Les répercussions de la pandémie du COVID-19 sur l’écosystème des FinTechs en Inde : quatre prédictions et une suggestion

Les répercussions de la pandémie du COVID-19 sur l’écosystème des FinTechs en Inde : quatre prédictions et une suggestion

Anshul Saxena, avril 2020

Dans le monde entier, la pandémie du COVID-19 a changé notre perception de la vie et du travail. L’Inde reste en situation de lockdown, les activités de terrain sont interrompues tandis que le travail à domicile se met en place dans tout le pays. Une grande partie de l’écosystème des start-ups des technologies de la finance (FinTechs) est ainsi condamné à attendre de voir comment la situation évoluera une fois que les mesures de confinement seront levées. 

La vague de la digitalisation 

Nous verrons la digitalisation se développer dans tous les domaines :  des processus à l’interaction des employés. Mais aussi dans la manière dont les banques, les FinTechs et les autres acteurs du marché s’adresseront à leurs clients. Examinons quelques exemples : 

Fonctionnement des institutions de microfinance (IMF) et des sociétés financières non bancaires (SFNB, ou NBFC en anglais) : le fonctionnement de ces établissements repose traditionnellement sur des méthodes physiques de collecte d’argent, de vérification et d’accueil des nouveaux clients. Dans le cadre des nouvelles normes d’interactions physiques réduites, ces établissements devront rechercher des moyens de transformer leurs processus manuels physiques en processus digitaux automatisés. Ils se tourneront vers les FinTechs, en particulier les start-ups, pour les aider à opérer ce changement à moindre coût et avec un délai d’exécution plus rapide.

Pratiques agricoles : la pandémie de COVID-19 aura une incidence sur les revenus et le mode de paiement des exploitants agricoles. En Inde, les pratiques agricoles sont encore largement manuelles et fortement consommatrices de main d’œuvre, qu’il s’agisse des labours et du travail du sol, des semailles ou des récoltes. Les agriculteurs doivent également se rendre en personne chez leurs bailleurs de fonds (des prêteurs privés dans la plupart des cas) et se procurer de l’argent liquide pour renouveler et rembourser leurs emprunts. Les agriculteurs, en particulier les petits exploitants, qui possèdent des téléphones GSM s’en servent généralement pour consommer des contenus de loisir. Nous pensons qu’un grand changement se prépare ici. Avec les restrictions imposées à cause de la pandémie, beaucoup de prêteurs se rangeront au concept des paiements digitaux et les agriculteurs seront donc amenés à en faire de même. Nous devrions donc observer dans les mois à venir un développement à grande échelle des encaissements digitaux dans les zones rurales, au moyen de techniques de paiements digitaux comme UPI (Unified Payments Interface) ou IMPS (Immediate Payment Service), et de systèmes de prélèvement automatique comme NACH.

Le commerce en ligne et les répercussions pour les FinTechs du secteur des paiements 

Une grande partie des revenus des FinTechs du secteur des paiements provient des transactions réalisées dans le cadre du commerce en ligne. Des plateformes de commerce en ligne comme Flipkart ou Amazon India commercialisent un large éventail de produits essentiels et non essentiels. En raison de la pandémie de COVID-19, ces distributeurs en ligne ont récemment cessé de vendre des produits non essentiels à court ou moyen terme, ou pendant un intervalle de quelques semaines ou quelques mois. Sachant que les produits essentiels désormais commercialisés sur ces plateformes ont des marges peu élevées, les sociétés privées de paiement digital et les FinTechs de paiement en Inde subiront une baisse de leurs revenus, qui s’explique par le fait que leurs marges reposent sur le volume et le montant des opérations de paiement. Avec l’augmentation des ventes des produits essentiels, l’incidence de ces produits bon marché sur les marges aura un impact plus prononcé sur leur rentabilité, malgré l’augmentation des volumes.

Impact sur l’épargne à court terme

En raison de l’incertitude quant à la disponibilité des produits alimentaires et d’autres articles essentiels sur le marché, beaucoup de gens débloqueront leur épargne pour conserver de l’argent disponible (en liquide ou sous forme digitale) en cas de dépenses imprévues. Dans un avenir proche, ce comportement entraînera une diminution de l’utilisation des instruments d’épargne à court terme. 

Survie ou non

Alors que les investisseurs privés sont nerveux à l’idée de faire de nouveaux investissements, ils s’efforceront d’abord d’investir leurs éventuels capitaux disponibles de manière sélective pour protéger les entreprises qui sont dans leurs portefeuilles en cette période de crise. Par conséquent, les FinTechs qui ont un modèle économique fragile et fortement tributaire des capitaux extérieurs risquent de faire long feu, tandis que celles qui ont des modèles de revenus solides, même plus limités, auront une bonne occasion de passer au premier plan, surtout si elles sont autofinancées (« bootstrapping »), à condition qu’elles aient ou puissent se constituer une réserve de fonctionnement (« runway ») pour un minimum de 6 à 12 mois. 

Que faire pour soutenir l’écosystème des FinTechs indiennes ? 

En ces temps où l’avenir des entreprises est incertain et la survie des FinTechs – en particulier celles en phase démarrage – est douteuse, le gouvernement peut jouer un rôle décisif pour les soutenir. Comment ? Au niveau fédéral et des États, les gouvernements peuvent accorder des allégements fiscaux, des exonérations fiscales ou d’autres incitatifs destinés aux banques et aux institutions financières qui utilisent les atouts technologiques des start-ups de la finance pour numériser leurs processus, notamment dans le secteur des prêts prioritaires. Comme indiqué précédemment, beaucoup d’IMF et de SFNB se reposent encore sur des processus manuels ou des technologies archaïques. Elles n’ont jamais priorisé la modernisation vers des systèmes logiciels plus automatisés. C’est aujourd’hui le moment idéal de les aider à le faire alors qu’elles recherchent des moyens de développer leur activité avec un minimum d’effectifs.

Conseils de survie pour les start-ups, inspirés de Bear Grylls

Conseils de survie pour les start-ups, inspirés de Bear Grylls

Sunil Bhat, avril 2020

Dans sa série intitulée « Seul face à la nature », l’aventurier globe-trotteur et amoureux de la faune sauvage, Bear Grylls, utilise des techniques de survie inhabituelles pour se sortir de situations difficiles. Les environnements présentés sont soit complètement inconnus, soit différents de ceux dont les gens ont l’habitude. La plupart d’entre nous sommes généralement peu préparés à relever les défis posés par ces environnements inhospitaliers. Bear Grylls fournit des conseils de survie qui peuvent s’avérer utiles pour faire face à des scénarios imprévus de cette nature. 

