuyer les compétences, les connaissances, les emplois et le financement en faveur de ces jeunes, en particulier ceux et celles des zones rurales, fait encore défaut.
Selon les projections des données de 2018 du Bureau d’information démographique la population de l’Afrique subsaharienne aura plus que doublé d’ici 2050. Le nombre des jeunes africains atteindra 35% de l’ensemble de la jeunesse mondiale en 2050 par rapport aux 20% d’aujourd’hui. Des études ont montré qu’en Afrique subsaharienne la croissance dans le secteur agricole a un impact plus positif sur la réduction de la pauvreté que la croissance dans d’autres secteurs, ce qui implique qu’il est indispensable d’exploiter le réservoir des opportunités d’emploi dans le secteur en vue de faciliter la réduction de la pauvreté.
Pourquoi l’agriculture n’attire-t-elle pas les jeunes ?
En Afrique subsaharienne l’agriculture est la principale source de revenu et de subsistance pour plus de 70% de la population adulte. Le secteur représente également plus de 40% de la population active totale de la région. Malgré son potentiel de création d’emplois, la population grandissante des jeunes ne s’y intéresse pas en raison, notamment, de la charge de travail et de la modicité des rémunérations générées liée à la faible productivité. En Afrique du Sud, par exemple le taux de chômage des jeunes est presque quatre fois supérieur à la moyenne régionale. 62% des Sud-Africains âgés de 15 à 35 ans sont au chômage et 60% d’entre eux n’ont jamais occupé un emploi .
L’Afrique subsaharienne possède un potentiel énorme avec 60% des terres arables non cultivées du monde et une population très jeune, mais elle dépense 25 milliards de dollars par an en importations de produits alimentaires. La différence entre l’Afrique et les autres continents réside dans son faible taux d’adoption technologique. Si l’Afrique subsaharienne arrive à franchir cette fracture, elle produira suffisamment de nourriture pour sa propre population et pourra même devenir un exportateur net de produits alimentaires.
L’inclusion, l’implication et, plus important encore, la rétention des jeunes dans le secteur agricole sont des sujets d’actualité. La communauté internationale en fait une préoccupation et les gouvernements nationaux ne sont pas restés silencieux sur la question. Les jeunes de l’autre côté estiment que les emplois du secteur agricole sont pénibles, peu gratifiants et demandent beaucoup de patience, ce qui manque à la présente génération. Plusieurs initiatives agricoles destinées aux jeunes ont été créées pour corriger cette lacune, mais un bon nombre n’a pas pu atteindre les résultats escomptés. Ce qui nous amène à nous poser la question de savoir comment attirer, impliquer et retenir les jeunes dans le secteur de l’agriculture ?
La digitalisation peut-elle permettre de combler le fossé entre les jeunes et l’agriculture ?
L’âge moyen d’un paysan africain se situe entre 45 et 60 ans. Malgré l’attachement des paysans africains à leurs traditions et leur grande réticence au changement, ils ne sont cependant pas à l’abri de la révolution technologique. Tout comme dans le secteur bancaire, où les technologies de l’argent mobile sont devenues monnaie courante en dépit de l’ancien système bancaire, l’agriculture doit également prendre la même trajectoire. L’innovation digitale et l’utilisation des TIC s’avéreront essentielles pour débloquer le secteur agroalimentaire africain et combler le fossé du digital en milieu rural. Elles permettront d’apporter un appui aux petits exploitants et aux familles agricoles, aux pêcheurs, aux éleveurs et aux habitants de la forêt.
Selon des estimations de la Banque mondiale, le secteur de la logistique agroalimentaire en Afrique devrait mobiliser environ un billion de dollars d’ici 2030. Ce secteur joue un rôle clé dans la transformation agricole à travers le développement de la chaîne de valeur agricole. Les TIC joueront un rôle essentiel dans l’approvisionnement d’une logistique agroalimentaire efficace reliant, de manière presque instantanée, les producteurs et les consommateurs finaux. C’est ce qu’a démontré la jeune entreprise émergente AgTechs qui attire du personnel jeune pour offrir des solutions correspondant aux meilleures pratiques, faire du réseautage en milieu agricole et faciliter l’accès au financement.
Les entreprises de la technologie agricole devront toutefois travailler en étroite collaboration avec des organisations qui ont une certaine expérience de la couche à faibles et moyens revenus, en particulier les petits exploitants, afin de créer des solutions adaptées au marché, comme l’a démontré MicroSave Consulting (MSC).
L’accès financier en faveur des jeunes
Les prestataires de services financiers hésitent encore à offrir du financement aux jeunes les qualifiant de groupe à risque. Les banques de la région de l’Afrique subsaharienne continuent d’offrir des produits classiques avec une approche traditionnelle. À cela s’ajoute le fait que les banques ont du mal à comprendre les opportunités de financement au niveau des chaînes de valeur agricoles. L’absence d’adéquation entre la perception des prestataires de services financiers et l’aspiration des jeunes a entraîné une exclusion grandissante des jeunes du continuum de la finance agricole.
