Sécurité alimentaire : Que se passe-t-il dans l’agriculture et le commerce de proximité pendant le confinement de l’Inde ?

Sécurité alimentaire : Que se passe-t-il dans l’agriculture et le commerce de proximité pendant le confinement de l’Inde ?

Akhilesh Singh et Manoj K. Sharma

Suite à la pandémie de COVID-19, l’économie mondiale sera touchée à hauteur de 1 000 à 4000 milliards de dollars, selon l’organisme auquel vous souhaitez vous fier. Qu’est-ce qui sous-tend ces chiffres ? Quel est l’impact sur l’agriculture et les micro-entreprises ?

Des recherches qualitatives préliminaires sur l’impact du confinement en Inde fournissent des indications précieuses sur ce qui nous attend. Pour la plupart des habitants du pays, le lockdown est synonyme de confinement à domicile. Les exceptions concernent les fonctionnaires du gouvernement et quelques services jugés « essentiels ». Tous les transports publics – routiers ferroviaires et aériens – restent suspendus, tandis que les transports privés sont strictement réglementés.

Dans cet article, nous avons regroupé les micro-entreprises en quatre grandes catégories.

  1. Agriculture et activités connexes
  2. Commerces et services de proximité
  3. Fabrication et production
  4. Transports

L’impact est important et tout laisse à penser que la situation n’a pas fini d’évoluer.

Poursuivez votre lecture pour une analyse plus détaillée et plus nuancée de l’agriculture et des secteurs connexes, ainsi que du secteur des commerces et services de proximité.

Nous avons divisé l’agriculture et les secteurs connexes en trois sous-secteurs :

  • Élevage et production laitière : les agriculteurs de ce secteur élèvent des vaches et des buffles pour la collecte et la vente de lait. Ils constituent une part importante du portefeuille des institutions de microfinance (IMF) et des banques, et sont présents à la fois en milieu urbain et en milieu rural. Il est rare que ces agriculteurs vendent du lait directement aux consommateurs. Des intermédiaires ou des agents de ramassage collectent le lait pour le compte de grandes laiteries, comme Parag ou Amul, ou pour le revendre sur le marché avec une marge. Les agriculteurs sont moins bien payés, mais les paiements sont réguliers.

À l’heure actuelle, même si la consommation de lait a baissé (il faut se rappeler que la plupart des pâtisseries et restaurants sont fermés), l’intermédiaire achète tout le lait, en vend une partie et transforme le reste en ghee (beurre clarifié). Cependant, comme le beurre clarifié ne peut pas être vendu au rythme auquel il est produit, l’intermédiaire ne sera pas en mesure de continuer de payer les agriculteurs pendant longtemps, car ses flux de trésorerie seront limités. Par conséquent, les producteurs laitiers verront un impact plus important dans les jours à venir, car il y a une limite à la quantité de lait qui peut être transformée en ghee et en lait en poudre.

Implication : dans un premier temps, le gouvernement devrait inciter les grandes laiteries, en particulier celles du secteur coopératif, à continuer d’acheter du lait sur le marché, à le transformer en ghee ou en lait en poudre et à continuer de payer les agriculteurs. L’économie rurale risque sinon d’être gravement touchée.

  • Agriculture de rapport : la plupart des agriculteurs indiens (environ 70 %) possèdent moins d’un hectare de terres, ce qui est inférieur au niveau de subsistance. Ces agriculteurs dépendent des IMF pour obtenir du crédit, surtout ceux qui ne possèdent pas de foncier et louent des terres chaque saison pour les cultiver. Pour l’instant, les producteurs de légumes ne sont pas touchés, et voient même une hausse des prix de certains légumes, comme les pommes de terre, par crainte d’une pénurie. Les agriculteurs qui produisent des denrées de base sont toujours à la limite : soit ils sont en train de récolter leur production, soit ils l’ont déjà récoltée et attendent de la vendre.

Quelque peu inquiets, ils espèrent toujours que l’administration s’arrangera pour vendre leurs produits sur le marché et qu’ils en obtiendront un bon prix. En revanche, les agriculteurs qui se consacrent à la culture des fleurs sont très touchés. La demande de fleurs s’est effondrée, car les temples et les lieux de culte ont fermé, tout comme les fleuristes.