Le COVID-19 a plongé le monde des start-ups dans un chaos similaire. Quel que soit leur stade de développement, elles connaissent aujourd’hui leur baptême du feu. L’ampleur de cet événement exceptionnel remet en cause la survie même de ces entreprises et de leurs stratégies. Unique en son genre à l’échelle des cent dernières années ou plus, il a pris le monde des start-ups par surprise. Le COVID-19 a mis la planète à genoux avec un impact quasi-simultané sur un grand nombre de pays, sous forme de lockdowns sans précédent imposés par les pouvoirs publics, d’un grand nombre de décès, de l’interruption de l’activité des entreprises et de pertes d’emplois. Le fait que les économies du monde ne soient plus déconnectées a contribué à aggraver la situation. 

Malheureusement, pour faire face à ce chaos, les start-ups n’ont pas de précédent ou de mode d’emploi auquel se référer. Elles n’ont que quelques paroles d’experts qui ajoutent à la confusion. Pour le monde des start-ups, cette période difficile risque d’avoir un impact considérable sur leur activité, et en fin de compte, sur leur survie. Faisons quelques parallèles avec les conseils de Bear Grylls pour survivre dans ces conditions difficiles. 

Bear Grylls au sommet de l’Everest en 1998 à l’âge de 23 ans, le plus jeune britannique à avoir atteint le sommet à l’époque (crédit : Bear Grylls Ventures)

Protégez vos réserves : préservez votre trésorerie et faites-la durer plus longtemps

Dans les situations de crise, Bear s’efforce de tirer le meilleur parti de réserves limitées et les conserve pour faire face aux imprévus. Durant cette période pendant laquelle il est difficile de savoir quand la vague reculera, les start-ups devraient noter les recommandations suivantes : 

  • Préservez votre trésorerie : les liquidités seront une denrée rare à court et moyen terme ; 
  • Reportez à plus tard toute dépense exceptionnelle, du type déménagement dans de nouveaux bureaux ; 
  • Mettez le frein aux recrutements et embauchez des personnes capables d’endosser plusieurs casquettes, comme par exemple un financier qui comprend le marketing ; 
  • Repoussez les échéances en les multipliant au moins par deux (3 mois à 6 mois, 6 mois à 12 mois, etc.) ;
  • Renégociez les contrats avec vos fournisseurs et prestataires, parce que vos clients feront la même chose ; 
  • Faites attention entre autres aux récompenses sous forme de cash-back (remboursements) ou de points ; 
  • Abandonnez les projets de lancement de produit qui nécessitent beaucoup de recherche et des coûts de développement élevés ; concentrez-vous à la place sur des produits qui n’exigent que des dépenses graduelles ;
  • Suivez l’adage « equity for capex, debt for opex and working capital » (fonds propres pour les dépenses d’investissement, dette pour les dépenses d’exploitation et le fonds de roulement). Il est possible que pour des start-ups de plus petite taille, les fonds propres soient la seule option possible. De plus, beaucoup de start-ups n’ont pas de règles précises concernant le capital ou la dette, les fonds étant de tout façon fongibles ; 
  • N’accumulez pas de stocks, car cela immobilise du capital ; repensez vos processus pour réduire votre besoin en fonds de roulement ;
  • Élaborez des stratégies fondées sur l’analyse de scénarios de risque. 

N’importe quelle eau est meilleure que pas d’eau du tout : recherchez des fonds quelle que soit leur source, institutionnelle ou individuelle 

Vous auriez dû voir Bear chercher toutes les sources possibles d’eau potable, qui est un élément vital dans les situations de détresse. De la même manière, les start-ups ont besoin d’être à l’affût de toutes les sources possibles de financement. Tout le monde sait que les sources de financement s’assècheront, tout au moins à court terme, car la plupart des investisseurs auront des inquiétudes quant à leurs portefeuilles et préféreront attendre avant de prendre des décisions. De plus, les garanties de portefeuille en premières pertes (FLDG – First Loss Default Guarantees) des banques ou des sociétés financières non bancaires (SFNB) risquent de se rapprocher de la barre des 100 %, ce qui pourrait mettre les start-ups prêteuses dans une situation difficile. Voici quelques moyens pour rester hydraté : 

  • Recherchez des investisseurs à impact social ;
  • Essayez de vous procurer des financements de faibles montants auprès de multiples sources ;
  • Étudiez les possibilités de financement participatif ou communautaire (crowdfunding), surtout pour les start-ups du secteur social ; 
  • Recherchez des investisseurs individuels, y compris auprès de la famille et des amis (tout en ayant conscience des implications sociales de cette solution : perte de contrôle, népotisme, fournisseurs imposés, avec en plus le risque de perdre la face et des amitiés si les choses devaient mal tourner) ;
  • Soyez prêt à payer une FLDG plus élevée pour continuer de faire tourner l’entreprise en la renégociant dès que la situation semble s’améliorer.

Méfiez-vous des pièges : faites attention aux nouveaux partenaires ou aux nouvelles relations – tout le monde est à l’affût d’un profit rapide 

Bear fait toujours extrêmement attention aux pièges et autres trappes placés par les chasseurs dans la nature. Un simple moment d’inattention peut causer des dégâts irréparables. Dans ces moments difficiles, il est facile pour les start-ups de se laisser tenter par des partenariats qui risquent de leur porter tort à plus long terme. Elles doivent donc éviter de prendre des décisions qui pourraient leur coûter cher à l’avenir ( « penny-wise, pound-foolish » en anglais). Voici quelques conseils rapides pour éviter ce genre de pièges : 

  • Procédez à des vérifications approfondies (« due diligence ») concernant tout nouveau partenaire ou prestataire ;
  • Procédez à des vérifications approfondies (« due diligence ») avant de diluer le capital et lisez attentivement tous les covenants ;
  • Négociez ferme et assurez-vous d’obtenir ce que vous souhaitez. Cela s’applique principalement aux investissements de type CAPEX (immobilisations) ;
  • Faites preuve de prudence lorsque vous ouvrez le capital à de nouveaux actionnaires/associés : diluer votre participation au prix de votre vision n’est pas forcément une bonne affaire ; 
  • Faites preuve de prudence lorsque vous négociez des FLDG avec des SFNB de petite taille ; vous courez le risque d’avoir un rendement plus faible en prenant davantage de risques. 