Les journaux financiers ainsi que les enquêtes nationales du CGAP menées auprès des petits exploitants indiquent que les jeunes des zones rurales épargnent deux à cinq fois plus que leurs aînés. Ces épargnes représentent quatre à cinq fois le montant emprunté auprès de différentes sources. Ces statistiques sont la confirmation que les jeunes peuvent et doivent être impliqués dans la transformation du secteur agricole.
La recherche économique comportementale est essentielle pour la conception et la mise en œuvre de solutions visant à améliorer les services et les opportunités d’emploi en faveur de ces couches. La maîtrise de MSC en ce qui concerne la conception de programmes comportementaux, centrés sur le genre et sensibles au marché nous permet d’élaborer des produits et des canaux qui répondent aux besoins spécifiques des femmes et des jeunes. Nous travaillons depuis longtemps sur les services de financement et de renforcement de compétences au profit des jeunes. Nous avons élaboré une vaste gamme de produits d’épargne et de crédit spécialement conçus pour un éventail de segments de la jeunesse, depuis les écoliers jusqu’aux jeunes de 20 ans. Nous faisons des études de marché sur les opportunités d’emploi des jeunes et continuons d’élaborer et de dispenser des programmes de formation favorisant l’employabilité et les compétences techniques des jeunes et des femmes.
Études de cas relatifs à l’implication des jeunes dans le secteur agricole
Au Kenya MSC a aidé Musoni Microfinance à revoir son produit de financement de l’agriculture et à introduire une évaluation de crédit informatisée à l’intention de ses clients. Musoni est une institution de microfinance qui utilise les TIC pour améliorer l’efficacité de la prestation de ses services aux clients ruraux. Grâce aux produits et services offerts au moyen de la technologie, l’IMF a réussi à cibler la jeunesse rurale. Le produit de financement agricole de l’IMF, Kilimo Booster, a connu du succès en cela qu’il a permis de cibler les jeunes engagés dans la production agricole. C’est ce qu’atteste un client qui fait de l’exploitation laitière dans une zone rurale du Kenya.
En Tanzanie, l’Alliance pour la révolution verte en Afrique (AGRA) a accordé une subvention de 540 000 $EU au SELF Microfinance Fund (SELF) aux fins d’élaborer des produits offerts de façon digitale aux petits exploitants agricoles. MSC a aidé Mahanje Sacccos (Coopérative) dans la région de Ruvuma à revoir ses produits de prêt et à les adapter aux besoins des clients ruraux ciblés. Les membres de la coopérative peuvent désormais avoir accès au crédit, rembourser et épargner en utilisant leur téléphone portable. La facilité et la confidentialité des transactions créées ont permis d’augmenter le nombre de jeunes qui sont devenus des membres de la coopérative au cours des deux dernières années.
En Éthiopie, MSC a offert son appui technique au projet DAI-LIFT Éthiopie entre 2016 et 2019. L’objectif de l’assistance technique était d’accélérer l’accès des petits paysans au financement à travers sept institutions de microfinance (IMF). À la date de juin 2019, un total de 12 098 prêts ont été décaissés pour un montant total de 12,5 millions $EU et il y a eu 1,1 million $EU de dépôts mobilisés. Le projet a pu atteindre les groupes vulnérables par l’intermédiaire du pilier de l’égalité des sexes et l’intégration sociale (GESI). Environ 30% des prêts sont consacrés au groupe GESI, qui comprend des jeunes. Environ 400 prestataires de services de location de terrains ont également été employés, dont près de 60% sont âgés de 18 à 28 ans.
Alors, comment attirer et maintenir les jeunes dans les activités agricoles ?
L’utilisation de la technologie digitale et des services financiers digitaux a la possibilité de conduire les jeunes plus près du secteur agricole. L’écosystème doit délibérément créer un environnement favorable attractif pour les jeunes à travers :
Des relations économiques durables entre les jeunes agriculteurs et le milieu rural ainsi qu’entre le milieu rural et les marchés urbains grâce aux plateformes de commerce électronique (e-commerce) ou de commerce mobile (m-commerce) ;
L’intégration de divers acteurs et activités de toutes les chaînes de valeur et la création de véritables emplois pour les jeunes ;
Les plateformes digitales offrent une opportunité pour la prestation de services sociaux intégrés susceptibles de compenser l’absence de services financiers et non financiers, ainsi que de la protection sociale, par exemple, des plateformes proposant une assurance chômage ou une assurance maladie intégrées ;
La spécialisation dans la prestation de services qui font un lien entre les informations, les données et les chaînes de valeur ;
Un soutien spécial pour la création d’activités à plus-value et d’accès aux intrants par le renforcement des capacités et l’incubation d’idées ;
L’efficacité des chaînes de valeur agricoles pour stimuler la croissance des marges et encourager les jeunes à totalement s’engager dans le secteur ;
La collaboration avec un fournisseur de services financiers pour élaborer un outil et des produits financiers susceptibles de faciliter l’accès des jeunes au financement pour des activités liées à l’agriculture ;
Le positionnement, au sein des petits exploitants agricoles et des petites entreprises agroalimentaires, de jeunes spécialisés dans les mécanismes de gestion des risques de certaines chaînes de valeur agricoles.
L’approche de suivi du parcours de l’argent : un outil stratégique efficace pour les services financiers digitaux (Partie 2)
Krishna M. Thacker, décembre 2013
Dans le blog précédent, nous avons examiné les deux premières étapes de « l’approche de suivi du parcours de l’argent ».