Implication : les mandis, qui sont des marchés de gros de céréales, de fruits et de légumes, doivent rester en activité et les agriculteurs doivent pouvoir trouver des moyens de transport pour leurs produits. Les agriculteurs, en particulier ceux dont les récoltes sont arrivées à maturité, devraient être autorisés à les récolter et à acheminer leurs céréales vers le marché. La disponibilité de la main-d’œuvre agricole est un problème, mais les agriculteurs arriveront probablement à se débrouiller avec leur famille pour récolter les cultures sur pied dans les champs. Si l’État peut faciliter le transport entre les exploitations et le marché, nous pourrions voir le stress rural actuel se réduire quelque peu. Dans le cas contraire, non seulement les agriculteurs seront incapables de rembourser leurs dettes, mais le prochain cycle de culture sera également affecté. De plus, les prix des céréales alimentaires augmenteront si les récoltes n’arrivent pas sur les marchés.

  • Commerce de produits agricoles : il s’agit du commerce de céréales, de bétail (vaches et buffles), de semences, d’engrais et de fourrages. Les magasins de semences, d’engrais et de fourrages connaissent un impact modéré à faible. En tout état de cause, la demande de semences et d’engrais n’en est qu’à ses débuts. Le commerce du bétail a néanmoins été durement touché, car la circulation des marchandises est limitée.

Implication : le gouvernement devra autoriser la circulation des produits agricoles essentiels (semences et engrais) pour que la chaîne d’approvisionnement puisse rester opérationnelle, à la fois pour fournir des intrants aux agriculteurs et pour maintenir l’approvisionnement alimentaire. Bien que les gouvernements des États aient été vigilants à cet égard, l’équation économique de l’offre et de la demande continue de s’appliquer et les prix des céréales alimentaires ont commencé à augmenter. Dans un climat de thésaurisation motivé par la peur, le maintien de prix alimentaires normaux sera une tâche herculéenne. Il reste à espérer qu’une bonne récolte permette de limiter la montée des prix.

  • Commerces de proximité : les petits commerces, principalement les magasins et les vendeurs de rue, jouent un rôle essentiel dans l’économie locale. À l’exception de ceux qui vendent des produits essentiels (épicerie, fruits et légumes, médicaments), tous les autres commerces sont gravement touchés, car ils sont soumis à une fermeture forcée. Les commerces alimentaires sont susceptibles de gagner un peu plus d’argent, ou au moins un maillon de la chaîne de valeur empoche l’argent supplémentaire que les consommateurs sont obligés de dépenser lorsque les prix commencent à monter. Le bon côté des choses est que ce segment des commerces de proximité sera le premier à rebondir lorsque le confinement sera terminé. Bien que les revenus risquent de rester modestes pendant un certain temps, les flux de trésorerie reprendront à mesure que la reprise s’amplifiera et que l’argent recommencera à circuler dans l’économie.

Implication : la reconstitution des stocks des commerces de proximité nécessitera un fonds de roulement supplémentaire. Les banques et les IMF disposeront-elles des liquidités nécessaires pour répondre à ce besoin ? Cela dépendra en grande partie des mesures de soutien du gouvernement central et de la Banque de Réserve de l’Inde. Pour l’instant, un moratoire de trois mois, qui ne s’applique pas aux sociétés financières non bancaires (ou NBFC, qui sont le premier recours de ces commerces de proximité) est nettement insuffisant. Pour que l’économie informelle puisse survivre, la RBI devra annoncer un moratoire de six mois et y inclure les NBFC et IMF-NBFC. Comment l’argent pourra-t-il sinon se diriger vers l’économie informelle ?

  • Services : toutes les activités relevant de la catégorie des services sont durement touchées. Soit la demande de service a diminué, soit l’accès reste un problème, ou une combinaison de ces deux facteurs continue de peser sur l’activité. La reprise devrait néanmoins être rapide lorsque le confinement se terminera. Les IMF et les banques ont une exposition modérée à ce segment et ses besoins d’emprunt ne sont pas significatifs. Dans la plupart des cas, il s’agit d’une personne ou d’un entrepreneur qui commercialise ses compétences.

Implication : ces entreprises risquent d’avoir besoin d’un fonds de roulement supplémentaire, au moins pour certaines d’entre elles. Pour celles qui ont des prêts en cours, le mieux est de rééchelonner les paiements et d’allonger la durée de remboursement. La fréquentation de ces commerces de services augmentera progressivement et les recettes resteront modérées pendant encore un certain temps. Étalez la durée des prêts et priez !