Appuyez-vous sur vos outils : reposez-vous sur vos principaux collaborateurs, ils sont vos ressources les plus précieuses 

Bear se repose beaucoup sur son kit de survie, qui contient un peu de tout : des pinces, une lampe de poche, des couteaux, des cordes… Il est important de garder ces outils en bon état pour survivre dans le monde sauvage. Combien de start-ups considèrent leurs collaborateurs comme les ressources/outils sur lesquels elles peuvent s’appuyer ? Dans une période comme celle que nous vivons, il est nécessaire de retenir les collaborateurs les plus précieux. Il faut couper dans le gras (dépenses discrétionnaires) et conserver le muscle (les collaborateurs de valeur). Quelques conseils :

  • Communiquez avec vos collaborateurs sur les difficultés rencontrées et les voies de sortie ; tenez-les au courant de toutes les décisions importantes pour gagner leur confiance ; 
  • Parlez sans cesse de la fameuse « lumière au bout du tunnel » – c’est indispensable car beaucoup de salariés ont du mal à conserver un état d’esprit positif, ce qui affecte leur performance, leur motivation et leur volonté de s’investir ;
  • Faites preuve d’empathie vis-à-vis de vos collaborateurs, ce qui contribue grandement à cimenter les relations ; 
  • Faites preuve de leadership responsable vis-à-vis de vos bailleurs de fonds, vos clients et vos investisseurs – cela renforcera votre réputation auprès de l’équipe ;
  • Offrez par exemple des opportunités de formation en ligne ou de certification, si vous en avez le temps et les ressources ;
  • Déléguez les responsabilités et demandez à vos collaborateurs de livrer des batailles proportionnées à leurs capacités, en saluant chaque victoire ; 
  • Motivez, soutenez et autonomisez votre équipe.

Soyez agiles : restez à l’écoute

L’agilité est fondamentalement la capacité à prendre des décisions rapides. Bear montre lui aussi que l’agilité dans un environnement étranger est payante. Se méfier de ses arrières permet d’éviter les attaques inattendues. Les principes de l’agilité (boucle OODA) sont d’autant plus importants pour les start-ups dans ces périodes d’incertitude. 

Source : The Essence of Winning and Losing, John R. Boyd

Les spécialistes indiquent que les start-ups doivent rester agiles en permanence. Le développement agile fait partie du lean management recommandé à toutes ces entreprises. En ces temps difficiles, les start-ups peuvent avoir intérêt à suivre les points suivants : 

  • Restez à l’affût des indices/informations dans les médias sociaux ; 
  • Guettez les changements apportés aux directives, réglementations et politiques ; 
  • Guettez les changements relatifs aux allègements fiscaux et aux dates de déclaration ; 
  • Soyez en contact relativement fréquent avec vos clients – essayez de comprendre leurs « points de friction » et prévoyez d’ajuster votre offre en conséquence ; 
  • Surveillez l’évolution des marchés financiers et celle de la situation financière de votre pays ; 
  • Gardez un œil sur le comportement des autres start-ups et examinez comment elles réduisent leurs coûts, lèvent des fonds et gardent le contact avec leurs clients.

Faire du sport et méditer : protéger sa santé

Dans la nature, Bear Grylls est fort, rapide et coordonné. Cela n’est possible que grâce à un régime alimentaire équilibré et à un entraînement rigoureux. Pourtant, cet aspect est souvent la dernière recommandation faite aux start-ups. L’aventure d’une start-up est exigeante et les taux de burn-out sont relativement élevés. Dans les périodes éprouvantes comme celle que nous connaissons aujourd’hui, le rythme de burn-out est encore plus rapide et parfois irréversible. Le souci de maintenir la start-up en activité tout en apportant des réponses aux parties prenantes internes et externes peut engendrer des niveaux extrêmes de stress. Pour rester en forme, les promoteurs de start-ups ont besoin de veiller à leur bien-être et de consacrer du temps à la méditation et à des exercices de routine. 

Comme dit la maxime : ce n’est pas un sprint, mais un marathon. En temps normal, le développement de votre entreprise est à la fois un sprint et un marathon. Aujourd’hui, le COVID-19 remet tout le monde sur la ligne de départ.

Les crises et les difficultés continueront de mettre à l’épreuve les start-ups. Qualifiée à juste titre de « cygne noir » (un événement extraordinaire et imprévu), la crise du COVID-19 est néanmoins d’une toute autre ampleur et il faudra probablement du temps pour identifier des solutions qui permettront d’en gérer les conséquences. 

Cela étant dit, certaines start-ups sont bien déterminées à faire de cette crise une opportunité. Comme Bear, qui fabriquait des radeaux et utilisait des rapides pour accélérer ses voyages, certaines start-ups partenaires de MSC profitent de cette situation pour offrir des produits d’assurance qui protègent leurs clients contre COVID-19. D’autres prévoient de digitaliser complètement leurs opérations/processus pour réduire leurs coûts et être plus efficientes. Il ne faut pas non plus oublier que certaines start-ups célèbres qui dominent le marché aujourd’hui, comme par exemple Uber, Airbnb, Square ou WhatsApp, ont vu le jour pendant la crise économique mondiale de 2008 ou peu de temps après. 

MSC travaille actuellement à une étude multi-pays consacrée aux start-ups pour mieux comprendre l’impact potentiel du COVID-19 sur ces entreprises. Dans nos articles à venir, nous évoquerons leurs difficultés et celles de leurs clients finaux, ainsi que les stratégies qu’elles pourraient adopter à court terme et long terme. Continuez à nous suivre pour de nouvelles aventures ! 

Journée mondiale de la santé: plus que jamais des solutions à trouver chez les HealthTechs

Journée mondiale de la santé: plus que jamais des solutions à trouver chez les HealthTechs
Ariane Kouassi

La crise sanitaire mondiale actuelle du COVID-19 est sans précédent. Elle met à mal les systèmes sanitaires, notamment en Afrique, mais permet également de mettre en lumière les solutions proposées par la santé numérique. En effet, les pays africains ne fournissent que 36 % des services essentiels dont leurs populations ont besoin pour conserver la santé et le bien-être. Ainsi, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime que la population africaine dispose d’à peine en moyenne 10 lits de réanimation pour 10 000 habitants.

Récemment, l’épidémie Ebola a mis en évidence la défaillance de nombreux systèmes de santé. L’apparition du coronavirus 2019 (COVID-19) est venue une fois de plus attester cette triste réalité. La propagation rapide et exponentielle du virus a engendré de nombreuses prises d’initiatives pour venir à bout de cette guerre sanitaire. A cet effet, les HealthTechs, ainsi que l’ensemble des acteurs de l’écosystème ont commencé à intensifier leurs efforts pour enrayer la propagation du COVID-19. A titre d’exemple, le plus grand incubateur d’innovation d’Afrique, CcHub, a annoncé le financement et le soutien en ingénierie de projets technologiques visant à freiner COVID-19 et son impact social et économique. 

Face au manque d’infrastructures, l’insuffisance du personnel soignant et la faible quantité de ressources matérielles, le numérique pourrait se positionner comme un début de solution pour les pays africains. En effet, dans les pays africains où la révolution numérique est en marche, les efforts des startups à impact social ont inclus le développement d’outils financiers numériques pour fournir des prêts aux petites entreprises. Les startups se concentrent également sur la conception de solutions numériques de santé mentale pour les personnes isolées, ou encore sur le codage open-source pour développer des ventilateurs bon marché.