À présent, nous allons examiner les deux étapes suivantes.
Étape 3 : Classer et établir l’ordre de priorité
A ce stade, vous avez : 1) identifié vos principaux segments d’utilisateurs ; 2) établi une idée claire de leur écosystème financier, de la valeur et la périodicité de chaque empreinte ou transaction.
L’objectif de la présente activité est de rassembler les transactions clés identifiées dans un cadre d’analyse unique en vue de sélectionner les transactions/empreintes qui méritent attention.
Voici l’exemple d’un cadre d’analyse avec des suggestions d’attributs pour chacune des transactions. L’attribution d’une note de 1 à 5 en fonction de l’impact et de la pertinence vise à faciliter la détermination de l’ordre de priorité.
Matrice des priorités : cas 1, ménage rural, revenus provenant des activités agricoles et activités secondaires
Type de transaction /empreintes
Valeur
Périodicité
Facile à convertir
Importance stratégique
Préférences du client
Note finale
observations/commentaires
Entrées 1,2
4
5
6
2
3
20
Entreposage 1,2
Sorties 1, 2
Quelques points utiles à retenir pour cette étape :
Lorsqu’il s’agit d’un vaste marché il est essentiel d’extrapoler ces chiffres anecdotiques afin d’évaluer la taille réel du marché. Il faut ensuite les comparer à d’autres sources de données du secteur pour vous assurer que vous êtes sur la bonne voie. Ce qui peut avoir l’air d’une simple transaction dérisoire (par exemple, une recharge) peut en fait se révéler être une transaction très rentable pour vous dans la phase initiale, une fois que ces chiffres sont contextualisés.
Veuillez noter que la section « observations et commentaires » est capitale. Il est important de décrire l’empreinte selon les détails que voici :
Quel est actuellement leur mode de paiement et quels sont leurs difficultés et contraintes ? Souvent vous devez vous déplacer chez vos clients pour avoir plus d’informations.
Quelles sont les raisons qui nous poussent ou nous empêchent de digitaliser l’empreinte et/ou de la protéger ?
Poursuivre plusieurs types de transactions à la fois s’avère souvent difficile. Il est tentant de se concentrer sur un seul type de transactions et être le meilleur. Mais le fait de baser votre modèle de services sur une ou deux empreintes, comporte plusieurs inconvénients graves à savoir :
Possibilité pour les clients de quitter votre institution et aller chez un concurrent. M-PESA pourrait bien être le prochain BlackBerry ou Nokia s’il ne se diversifie pas.
Perte d’opportunités pour vendre plus et vendre plus cher (cross sell and up sell) au même client.
Risque plus élevé lié à l’environnement extérieur en termes d’évolution des tendances, de politiques et de catastrophes.
Il est inutile de vous cantonner dans le rôle de facilitateur de paiements si vos clients doivent faire beaucoup d’efforts pour apporter/convertir leurs entrées sur votre plate-forme ou s’il leur y est difficile de faire des paiements ou des retraits. Cela ne veut pas dire que l’aptitude à faciliter des paiements (ou au demeurant une seule transaction) pour les utilisateurs finaux n’est pas important. Mais, il faut reconnaitre que le fait de rendre pratique une seule empreinte dans l’écosystème sans considérer ce dernier dans son ensemble n’apportera aucune valeur durable au client et en fin de compte ni au prestataire de service. En fait le prestataire de services devient très vulnérable à la concurrence et à d’autres facteurs externes.
Quatrième étape : Élaborer un plan d’action sur la base de ce qui précède
Cette dernière étape est simple. Si simple que l’on peut vouloir s’en passer complètement. Toutefois, l’aptitude à traduire des priorités en activités concrètes est une étape extrêmement cruciale pour transformer tous les efforts déployés jusqu’à présent en actions utiles et donc en résultats. Par conséquent, un plan d’action simple mais bref et une feuille de route sont élaborés en fonction des priorités susmentionnées. Le plan d’action portera en principe sur des activités telles que l’élaboration d’offres/modèles d’affaires personnalisés à l’intention de divers partenaires, l’organisation de réunions avec eux, l’élaboration du processus, la mise à niveau de tel ou tel module de la technologie, etc.
Adoptez-la. Utilisez-la. Partagez.
Si vous avez participé au processus de planification stratégique d’un déploiement de finance digitale, vous avez sûrement pensé à plusieurs de ces points ou problèmes. Mais, ce cadre vous permet d’être méthodique et structuré dans votre approche. Il vous aide également à considérer la question dans son ensemble et décider quelle position adopter. Au regard de notre expérience, cette approche a été extrêmement utile et offre beaucoup de clarté dans un environnement souvent très complexe et en évolution rapide.
L’idée est de partager et de disséminer ce qui fonctionne et de tester son applicabilité à plus grande échelle. Il s’agit de vous encourager et vous interpeller à l’utiliser dans vos institutions. N’hésitez pas à personnaliser et modifier cette approche. Nous serions extrêmement heureux de recevoir vos retours, d’écouter vos idées, opinions et commentaires et nous sommes toujours disponibles à vous aider dans la mesure du possible en vous donnant plus d’éclaircissements sur cette approche.