Crise du COVID-19: impactés mais pro-actifs, les jeunes contre-attaquent par l’innovation

Crise du COVID-19: impactés mais pro-actifs, les jeunes contre-attaquent par l’innovation

 

Par Kate Okoue, Rebecca Szantyr,  Elizabeth Berthe

Mai 2020

Selon l’OIT, la baisse du temps de travail au deuxième trimestre 2020 devrait être nettement pire que prévu. Les estimations de l’OIT révèlent qu’à l’échelle mondiale, le premier mois de la crise a abouti à une baisse des revenus des travailleurs informels de 60 pour cent. La baisse attendue en Afrique est la plus forte, 81 pour cent. En effet, la croissance Africaine est fortement ralentie, particulièrement dans l’Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA), zone dynamique de la région. La demande extérieure est en berne, les chaînes d’approvisionnement sous tension, et les productions nationales ralenties. En autre conséquences, la lutte contre l’employabilité s’annonce longue et difficile. En Afrique de l’Ouest où l’emploi informel représente 92,4 % de l’emploi global, tous secteurs confondus, l’impact de cette crise sanitaire sera encore plus fort car c’est le segment le plus durement touché et qui emploie le plus de jeunes. On le sait, les crises ont un impact plus négatif sur les populations les plus vulnérable et le COVID-19 ne sera pas une exception. Déjà confrontés au défi mondial du sous-emploi, les jeunes, et en particulier les jeunes femmes sont en première ligne de cette crise sanitaire mondiale dont les répercussions financières, économiques et sociales s’annoncent sans précédent.

Comment les jeunes font-ils face ? Comment engager les jeunes dans la gestion de la crise et dans la préparation de l’après? Bien qu’un soutien financier à court terme soit nécessaire, les différents niveaux d’impact et une stratégie à long terme devraient être pris en considération.

La pandémie COVID-19 a eu un impact sur presque tous les aspects du paysage économique et commercial de l’Afrique et a redessiné les perspectives de croissance à travers le continent. Chez les jeunes qui étaient en passe de trouver un emploi, ceux-ci voient ce processus suspendu jusqu’à nouvel ordre et cela souvent sans informations aucunes de leurs potentiels employeurs. Gérer cette crise est la priorité dira t’on. “Etant dans un processus de recrutement déjà bien engagé et étant sur le point de conclure, cette crise contribue à rallonger ma période d’inactivité. Mes chances de rentrer dans la vie professionnelle sont reportées à je ne sais quand. ” constate amèrement Dirk-Emmanuel Okoué, jeune diplômé ivoirien en quête d’une première expérience professionnelle. En outre, ce sont encore les jeunes dans les entreprises qui, du fait du COVID, sont susceptibles de perdre leur emploi en premier car jugés moins expérimentés. Les stages ou contrats à durée déterminée ont de fortes chances de ne pas être renouvelés. Par ailleurs, bon nombre de jeunes s’étant lancés dans l’aventure entrepreneuriale auront également du mal à survivre à la crise et cela pour plusieurs raisons telles que le manque d’organisation, d’expérience face à la gestion de crise, mais aussi  de ressources financières. Il est nécessaire de créer des occasions pour les jeunes, d’identifier des solutions aux problèmes communautaires liés au COVID-19.

En Afrique de l’Ouest, plus de trois jeunes sur quatre travaillent dans le secteur informel. Ils travaillent dans le secteur agricole par exemple, ou ont des magasins sur des marchés. L’incitation à rester à la maison a de lourdes conséquences sur les propriétaires de ces échoppes pour qui il est désormais difficile de joindre les deux bouts. Comment expliquer le confinement lorsque le travail quotidien est le seul moyen de subvenir à ses besoins et ceux de sa famille ?  Il est important de mobiliser les réseaux de jeunes pour informer, co-concevoir et soutenir la réponse de COVID-19 via les réseaux sociaux, les associations des jeunes, et la communication locale au sein des communautés. La décision de nombreux pays de fermer les magasins considérés non essentiels, d’inciter les gens au télétravail, de considérablement réduire les déplacements des populations, ainsi que l’instauration de couvre-feu et de confinements partiels ou totaux a eu un effet démoralisant chez la population, en particulier chez les jeunes .En plus d’affecter leur vie professionnelle, leur vie sociale est également mise à rude épreuve car ceux-ci ne peuvent plus se rendre dans leurs lieux de sociabilité habituels. Tout est momentanément à l’arrêt.