 

Source : Whithings, Livre blanc Santé Connectée, 2014 

 

Les technologies numériques peuvent être d’un apport considérable au domaine de la santé. En effet celles-ci peuvent faire le monitoring à distance et suivre l’étendue des maladies infectieuses.  Elles peuvent être aussi utilisées pour enseigner les pratiques de sécurité par gamification pour éviter la contagion. Équilibrer la nécessité de protéger la santé publique et le droit à la vie privée est un défi que les technologies de cryptage et d’anonymisation peuvent résoudre.  De plus, selon le Directeur Général de l’OMS, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Il est essentiel d’exploiter les possibilités offertes par les technologies numériques pour parvenir à la couverture sanitaire universelle. Ainsi en 2005, l’OMS  adoptait une résolution pour la création d’une stratégie e-santé et par la suite mettait en place le Digital Health Atlas.

A l’évidence, ces innovations technologiques permettent de mettre le patient au cœur du processus et favorisent une amélioration du flux d’informations dans un délai plus court que dans une approche classique. La force des HealthTechs réside dans leur créativité, leur capacité d’adaptation et leur rapidité d’exécution. Elles ont cette capacité à comprendre les besoins des clients face à une situation spécifique et proposer un produit adapté tout en apportant rapidement les modifications en fonction de l’évolution.

Les HealthTechs prennent différentes appellations en fonction de leur champ d’action.  Elles fournissent des solutions importantes qui désengorgent les hôpitaux lorsqu’ils sont sous pression pour répondre à la croissance rapide des demandes des patients. La télémédecine par exemple, qui fait usage de tout moyen technique pour la pratique de la médecine à distance contribue donc à pallier le manque de médecins grâce à la consultation à distance et semble être une solution idoine pour les populations isolées qui n’ont pas accès à ce type de services. La télédermatologie pratiquée à Bamako, au Mali a facilité la prise en charge de 406 patients en un an et demi lors de sa phase pilote. Aujourd’hui, ce sont plus de 4000 cas pris en charge en Afrique francophone via la plateforme “Bogou” dans différents domaines, dont les urgences obstétricales, la pédiatrie, la cardiologie et la dermatologie.

 

Source : OMS, Global diffusion of eHealth, 2016  

 

La m-santé quant à elle consiste en l’utilisation d’objets connectés tels que les smartphones, les capteurs ou tablettes pour faciliter le recueil de données par le patient lui-même et le placer au cœur du dispositif. En Côte d’Ivoire, pour faire face aux défis liés au COVID 19, Kemais GOMUN a déployé avec la startup Scb-system en moins de deux mois une application mobile gratuite dénommée Apollo . Cette application permet de faire un tri et d’améliorer significativement la prise en charge des malades par le biais d’un diagnostic personnel et géographique. Les données ainsi récoltées sont transmises à l’Institut National d’Hygiène Publique qui est la structure publique coordonnatrice de la prise en charge des malades atteints du COVID 19.

La e-santé offre elle, des solutions prenant en compte la prévention jusqu’au traitement en passant par la formation continue des médecins. Au Togo par exemple, le gouvernement a mis en ligne un portail d’information officiel en moins d’une semaine pour donner des informations fiables sur le Coronavirus, ses symptômes, sa propagation dans le pays. Il y est communiqué également les endroits où se faire soigner, les consignes sanitaires, les mesures prises par le gouvernement, ainsi que des ressources médias et documents ou liens utiles.

Quand bien même les HealthTechs pourraient participer à la démocratisation de l’accès aux soins de santé, elles font face à certains défis. Assurément, la connectivité et l’accès à l’outil numérique sont des conditions sine qua non pour le déploiement de solutions numériques pour la santé. Cependant, la couverture internet est encore faible dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne et n’est pas abordable : seulement 22% de la population est abonné à l’internet. De plus, il est à noter une absence de cartographie des acteurs de la santé numérique pour une meilleure visibilité de leurs actions. 

MSC travaille à la mise en place d’une cartographie des différents acteurs évoluant dans le secteur des HealthTechs en Afrique francophone. L’objectif est de mettre en avant l’ensemble de l’écosystème des startups Tech en Afrique francophone, tout en permettant d’identifier les entreprises à fort impact ou en forte croissance. Ainsi, les gouvernements ou les entreprises d’Afrique de l’Ouest pourront s’associer avec les startups qui ont une valeur directe afin d’offrir des organismes de réglementation qui aideront les processus inefficaces actuels.

L’Afrique francophone connaît une éclosion de startups offrant des solutions numériques dans le domaine de la santé. Elle se positionne sans aucun doute, comme l’une des zones sur laquelle il faudra compter dans le développement de solutions numériques pour la santé. Cette avancée augure de bonnes perspectives pour les HealthTechs qui peuvent s’appuyer sur la prise de conscience des Etats quant aux opportunités liées au numérique dans le secteur de la santé. Si certains pays sont déjà bien avancés en santé numérique, la réussite de ces nouveaux modèles reposera sur la capacité des HealthTechs à clarifier leur business modèle, mais aussi sur la qualité de collaboration entre le secteur public et le secteur privé, laquelle collaboration devra passer par la mise en place d’un cadre réglementaire favorable et incitatif de la part des différents Etats. 

Les femmes et la « gig economy » digitale : mêmes problèmes, mêmes inégalités

Les femmes et la « gig economy » digitale : mêmes problèmes, mêmes inégalités

Nancy Kiarie, Edward Obiko, Anup Singh, mars 2020

« Le travail indépendant me donne la flexibilité dont j’ai besoin, mais pas l’argent que je mérite… »

Dans un monde de plus en plus digital, où des technologies qui n’étaient que fiction il y a dix ans sont aujourd’hui une réalité, l’innovation a considérablement favorisé la participation des femmes à la prestation de services réalisée au moyen de plateformes digitales. Ce phénomène a donné naissance à la « gig economy » (ou « économie à la tâche »), un écosystème qui permet aux travailleurs salariés ou non salariés de se procurer des revenus dans le cadre d’emplois temporaires, surnommés « gigs ».

La gig economy digitale s’est rapidement imposée en Afrique et continue d’être source de nouvelles opportunités pour les jeunes et les femmes. Research ICT Africa estime qu’à fin 2018, il existait 277 plateformes digitales uniques pour le seul continent africain, utilisées par près de 5 millions de travailleurs indépendants. Certaines plateformes digitales fonctionnent au niveau international, comme Airbnb, Uber ou Jumia, et couvrent de multiples marchés. D’autres sont plus locales et restent axées sur leur marché d’origine, comme par exemple Sendy et Lynk au Kenya, goDropping au Ghana ou Gokada au Nigeria.