L’approche de suivi du parcours de l’argent : Un outil stratégique efficace pour les services financiers digitaux (Partie 1)
Krishna M. Thacker, novembre 2013
La plupart des institutions financières ambitionnent d’accroitre leur profit ainsi que le nombre et la valeur des transactions effectuées par leurs clients. Les acteurs de l’écosystème de la finance digitale ne diffèrent pas. Cela nous amène à poser certaines questions fondamentales et profondes d’ordre stratégique à ceux qui ont la responsabilité d’élaborer une stratégie pour leurs institutions financières : 1) Que devez-vous faire (en tant qu’institution) pour avoir accès à une part plus importante de la bourse de vos clients ? 2) Comment pouvez-vous dominer le marché de manière durable ? En réfléchissant à leur stratégie, toutes les institutions essaient de répondre à ces questions fondamentales sous une forme ou sous une autre (tout en étant un peu plus spécifiques et contextuelles).
Ce blog en deux parties présente le cadre de MicroSave Consulting (MSC) pour aider les institutions à répondre à ces questions. L’exercice utilisé à cet effet s’appelle : « l’approche de suivi du parcours de l’argent ». Cette approche a fait preuve de sa très grande efficacité, quel que soit le stade du cycle de vie des institutions ; qu’elles soient au stade de leur stratégie initiale d’approche du marché, de la révision de cette stratégie ou encore de l’élargissement du marché. Voici quelques-uns de ses principaux avantages :
Elle aide à comprendre et à saisir clairement la sphère financière de la clientèle cible aussi bien du point de vue transactionnel que de l’écosystème financier.
Elle donne une illustration graphique de l’écosystème financier de l’utilisateur potentiel en termes du volume d’argent qui entre, qui reste et qui sort.
Elle aide ensuite les institutions, compte tenu de de la compréhension qu’elles ont de leur marché et de leur situation unique, à définir la stratégie et la priorité des types de transactions qui méritent d’être numérisées.
Et, enfin elle permet d’avoir une stratégie prévisionnelle claire et bien informée sur les objectifs à court, moyen et long terme.
Autrement dit cela vous aide à joindre l’acte à la parole.
La mise en œuvre efficace de l’approche « Suivi du parcours de l’argent » passe par quatre étapes clés à savoir :
Dans cette première partie du blog nous couvrons les deux premières étapes. Les deux dernières étapes sont traitées dans le second blog.
Étape 1 : Identifier les usagers et leurs catégories
L’objectif est de comprendre les divers cas d’utilisation de votre offre plutôt que de classer, de manière rigide, une base de clients en général fluide dans des segments inflexibles. L’objectif ultime est de trouver des points d’intervention à forte potentialité vous permettant de convertir une empreinte numéraire en empreinte digitale ou une empreinte digitale actuellement inefficace (tels que les transferts interbancaires de chèques ou le système onéreux de transfert d’argent) en une empreinte digitale plus efficace (pour vous-même, vos agents, et bien sûr vos usagers finaux).
La première activité de cette étape est le brainstorming et l’identification de vos catégories d’utilisateurs clés ou de segments de clients. Voici un exemple de catégorisation des utilisateurs :
Catégorie d’utilisateur
Définition élargie
Agriculteur avec une activité de taille moyenne ainsi que des activités supplémentaires
La principale source de revenus de cette famille rurale est l’agriculture. Cependant, elle bénéficie d’entrées régulières provenant de l’élevage (vente de lait, de poulets etc.) ainsi que d’autres sources de revenus telles que le salaire généré par un emploi saisonnier.
L’activité principale est un commerce dans une zone rurale ou semi urbaine générant des revenus quotidiens. D’autres sources de revenus sont le travail salarié et les activités agricoles secondaires.
Famille rurale de migrants bénéficiant d’argent envoyé par des membres de la famille et ayant d’autres activités au niveau local
Les transferts d’argent ainsi que des revenus provenant de l’agriculture et de l’élevage constituent la principale source de revenus.
Voici quelques points utiles pour vous aider à faire une classification dynamique :
Identifier les principales activités génératrices de revenus : la classification doit reposer sur une bonne compréhension du marché.
Le ménage en tant qu’unité d’analyse : Il est préférable de prendre le ménage ou la famille comme type d’utilisateur plutôt que l’individu pour la simple raison que, le ménage constitue très souvent l’unité centrale de discussion et de prise de décision dans la majorité des cas de transactions monétaires. Le ménage comme unité d’analyse rend l’équation ou l’analyse un peu plus dynamique, intéressante, représentative et, surtout, réaliste.
Multiplicité des sources de revenus : Dans presque tous les cas, les ménages ont de multiples sources de revenus et d’entrées d’argent. Par conséquent, vos catégories ne devraient pas être axées sur une seule source. Il est préférable de définir vos catégories en partant de la source primaire de revenu suivie d’une source secondaire de revenu et/ou d’autres attributs clés de cette catégorie.
Nombre de catégories : l’idéal est d’avoir un minimum de 2 à 3 segments d’utilisateurs et un maximum de cinq segments d’utilisateurs.