La dynamique du genre dans l’économie du travail indépendant

Des études récentes[1] de MSC au Kenya font ressortir une participation croissante des femmes à la gig economy, notamment en ce qui concerne les emplois peu qualifiés. Les plateformes émergentes permettent aux femmes d’accepter des missions temporaires et de mieux gérer leur temps. La flexibilité du travail à la tâche permet aux femmes de proposer des services qui correspondent à leurs compétences et d’organiser leur temps de travail en fonction de leur disponibilité. On observe néanmoins qu’elles sont davantage présentes dans les emplois traditionnellement féminins, comme par exemple la coiffure, l’esthétique ou le ménage. Les femmes prennent ces emplois en raison de leur connaissance de ces professions, de leur réticence à prendre des risques et du poids des normes sociales. Les hommes qui participent à la gig economy travaillent plus souvent comme livreur, travailleur de chantier, chauffeur ou réparateur à domicile.

Une analyse comportementale de ces travailleurs à la tâche fait ressortir d’importantes différences entre les motivations des hommes et des femmes.

Cet aspect prédispose vraisemblablement (et injustement) les hommes à profiter de façon plus lucrative des emplois offerts sur les plateformes digitales. Nous avons étudié certaines des raisons de ce fossé entre hommes et femmes et souhaitons proposer des mesures pour le combler.

Les femmes se heurtent à des difficultés spécifiques lorsqu’elles utilisent des plateformes en ligne pour rechercher du travail et commercialiser leurs produits et leurs services. Dans beaucoup d’économies émergentes, l’accès aux appareils numériques qui permettent d’accéder à ces plateformes est traditionnellement inégal entre hommes et femmes. Les plateformes de travail indépendant du Kenya, comme par exemple Littlecab, un service de chauffeur privé, ou Sendy, une société de courses à domicile, exigent une disponibilité de 24h/24 pour offrir des services. La disponibilité des femmes sur les plateformes d’emploi en ligne qui exigent une présence physique est limitée par les besoins de leur famille. Sur la plupart de ces plateformes, le nombre d’heures que les travailleurs indépendants enregistrent influence leur notation, ce qui peut en retour avoir un impact négatif sur le niveau relatif de leur disponibilité supposée. Les femmes décrochent ainsi moins de missions sur les plateformes qui affectent les propositions de travail en fonction des notations d’utilisateurs, lesquelles sont influencées par le niveau de présence sur la plateforme.

Les travailleuses indépendantes et les clientes sont également exposées à des risques accrus dans le cadre des contrats qui impliquent une présence physique. Les clientes manifestent par exemple un souci de sécurité plus important lorsqu’elles réservent des services de chauffeur privé en ligne. Les travailleuses indépendantes font état de situations de harcèlement sexuel et sont donc moins enclines à servir des clients de sexe masculin, surtout en dehors des heures de travail habituelles. Une travailleuse indépendante qui offre des services d’esthétique et de soins à domicile indique ainsi dans le cadre d’un entretien que les « exigences excessives » de clients masculins l’ont amenée à éviter les demandes de services émanant de la clientèle masculine.

Comme dans les entreprises, les femmes ont du mal à obtenir le même niveau de revenus que les hommes sur ces plateformes. On observe qu’elles se montrent plus souples dans leur tarification et qu’elles sont davantage susceptibles d’être sous-payées sur les plateformes de travail en ligne, y compris pour des missions de travail plus qualifié, au point parfois de ne pas couvrir leurs frais. Les entrepreneuses en ligne qui facturent des tarifs comparables à ceux des hommes décrochent souvent moins de contrats que ces derniers. Un système dans lequel les femmes facturent moins que leurs homologues masculins conduit à une dévalorisation des services qu’elles proposent.

Même lorsqu’elles arrivent à surmonter ces difficultés, les travailleuses indépendantes qui utilisent les plateformes digitales n’obtiennent souvent pas suffisamment de travail ou finissent par abandonner complètement le système.

Comment encourager la participation des femmes à la « gig economy » ?

Plusieurs mesures pourraient être envisagées par les parties prenantes pour résoudre ces problèmes et encourager une participation continue des femmes. Certaines plateformes ont déjà adopté des mesures proactives dans ce sens.

Certaines plateformes offrent la possibilité aux utilisateurs et aux prestataires de services de choisir avec qui ils souhaitent travailler. Bolt, une application de services de chauffeur privé présente dans plusieurs pays d’Afrique, autorise par exemple ses clientes à choisir des chauffeurs de sexe féminin et inversement. AnNisa est une application de chauffeur privé axée sur les femmes, qui est gérée par des femmes et sert uniquement une clientèle féminine.

Certaines plateformes ont mis en place des tarifs standard pour garantir une rémunération correcte de leurs prestataires de services. Les plateformes pourraient également mettre en place des algorithmes qui favorisent une tarification uniforme et conduisent les utilisateurs à choisir des prestataires uniquement sur la base de leurs notations respectives. Elles pourraient aussi envisager de permettre aux clients de donner leur avis sur la qualité des services fournis et d’utiliser ces avis pour noter les prestataires présents sur la plateforme. Une notation plus élevée permettrait ainsi aux prestataires concernés de demander des tarifs plus élevés plutôt que de s’aligner sur la tarification standard de la plateforme.

Autonomiser les femmes grâce à une participation accrue à la gig economy

En plus de leur offrir davantage d’opportunités d’emploi et de revenus, la participation des femmes à la gig economy digitale leur permet également de se créer un historique professionnel en ligne, ainsi qu’un historique financier dans de nombreux cas. Les données ainsi générées pourraient permettre aux établissements financiers de concevoir des produits et services adaptés pour améliorer la gestion des finances et des risques de ces travailleuses. Lorsqu’elles accèdent à l’indépendance financière, les femmes acquièrent un pouvoir de décision plus important, ce qui permet d’accroître leur autonomisation économique.

Nous avons ainsi un moyen de tourner la « gig economy » à leur avantage.

[1] À paraître

Offres digitales de crédit à la consommation : nano-crédits, macro-problèmes

Offres digitales de crédit à la consommation : nano-crédits, macro-problèmes

Graham Wright et Martin Holtmann, septembre 2018

Le crédit digital aux petites et moyennes entreprises (PME) offre une formidable opportunité de révolutionner l’accès au crédit des petites entreprises, qui constituent l’épine dorsale de tant d’économies dans le monde. Grâce à la numérisation des processus, il est désormais possible d’enregistrer une PME, d’évaluer son profil et de lui octroyer un crédit en 48 heures. En outre, comme les PME laissent une empreinte numérique beaucoup plus profonde que la plupart des particuliers qui contractent des prêts à la consommation personnelle, ces données permettent de faciliter la prise de décision d’octroi de crédit. Les prêts aux PME sont généralement assez importants pour justifier une forme d’implication directe d’un agent de crédit auprès de l’emprunteur, ce qui augmente considérablement les probabilités de remboursement du prêt.

Pouvoir accéder à de petits montants de crédit en quelques clics peut s’avérer extrêmement important et précieux pour les personnes confrontées à des problèmes de trésorerie à court terme ou à des situations d’urgence. C’est pourquoi le crédit digital à la consommation répond à une demande importante – comme en témoigne l’immense engouement pour ce type de produit en Afrique de l’Est. Cependant, il comporte aussi des risques considérables pour les consommateurs et pour le secteur dans son ensemble. Cet article s’intéresse au crédit digital à la consommation.

Le crédit à la consommation présente une série de similitudes frappantes avec le microcrédit traditionnel – et semble devoir repasser par les mêmes enseignements.

Microcrédit Crédit digital à la consommation
Manque d’attention portée à l’épargne Les services d’épargne ne sont disponibles que dans un nombre limité d’institutions. Les services d’épargne, quand ils existent, ne sont généralement utilisés que pour évaluer le risque de crédit ou déterminer le montant du crédit. Curieusement, de nombreux fournisseurs proposent une bonne gamme de services d’épargne dans le cadre de leur offre de crédit digital, mais ceux-ci sont rarement promus.
Montant des crédits trop faible pour être utile C’est le cas de la plupart des crédits initiaux – qui sont donc souvent utilisés à des fins « non productives » comme le règlement de dettes coûteuses, l’achat de médicaments ou la scolarisation des enfants. Mais par la suite, le montant des crédits est généralement suffisant pour financer une très petite entreprise. La plupart des crédits proposés sont trop faibles pour une entreprise. Ils sont au mieux adaptés à l’activité de revente élémentaire consistant à acheter des marchandises au marché de gros le matin et à les vendre pendant la journée. Beaucoup de ces prêts sont trop petits pour être utiles, même pour les dépenses de santé et d’éducation. Il paraît de plus en plus clair que les particuliers utilisent souvent ces prêts comme mises dans des jeux d’argent.
Emprunt auprès de plusieurs sources pour obtenir une somme utile En raison de la petite taille des crédits, les pratiques de cumul sont courantes. Pour les mêmes raisons, décrites ci-dessus, le comportement de cumul est courant – voir « Accordez-nous un crédit ! A la rencontre des emprunteurs digitaux au Kenya ».
Évaluation du risque de crédit basée sur le comportement de remboursement Les deux principaux mécanismes de gestion des risques du microcrédit sont la garantie de groupe et l’historique des remboursements. C’est sur cette base que les institutions offrent des prêts progressivement plus importants aux emprunteurs. Tous les fournisseurs de crédit à la consommation dépendent avant tout des antécédents de crédit, y compris des crédits contractés via des applications sur smartphone – voir « Les applications de prêts des smartphones au Kenya sont-elles vraiment intelligentes ? ». Ces fournisseurs gèrent le risque en prêtant d’abord des montants très faibles, puis en augmentant lentement la taille des crédits en fonction du comportement de remboursement des emprunteurs.
Taux d’abandon élevé sur les prêts initiaux Le taux de défaillance sur le premier cycle de prêt n’est pas si élevé en raison de la garantie de groupe, mais l’abandon après le premier prêt est fréquent. Cela s’explique par le fait que beaucoup d’emprunteurs vivent mal le stress associé aux remboursements hebdomadaires du microcrédit. Une analyse de MicroSave Consulting a montré que 32 % des emprunteurs du 1er cycle de prêt et 16 % de ceux du 2e cycle de prêt sont en défaut de paiement – il n’est donc pas étonnant que les taux d’intérêt soient si élevés pour couvrir ce risque. Ces emprunteurs défaillants sont exclus de l’accès à un nouveau prêt. Au Kenya, par exemple, plus de 10 % des adultes ont un rapport de solvabilité négatif à la centrale des risques.
Crédit utilisé pour en rembourser d’autres Cette situation est de plus en plus fréquente sur les marchés sursaturés, mais elle est particulièrement problématique lorsque les marchés passent rapidement d’une absence totale de crédit à un accès très facile au crédit. C’est le cas de l’Andhra Pradesh en Inde. Des études menées au Kenya et en Tanzanie montrent qu’il est de plus en plus courant pour les emprunteurs d’utiliser un crédit pour en rembourser un autre – voir aussi « Accordez-nous un crédit ! A la rencontre des emprunteurs digitaux au Kenya  ».
Défis dans la gestion des défauts de paiement Les institutions de microcrédit les plus efficaces maintiennent leur PAR en dessous de 5 %. Notre analyse montre que les fournisseurs de crédit digital à la consommation perdent environ 50 % (oui, cinquante pour cent) de l’argent qu’ils prêtent. Mais ils passent rapidement ces crédits en pertes pour faire état de faibles taux de CI/PAR.

En outre, ce n’est pas la première fois que des établissements de crédit à la consommation tentent de cibler le marché des personnes à faibles revenus. À la fin des années 1990, plusieurs sociétés de crédit à la consommation nationales et étrangères ont fait leur entrée dans le secteur de la microfinance bolivienne. À l’époque, il s’agissait peut-être de l’un des marchés les mieux servis et les plus performants au monde. Le secteur très efficace des IMF en Bolivie avait atteint un taux de pénétration de près de 50 %.

Les sociétés de crédit à la consommation du pays ont rapidement gagné des parts de marché en offrant des prêts à décaissement rapide aux employés salariés, ainsi qu’à toute personne ayant obtenu un bon score de crédit basé sur sa relation antérieure ou en cours avec une IMF. La concurrence qui s’en est suivie a entraîné des emprunts multiples, un surendettement et a finalement créé une crise qui a notamment entraîné une révolte des débiteurs. La crise a forcé le secteur à rééchelonner ou à annuler des montants massifs de dettes.

À un certain stade, les crédits improductifs représentaient plus de 20 % du portefeuille de certains prêteurs. Les sociétés de crédit à la consommation étrangères ont rapidement quitté le marché, le laissant en ruine. Il a fallu des années pour que le reste du secteur se remette sur pied. Pour en savoir plus, voir l’article très instructif « Crisis in Bolivian Microfinance » d’Elizabeth Rhyne.

Le microcrédit n’est pas la panacée mais …

Malgré tous ses défauts, le microcrédit a été fondé dans un but social clair : réduire la pauvreté en favorisant l’entreprise. Même si l’idée que le microcrédit serait exclusivement utilisé pour les besoins des entreprises est, naturellement, un mythe marketing. Le secteur du microcrédit a été tenu de rendre des comptes en matière de divulgation et de transparence, principalement par le biais du MIX Market et des investisseurs impliqués. Il a généralement été financé, et obligé à une certaine communication, par des bailleurs de fonds et des investisseurs sociaux recherchant un impact durable sur le développement.

La microfinance a reçu le soutien d’un ensemble de structures à but non lucratif, qui cherchent à protéger les intérêts des clients, comme la campagne SMART, ou à contrôler ou soutenir les performances sociales des prestataires, à l’instar de la Social Performance Task Force. Bien que l’efficacité de ces organismes fasse parfois l’objet de discussions, de nombreux prestataires et leurs bailleurs de fonds considèrent qu’elles ont une place légitime dans le débat.