Deuxième étape : Suivre l’argent et saisir ses empreintes
L’objectif principal de cette étape est d’établir une carte d’empreinte financière unique pour chaque segment d’utilisateur.
Une fois l’identification des genres d’utilisateurs faite, l’activité suivante est de se rendre sur le terrain afin de sélectionner un échantillon de ménages dans chaque catégorie (théoriquement 5-7 ménages par catégorie) et avoir des discussions approfondies et détaillées avec les segments d’utilisateurs.
Lors de cette étape, l’objectif est de suivre l’argent, de saisir ses empreintes et de les organiser en une structure logique. Dans tout écosystème financier actif, vous remarquerez accidentellement que l’argent (espèces ou digital) suit ce cheminement logique (et pratique) et laisse derrière ses empreintes :
L’argent rentre (entrées) : L’argent doit venir de quelque part. Toutes les entrées telles que les revenus agricoles, le prêt bancaire ou le transfert d’argent de la part d’un membre de la famille font partie de cette catégorie. Comme nous l’avons déjà mentionné, il y a souvent de multiples sources de revenus, il est donc conseiller de saisir au moins une ou deux entrées clés. Il est bon d’y inclure des questions sur le montant et la périodicité.
L’argent demeure (entreposage) : L’argent doit demeurer quelque part. Souvent les ménages utilisent plusieurs mécanismes formels et semi-formels/informels, pour garder leur argent. Il est bon d’y inclure des questions sur le lieu et la durée d’entreposage de l’argent (à la banque ou dans le ménage).
L’argent sort (sorties) : L’argent doit aller quelque part. Tous les paiements, achats, frais et dépenses rentrent dans cette catégorie. Il est bon d’y inclure des questions sur le montant et la périodicité.
Après l’exercice la carte de l’empreinte financière devrait se présenter comme suit :
Quelques points utiles à retenir pour cette étape :
Bien qu’il existe des variantes entre les ménages au sein des catégories semblables, l’idée générale/objectif est de comprendre les transactions les plus populaires (valeur et/ou périodicité élevées) indépendamment des cas d’utilisation. Ces derniers vous permettent de générer un point de vue holistique et réaliste plutôt que de vous concentrer uniquement sur les différents types de transactions.
Il faut essayer d’inclure autant de transactions que possible. Il n’est pas conseillé pour le moment de procéder à un filtrage qui sera examiné dans l’étape suivante.
Une fois que votre carte d’empreinte financière est prête, il est temps de passer à la troisième étape.
La formation des agents de services bancaires électroniques et mobiles : qu’est-ce qu’il manque ?
Denny George, Nitish Narain et Vartika Shukla (avec des contributions de Nitin Garg), novembre 2012
« Nous sommes des vendeurs de crédit téléphonique. Nous n’avons pas besoin de formation. Nous faisons ce travail tous les jours ! »
« La formation devrait se faire au point de vente. À l’hotel il y a beaucoup de monde et nous ne comprenons rien. »
« Les formateurs n’étaient pas appropriés. La plupart des CSP (agents) sont revenus nous voir pour comprendre comment effectuer des transactions. » – Un superviseur
Voilà le feedback qu’un gérant de réseaux d’agents (ANM/GRA) a reçu cet été d’agents et de superviseurs d’agents.1 Ces formations ainsi que d’autres programmes de formation n’arrivent pas toujours à répondre aux attentes et les participants disent que les contenus ne sont pas appropriés et que les méthodes de formations sont inadaptées.
Cet article examine les raisons de ce feedback négatif, le profil des agents et les nouveaux domaines à prendre en compte dans les programmes de formation d’agents.
Les catégories d’agents
Il existe trois catégories d’agents :
Les agents de transaction (ou de dépôt/retrait) : ces agents effectuent uniquement des transactions au nom des banques et s’occupent habituellement d’un ou deux produits. Par ex. les agents d’Eko en Inde s’occupent uniquement de Tatkal, un service de virement sur compte bancaire. Même au niveau du service de transfert d’argent de M-PESA qui est en pleine expansion, la plupart des agents ne s’occupent que des transactions (dépôts, retraits et transfert).
Les agents chargés de tous les services/agents de vente: ces agents fournissent tous les services, notamment l’inscription/ouverture de compte. Ils offrent souvent deux ou plusieurs produits. À Equity Bank au Kenya, les agents chargés des ventes sont supposés s’occuper de l’ouverture et du maintien des comptes en plus de la gestion de plus de cinq produits et services bancaires.
Les super agents : il s’agit des agents chargés de la supervision des activités de transactions et/ou des agents de vente qui sont sous leur tutelle ; ils servent de liaison entre le gérant de réseaux d’agents et l’agent, et appuient les agents pour la gestion de fonds pour des opérations en amont. À Eko, un service bancaire mobile et de transfert en Inde, les super-agents apportent leur appui pour la gestion de fonds en procédant à la compensation entre les agents et la banque en ce qui concerne les espèces et l’argent électronique.