Les plus grands fournisseurs de services financiers digitaux à but lucratif sont, avant tout, tenus de rendre des comptes à leurs actionnaires qui n’ont pas investi dans un but de rendement social. Par conséquent, si les acteurs actuels parlent de protection des consommateurs, ils ont jusqu’à présent peu fait pour la mettre en œuvre – même si sa justification commerciale est évidente. Voir des exemples dans les articles « Comment les prestataires peuvent-ils améliorer la rentabilité du crédit digital » et « Consumer Protection in Digital Financial Services – Providers Take the Lead ». Toutefois, étant donné la dynamique croissante autour de la campagne SMART FinTech Protects, cela pourrait changer.

Aujourd’hui encore, les taux de défaillance sont consternants, en particulier dans les premiers cycles de crédit (voir graphique ci-dessous). Cependant, peu de prestataires semblent disposés à innover ou même à s’écarter de manière significative du modèle de base M-Shwari, qui a été mis en place il y a plus de cinq ans au Kenya. Actuellement, les prestataires continuent de gérer le risque de crédit essentiellement en augmentant les taux d’intérêt. Ainsi, en Ouganda, le produit MoKash  de MTN/Commercial Bank of Africa coûte 9 % par mois, contre 7,5 % pour le même produit (M-Shwari) au Kenya, où il existe une centrale des risques et, sans doute, une meilleure culture du crédit.

Les fournisseurs qui souscrivent au code de conduite de la GSMA formalisent leur engagement envers huit principes, relevant de trois domaines clés :

i. Fiabilité des services
ii. Sécurité du réseau et du canal mobiles
iii. Traitement équitable des clients

C’est un progrès remarquable, mais il semble que le troisième principe de « traitement équitable » ne soit guère appliqué aux clients du crédit digital. Ces clients font l’objet d’un marketing agressif et doivent se plier à des conditions générales d’utilisation complexes et difficiles d’accès. Ces facteurs entraînent des niveaux d’impayés élevés et donc des taux d’intérêt élevés tenant compte du risque induit.

Pour relever ces défis, il est nécessaire de suivre une approche sur deux fronts :

Les régulateurs accordent souvent une attention insuffisante à ce secteur, car les montants en jeu sont faibles et ne présentent donc pas de risque systémique. Cependant, le nombre de personnes touchées par les pratiques inappropriées – voire souvent prédatrices – des fournisseurs est élevé.

C’est pourquoi ils doivent prendre certaines mesures :

  • mettre en place des centrales de risques solides ;
  • exiger des systèmes de transmission de données automatisés pour assurer la cohérence des données sur les crédits ou les remboursements communiquées aux centrales de risques ;
  • rendre obligatoire la transmission de rapports aux centrales des risques par les prêteurs étrangers offrant du crédit via des applications ;
  • adapter le montant de base des notations de crédit et le nombre de jours de retard ;
  • institutionnaliser les mécanismes permettant aux clients de vérifier et de corriger leurs antécédents en matière de crédit ;
  • fournir des orientations ou des mesures d’application rigoureuses pour la rédaction et la communication de conditions générales claires et centrées sur le client ;
  • limiter ou interdire le marketing agressif par SMS.

Fournisseurs

  • Clarifier les conditions générales, même pour les utilisateurs de téléphones portables basiques. Il a été prouvé que cela permettait de réduire les cas d’impayés de près d’un tiers.
  • Revoir les produits pour inclure :
    • des autorisations de découvert – pour répondre aux besoins des petits revendeurs au roulement quotidien et de ceux qui ont besoin de prêts d’une durée inférieure à un mois. Actuellement, plus d’un tiers des emprunteurs remboursent leurs prêts d’un mois dans la semaine qui suit leur souscription… mais ne bénéficient d’aucune remise d’intérêts ;
    • des montants plus élevés, des délais de remboursement plus longs et des taux d’intérêt réduits tenant compte des bons antécédents de crédit construits au fil du temps – afin que les fournisseurs cessent de faire porter le fardeau des retards massifs dans les premiers cycles de prêt sur ceux qui remboursent toujours dans les délais impartis ;
    • des conseils comportementaux pour minimiser les emprunts imprudents utilisés pour financer les jeux de hasard, la consommation d’alcool et même la pornographie.
    • un contact humain plus important (en particulier pour les montants de crédit plus élevés) – pour répondre aux besoins clairement exprimés d’interaction humaine au moment de la décision d’achat du produit, lorsque que les clients rencontrent un problème ou lorsqu’ils portent réclamation.

Le potentiel que représente l’exploitation de l’empreinte numérique des usagers du Web et l’utilisation des canaux digitaux pour fournir un accès rapide au crédit ne peut pas – et ne doit pas – être nié. Mais il faudra des efforts concertés pour optimiser les produits actuellement offerts et concrétiser le plein potentiel de la révolution digitale pour les consommateurs comme pour les fournisseurs.

Avertissement – Martin Holtmann est directeur du département de Finance digitale et de microfinance à la SFI. Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que lui.

Les femmes s’imposent progressivement dans l’écosystème tech en Afrique

Les femmes s’imposent progressivement dans l’écosystème tech en Afrique

 

Rebecca Szantyr, mars 2020

La diversité des sexes demeure un immense défi pour les entreprises.Une entreprise affiche en moyenne 34 % de rendement supérieur lorsqu’elle est dirigée par une femme, indique l’étude Roland Berger pour Women in Africa. Les données pour l’Afrique manquent, mais il n’y aurait que 9% de startups dirigées par des femmes. Si l’Afrique est la seule région du monde qui compte plus d’entrepreneuses que d’entrepreneurs, avec 65% des biens du continent produit par les femmes, le marché de l’entrepreneuriat féminin en Afrique continue de faire face à de réels défis et particulièrement dans le domaine du numérique où elles sont sous représentées.

Pourtant, le secteur financier se transforme. Il repose de plus en plus sur l’usage des technologies de l’information et de la communication ainsi que les méga-données, au service d’une clientèle désireuse de produits plus faciles à utiliser, plus transparents, et instantanés. Autrement dit, le secteur financier évolue vers un modèle de produits et services centré sur le client, obligeant les institutions à se restructurer.

L’Afrique innove, crée, entreprend. De plus en plus de jeunes africains, nés à l’ère du numérique, se lancent dans l’aventure fintech. Le secteur est aujourd’hui en plein essor. Grâce à la mise en place de nouveaux modèles commerciaux, Il permet de résoudre bon nombre de challenges quotidiens, tel que l’accès à l’eau, à l’électricité, à l’éducation, à la santé, à une meilleure connaissance du marché. En effet, la fintech offre une gamme de services financiers digitaux à des prix abordables. Ces sociétés utilisent la technologie afin de toucher une clientèle plus large, en évitant les dépenses élevées des infrastructures. Grâce à ce nouveau modèle elles peuvent mieux gérer les coûts de leurs services.

Mais, en Afrique seulement 27% des femmes entrepreneures exercent des métiers liés à la technologie. Peu d’entre elles se lancent dans l’aventure entrepreneuriale technologique, et ceci pour différentes raisons : pas suffisamment de connaissances, pas de ressources à disposition, pas de financement suffisant ou tout simplement pas de soutien. Elles ont peu de modèles féminins à partir desquels s’inspirer.

La barrière culturelle apparaît être un facteur non négligeable chez certains. Les femmes africaines prendraient moins de risques, ou seraient moins soutenues à prendre des risques que les hommes. Les femmes africaines ne rentreraient donc culturellement pas dans le monde de l’entrepreneuriat tech. C’est pour cela qu’il serait fréquent qu’elles s’autocensurent dans leur désir d’entreprendre et plus particulièrement dans la tech, de peur du « qu’en dira-t-on ».

« Les conservatismes culturels et religieux dans nos sociétés se traduisent par le développement d’un biais naturel chez les femmes qui les poussent à l’autocensure », explique Ismaïl Douiri, directeur général d’Attijariwafa Bank, premier groupe bancaire du Maghreb.

L’autre défi majeur est l’éducation : en Afrique, le taux d’alphabétisation des garçons est en moyenne 1,3 fois plus important que celui des filles. Par ailleurs, les hommes seront plus à même de suivre un enseignement secondaire et post-bac que les filles.

Selon Ismaïl Douiri, « Dans la plupart des pays d’Afrique, les systèmes éducatifs ont été orientés vers l’obtention d’un diplôme plutôt que vers l’acquisition de qualifications et de compétences qui favorisent une intégration réussie dans le monde du travail.» La plupart d’elles manquent de compétences techniques et sectorielles. En effet, les technologies de l’information et de la communication ne sont quasiment pas présentes dans le système éducatif africain. Le coût élevé de l’éducation en fait également une barrière importante.

Les femmes qui surmontent l’obstacle culturel, et éducatif se voit ensuite freiner côté finance. En effet, côté financement, à l’échelle mondiale, les hommes représentent 92% des partenaires des 100 principales sociétés à capital-risque, et les start-ups créées par des femmes ne reçoivent que 2 % des investissements de ces sociétés.  Si dans son dernier rapport, le fonds d’investissement Partech, spécialisé dans les startups tech,  a confirmé qu’en Afrique, les startups ont levé 1,163 milliard de dollars de fonds propres en 2018, les startups fintech ont levé 132,75 millions de dollars en 2018, bénéficiant de 39,7% de l’ensemble du financement. A l’échelle mondiale, les startups dirigées par les femmes ne recevraient que 2% de tous les fonds de capital-risque ( VC ), chiffre encore plus bas pour l’univers de la technologie. Pourtant, il y a bien un argument financier pour soutenir les femmes dans les start-ups technologiques. En effet, le pouvoir d’achat des femmes continue d’augmenter sur le continent. Ceci crée une réelle opportunité pour les entreprises technologiques, afin de comprendre les besoins et les attentes des femmes. Qui de mieux placé pour concevoir des produits qui répondent aux préférences des consommatrices que des femmes ?

Pour relever ces défis et encourager la place des femmes dans l’univers des startups techs, de nombreuses initiatives sont mises en place, notamment en Afrique Francophone.  Les banques et les opérateurs de téléphonie mobiles multiplient les journées, concours, prix, programmes exclusivement dédiés aux femmes et à la technologie, à l’image du linguère digital challenge, visant à promouvoir les femmes dans le domaine des technologies de l’information et de la communication. L’initiative AFAWA ( Affirmative Finance Action for Women in Africa ), pour favoriser l’accès des femmes au financement en Afrique, vise à combler le déficit de financement qui est estimé à 42 milliards de dollars.
L’initiative eTrade for Women lancée par la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED), vise à faire des femmes entrepreneurs numériques un vecteur de création de richesse dans les pays en développement.
Au Sénégal, les femmes représentent 30% de l’écosystème numérique alors qu’en France par exemple, elles ne représentent que 10%. En effet, le pays dispose d’un vivier d’initiatives pour les encourager. Il multiplie les incubateurs et les fonds d’investissement pour permettre aux startups de se développer et atteindre 35 000 emplois directs dans le domaine des nouvelles technologie d’ici 2025.

L’écosystème semble être en effervescence avec pléthore d’initiatives pour mettre en avant des femmes qui se lancent dans l’aventure entrepreneuriale numérique et encourager celles qui hésitent.

Ne boudons pas de beaux exemples de réussite de startups tech dirigées par des femmes, parmi elles, Patricia Zoundi, fondatrice de la société Quickcash, une société de transfert d’argent qui a réussi le pari de tenir compte des besoins et des réalités des populations africaines. Arielle Kitio, sacrée Femme Digitale Africaine de l’année 2019, avec sa startup Caysti, (Cameroon Youth School Tech Incubator), un centre d’éveil technologique pour les enfants entre 6 et 15 ans, lancé en 2017. “Grâce à notre logiciel intuitif et ludique abcCode, ils apprennent un nouvel alphabet, celui du code, et dans leur langue native, le français, le haoussa ou le wolof”. Au Cameroun, Rebecca Enonchong, est à la tête d’appstech, elle est aussi membre de VC4Africa et préside le conseil d’administration d’afrilabs qui  regroupe tous les centres d’innovation et les tech hubs du continent africain. Afrilabs regroupe aujoud’hui 151 membres de hub qui appartiennent au réseau Afrilabs dans 40 pays, qui soutiennent eux-mêmes plus de 700 000 entrepreneurs tech sur le continent Africain.

Les chiffres évoluent, les mentalités changent, mais il reste du travail pour obtenir une meilleure représentation des femmes dans l’écosystème des startups tech. Près de 24 % des Africaines en âge d’exercer un emploi sont impliquées dans la création d’entreprises. Et ceci est bien plus que partout ailleurs. Les femmes représentent un fort potentiel, on a besoin de les encourager davantage. Elles doivent pouvoir trouver leur place avec conviction et confiance. Pour cela il faut aussi leur apporter les outils, des connaissances, de l’inspiration.

Vous pensez que vous ne pouvez pas développer votre entreprise sans moyens financiers ? Rendez-vous sur le Hub de la finance digitale. Ce site, dédié à l’écosystème entrepreneurial met à votre disposition des outils pour vous accompagner dans votre parcours de développement : c’est en créant un réservoir de talents solides, notamment auprès des femmes, qu’on pourra améliorer l’impact des startups tech pour une meilleure inclusion économique, financière et sociale. Mesdames, ne soyez pas timides, l’écosystème a besoin de vous.