Les besoins en formation de ces catégories d’agents sont différents. Les agents qui s’occupent des transactions ont besoin d’une formation axée sur « les produits et les procédures », la gestion de liquidité et la sécurité ; pour les agents qui offrent tous les services, il leur faut un examen plus détaillé de tous les aspects des services bancaires à distance, particulièrement les procédures, le marketing, les risques, la technologie et la gestion des relations. Les super-agents ou les superviseurs des agents (la hiérarchie qui suit), requièrent une formation sur la gestion des réseaux des agents qui sont sous leur tutelle et les procédures impliquées.
Evidence recueillie sur le terrain
MicroSave Consulting (MSC) a effectué une évaluation de base des agents qui s’occupent de la m-banking à Bihar, en Inde. L’étude montre le niveau de sensibilisation des agents dans six catégories et met en évidence des lacunes dans la compréhension des questions qui sont au cœur de la prestation des services de mobile banking. L’étude examine également des aspects spécifiques de la sensibilisation des agents dans ces catégories. (Certains sont omis dans le graphe ci-dessous).
64% des agents ont compris l’objectif des services de m-banking introduits par les banques, mais 68% n’ont aucune connaissance de la clientèle qu’ils devaient cibler. De même, 61% des agents connaissaient les produits et les procédures mais seuls 24% pouvaient répondre aux questions fréquemment posées par les clients.
Quels sont aspects qui devraient être couverts par la formation ?
Les questions traitées ci-dessous sont tirées de l’étude susmentionnée ainsi que d’autres recherches et interventions de MSC.
1) Produits et procédures : les agents doivent bien connaitre les différents comptes/produits offerts par leurs banques. Ils doivent bien maitriser les questions de restrictions, de frais ainsi que les principaux arguments de vente et les conditions de leurs GRA. Cela leur permet de se conformer aux normes règlementaires, réduit la fraude et accélère le traitement efficace des demandes des clients. Ils doivent également connaitre les nouveaux produits qui seront disponibles sous peu afin de pouvoir faire leur promotion. Étant donné qu’ils sont souvent les seuls points de contact des clients, il est essentiel qu’ils aient de bonnes connaissances en vue de répondre aux questions des clients.
2) Plateforme technologique et dépannage : la technologie est au centre des opérations des services bancaires électroniques et les agents sont supposés comprendre au moins des rudiments pour pouvoir se dépanner dans les cas d’erreurs courantes. Cela est très important puisque la plupart des agents résident dans des zones reculées. La visite d’un technicien pour résoudre des problèmes technologiques coûte chère et prend du temps.
L’étude d’évaluation de MSC révèle également que bien que 88% des agents sachent manipuler les terminaux des points de vente pour l’inscription des clients et des transactions, seuls 12% connaissaient les procédures de dépannage. Ils faisaient souvent appel au prestataire de services technologiques (TSP) pour résoudre des problèmes mineurs.
3) Structure de rémunération : évidemment, les agents se souciaient beaucoup de leurs rémunérations, leurs primes et la manière dont elles sont calculées et créditées. Par ailleurs ils veulent savoir comment gagner de l’argent en qualité d’agents parce que la plupart de ceux qui sont dans les zones rurales ne le font pas. Le fait de passer outre les questions des revenus et des avantages ou de ne pas les expliquer suffisamment pendant les formations pousse les agents à se désintéresser et même parfois quitter le programme.
4) Opérations bancaires et opérations bancaires électroniques : les agents qui saisissent leurs rôles et responsabilités, en particulier dans les domaines de la tenue des écritures et de la gestion de la liquidité, comprendront mieux les opérations bancaires en général. Il est également utile de connaitre pourquoi et comment les règlementations bancaires affectent les opérations quotidiennes.
5) Aptitudes et communication : enfin, il est important d’établir des voies de communication entre les agents, les gérants de réseaux et les banques afin de permettre aux agents de faire correctement leur travail. Les agents peuvent améliorer chaque aspect de leurs activités lorsqu’ils inspirent la confiance. Les clients sont plus enclins à ouvrir de nouveaux comptes, effectuer des transactions etc. s’ils ont confiance en leurs agents. Toutes ces questions devraient être clairement abordées pendant la formation des agents.
Les nouvelles tendances sur le marché 2
Les agents doivent être informés de toutes les évolutions intervenant dans le secteur en termes de règlementation, technologie et nouveaux acteurs puisqu’elles ont un impact sur leurs activités. Par ex. En Inde les agents ont besoin d’être au courant de tous les changements au niveau des initiatives gouvernementales en matière d’inclusion financière telles que les subventions en espèces et les paiements de sécurité sociale puisque les agents sont les principaux points de retrait.
Conclusion
Les questions de formation soulignées ci-dessus devraient être au cœur de la plupart des programmes de formation. Cependant MSC recommande qu’une évaluation des besoins en formation soit faite avant la confection de tout programme de formation. Le niveau de compréhension des agents de chaque sujet variera et dépendra de leur expérience antérieure des services bancaires, leur profil professionnel et leur niveau d’éducation. En outre, en facilitant l’étalonnage des normes de formation des agents, une évaluation des besoins en formation révèlera souvent des questions ou des critères de formation supplémentaires. Nombre d’entre elles varient considérablement d’un marché à un autre.
La formation des agents est une fondation indispensable pour un réseau d’agents solide, fiable et au bout du compte performant.
1 Le feedback avait été recueilli pendant les nombreuses enquêtes d’évaluation de canal et de satisfaction effectuées par MSC avec le concours d’un important gérant de réseaux d’agents (GRA) en Inde
La transformation digitale : Quatre opportunités et trois menaces pour les institutions financières traditionnelles
En 2010, Equity Bank a fait appel à MicroSave Consulting (MSC) pour l’aider dans sa démarche de transformation digitale. Aujourd’hui, plus de 97 % des transactions d’Equity Bank au Kenya sont effectuées en dehors de leur réseau d’agences, et plus de 70 % sont auto-initiées par leurs clients sur leur téléphone mobile. Pouvez-vous imaginer ce que cela fait à leurs structures de coûts ? La Société financière internationale (SFI) estime que cela réduit le coût annuel du service à la clientèle de 80% – une des raisons pour lesquelles l’analyse de rentabilité de la transformation digitale est convaincante.
Alors que les prestataires de services financiers acceptent de plus en plus cette transformation, nous sommes à un tournant décisif pour l’inclusion financière, voire sociale. La révolution digitale est déjà en marche et nos décisions détermineront maintenant si nous créons une fracture digitale entre les plus riches et les pauvres – ou si nous créons des économies et des sociétés vraiment inclusives.
La technologie offre au secteur des services financiers quatre énormes opportunités – mais aussi trois menaces importantes.
Les quatre opportunités
Augmenter les revenus et réduire les coûts
McKinsey estime que la transformation digitale des institutions financières pourrait augmenter leurs revenus nets annuels de 45% : 15% grâce à l’amélioration de l’adoption des produits et 30% grâce à la réduction des coûts d’exploitation. Equity Bank au Kenya a démontré à quel point la transformation entièrement digitale peut entraîner un changement radical au sein d’une banque, et à mesure que les transactions initiées par les utilisateurs augmentent, on peut s’attendre à ce que ses coûts opérationnels diminuent encore plus.
Mais cela n’était ni simple ni bon marché à faire. MSC a travaillé aux côtés de la banque à partir de 2010 pour développer la stratégie, affiner les produits, construire le système de gestion du réseau d’agents, réfléchir au marketing et à la communication, et coordonner le processus de gestion du changement. Huit ans plus tard, la banque est complètement transformée. Il s’agit véritablement d’une banque digitale aujourd’hui – efficace, adaptée aux besoins des clients et suffisamment flexible pour répondre aux besoins individuels des clients.
Optimiser les relations bancaires
Les institutions de microfinance (IMF) et les banques traditionnelles disposent d’avantages concurrentiels importants par rapport aux fintechs. Elles ont des relations antérieures et précieuses avec des millions de clients ; elles ont des données sur le comportement financier de ces clients ; elles ont l’infrastructure nécessaire pour apporter le caractère humain dont les clients à faible revenus ont besoin. En outre, les institutions financières traditionnelles disposent des autorisations réglementaires et de la conformité nécessaire pour offrir des services financiers, ce qui fait souvent défaut aux sociétés de technologie financière.
Offrir une expérience client personnalisée
Les institutions financières traditionnelles doivent être conscientes de l’évolution du contexte démographique et culturel – à savoir la montée de la génération millennials et de la première génération de la téléphonie mobile – pour développer et offrir une expérience utilisateur personnalisée et de première classe. Une bonne expérience utilisateur implique des solutions et des canaux de distribution qui imitent les comportements et les attitudes – les modèles mentaux – des clients. Cela peut réduire de manière significative le taux de désabonnement des clients auquel les IMF sont régulièrement confrontées.
Réaliser avec un objectif renouvelé
Envisageant le moyen terme, la révolution technologique nous permet de répondre à la question évidente que personne n’ose poser : L’inclusion financière pour quoi faire ? La technologie nous permet de relier les services financiers de base à l’économie réelle. Par exemple, MSC travaille au développement de « l’agriculture de précision » en Inde en associant l’agriculture à la finance. Dans le cadre de ce projet, des données sont recueillies sur l’exploitation agricole et la qualité du sol d’un agriculteur, ainsi que sur les semences, les engrais et les pesticides qu’il ou elle a acheté. Cela permet aux chats bots équipés de l’intelligence artificielle de fournir un coaching sur mesure pour optimiser à la fois les rendements et les prix que l’agriculteur obtient sur le marché.
Les trois menaces
Modèles archaïques et inflexibles
De nombreuses IMF utilisent encore le modèle de base du crédit de groupe, à une époque où les fintechs plus souples offrent des produits sur mesure, plus rapidement accessibles et plus pratiques. Dans le meilleur des cas, la plupart des IMF digitalisent leurs processus de décaissement et de recouvrement et utilisent ou établissent des réseaux mobiles d’agents financiers pour récupérer leurs prêts. Je crains que cela ne soit pas suffisant.
A l’horizon, et sur les marchés des IMF, se profile un large éventail de fintechs offrant des services personnalisés et des outils financiers flexibles qui reflètent les modèles mentaux et les stratégies de gestion financière des consommateurs à faibles et moyens revenus. Ces fintechs gèrent leur risque de crédit à l’aide d’analyses de données sophistiquées et s’appuient souvent sur de solides ressources dans la Silicon Valley et ailleurs. N’oublions pas non plus les super plateformes comme AliPay et Amazon qui étendent progressivement leur portée et disposent de données et de ressources financières presque sans égal.
L’explosion du crédit à la consommation digitale
En 2016, à Luxembourg, lors du débat de la Semaine Européenne de la Microfinance, j’ai cité des articles de journaux affirmant que 400 000 personnes avaient été blacklistées (c’est-à-dire identifiées comme des risques de crédit) au Kenya. MSC a travaillé avec l’un des bureaux de référence en matière de crédit du pays pour analyser le problème. En mars 2017, nous avons constaté qu’il y avait 2,7 millions de personnes sur la liste noire pour les prêts de crédit digital impayés, dont 1 million avaient fait défaut pour des prêts de moins de 10 $. En mai 2018, 3,6 millions de personnes – 13% de la population adulte du Kenya – étaient inscrites sur la liste noire. Ainsi, la révolution du crédit digital qui balaie l’Afrique réduit clairement la discipline du crédit.
Mais elle est aussi de plus en plus au service des petites entreprises et offre la flexibilité dont les clients ont besoin et qu’ils ne peuvent obtenir auprès des IMF et des banques traditionnelles. Environ un tiers des prêts de crédit digital au Kenya sont maintenant utilisés à des fins commerciales, selon la récente enquête téléphonique du CGAP. En outre, un nombre croissant de fournisseurs de crédit digital réduisent les taux d’intérêt sur les prêts consentis à des clients très performants ayant de bons antécédents. Par ailleurs, un nombre croissant de prêteurs digitaux spécialisés se concentrent sur l’utilisation des données des MPME, d’autres indicateurs indirects saisis à partir du téléphone mobile et des évaluations psychométriques pour accorder des prêts. Ces prêts de crédit digital sont faciles d’accès, traités rapidement et faciles à rembourser avec de l’argent mobile. Comme me l’a dit un emprunteur de crédit digital : « Pourquoi retourner dans mon IMF alors que je peux obtenir un prêt à tout moment en 5 minutes ? Et je peux payer par téléphone depuis mon bureau quand je veux, au lieu d’assister à des réunions de groupe interminables.» Nous partons du principe que de nombreux clients des IMF pensent de la même façon – ou observent leurs pairs qui ont opté pour les fournisseurs de crédit digital.
L’émergence d’un fossé digital
Il existe une menace claire et réelle d’un fossé digital béant – et avec lui la disparition de nombreuses IMF qui ne veulent pas ou ne peuvent pas faire la transformation nécessaire pour opérer dans le monde digital. Les fintechs développent leur clientèle dans les zones urbaines et périurbaines avec la connectivité, les smartphones et la possibilité d’acheter des données. Elles servent les clients à hauts revenus. Ainsi, les IMF continueront d’essayer de desservir les communautés rurales avec une connectivité médiocre, où les populations n’ont pas de smartphones, et pas assez d’argent pour les paquets de données – les clients les moins importants.
Cela signifie que les IMF ne seront pas en mesure de subventionner les services destinés à leurs clients à rentabilité faible qui sont dans les zones rurales avec les bénéfices des services destinés à leurs clients urbains à rentabilité élevée. Et les fintechs ne seront pas en mesure d’atteindre les clients dans les communautés rurales sans accès aux services de données 3G et aux smartphones – même s’ils étaient tentés de le faire.
Cela pourrait entraîner la disparition des services financiers pour les pauvres des régions rurales, car l’analyse de rentabilisation est très difficile, surtout si on la compare aux possibilités diverses et peu coûteuses de desservir le marché urbain branché et à plus forte valeur ajoutée. En bref, cela pourrait mettre fin à des années de progrès vers l’inclusion financière et sociale.
La conclusion inévitable
Les IMF sont confrontées à une menace existentielle liée à la technologie digitale. Cela s’explique par le fait que les fintechs perturbent les marchés traditionnels des services financiers. Les IMF doivent donc adopter la transformation digitale. Ils doivent exploiter le potentiel de leurs expériences et de leurs relations. Elles doivent travailler avec les fintechs pour fournir des services personnalisés et digitaux. Et doivent travailler par l’intermédiaire du personnel et des agents pour fournir la dimension humaine et l’aide que tant de gens recherchent encore.
La révolution digitale nous offre la possibilité de fournir des services financiers et sociaux rapides, réactifs et différenciés aux personnes à faibles revenus jusqu’ici inégalé. Nous pouvons leur donner les moyens de gérer les finances de leur ménage conformément à leur modèle mental de gestion financière. Nous pouvons leur permettre de fixer leurs propres objectifs d’épargne, de choisir leurs propres programmes de prêts et d’assurances adaptés à leurs besoins particuliers et d’acheter ou d’utiliser des actifs selon le principe de la répartition.
Et, ce qui est peut-être le plus important, nous pouvons utiliser la révolution digitale pour soutenir leurs exploitations agricoles ou leurs entreprises en leur prodiguant des conseils spécifiques dans les deux sens afin d’optimiser leurs rendements.
L’ère digitale est à nos portes, le train est à quai, le billet n’est pas gratuit, la destination finale n’est pas encore connue mais le voyage sera passionnant. Rater ce train serait une erreur stratégique.
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