L’heure est à la confusion et au stress pour la plupart, mais plus que jamais les jeunes font preuve de résilience. Ils font face et réagissent au virus par l’innovation à impact social. En effet, de nombreux jeunes travailleurs et entrepreneurs ont choisi de voir le verre à moitié plein et de se positionner comme acteurs du changement, le confinement ne freinant ni l’imagination ni la réflexion. 

Plusieurs applications, à l’image d’AntiCoro, créée par l’association de dix startups ivoiriennes et de SOS-Covid de la startup camerounaise House Innovation ont été développées. Parmi leurs fonctionnalités, l’on retrouve entre autres, la possibilité de s’auto-diagnostiquer au regard des symptômes que l’on présente, de suivre l’évolution de la maladie à travers le monde et s’informer sur les précautions à prendre pour se protéger. Ces applications permettent également aux utilisateurs de demander une assistance par géolocalisation, offrent une cartographie des zones infectées et identifient les points d’approvisionnement en produits de première nécessité, les solutions d’e-learning ou de télétravail disponibles.

Le secteur de la mode n’est pas restée en marge de ces efforts de lutte contre le Coronavirus. Plusieurs jeunes tailleurs et couturiers dont l’activité a été très ralentie ont su repositionner leur activité en se lançant dans la création de masques devenus obligatoires dans les lieux publics à Dakar, au Sénégal mais aussi à Abidjan, en Côte d’Ivoire depuis le mois d’avril 2020. Ces jeunes ont su trouver preneurs et varier leurs points de distribution : sociétés, pharmacies, boulangeries, traiteurs, associations, qui les redistribuent aux plus démunis et particuliers.

C’est le cas de La marque Sénégalaise, Leslymacfashiondesigner qui a saisi cette opportunité pour s’adapter. “J’avais anticipé la demande des masques parce que je savais qu’il y aurait un pic, tout comme ce qui se passe actuellement. Notre activité de création de masques  nous permet de garder notre personnel et payer les charges fixes” affirme Charlène Lesley, fondatrice de la marque.

Dans la même veine est née la startup Dakar Masks, fruit de la collaboration entre des entrepreneurs et artisans sénégalais qui ont décidé de fabriquer des masques en tissus aux normes définies par le CHU de Grenoble. Pour s’assurer de leur efficacité, Demba Guèye, le fondateur de Dakar Masks explique qu’un test a été mis au point: « On actionne un briquet devant chaque masque, puis on souffle. Si la flamme ne s’éteint pas, cela montre que l’air ne traverse pas le tissu. Le virus a dès lors peu de chances de s’incruster dans le tissu ». Il ajoute que les commandes de masques se font à travers un numéro WhatsApp mis à disposition et pour limiter les contacts et les déplacements, ceux-ci sont livrés à domicile.

Un autre bel exemple d’innovation est celui du concept de lave-mains automatique, Kayy Rakhassou, ( en wolof qui signifie: viens te laver les mains en français ) imaginé et concrétisé par Ibrahima Ndiaye et Ousmane Diop, deux jeunes entrepreneurs sénégalais. La particularité de cet appareil est qu’il fonctionne avec l’énergie solaire, rendant son utilisation totalement autonome et durable. Prochaine étape espérée par les deux entrepreneurs : des partenariats avec des entreprises, des gouvernements et des communes pour augmenter leur volume de production.

Les services de livraison sont également très prisés en cette période. Oumar Basse est co-fondateur de Yobante Express, une marketplace qui connecte les livreurs aux commerces locaux afin d’optimiser la livraison aux derniers kilomètres dans les pays en développement. Il explique que sa plateforme a dû faire preuve de créativité et d’empathie et aussi rapidement s’adapter aux nouvelles donnes qu’impose la crise:  livraisons sans contacts avec le strict respect des gestes barrières. “ Nous avons mis en place les programmes #yesfood (livraison de nourriture) et #region (livraison dans toutes les régions) en étroite collaboration avec le ministère du commerce et de la DER (Délégation Générale à l’Entrepreneuriat Rapide des jeunes et des femmes). Nous apportons des solutions concrètes à la problématique liée à la distribution de pain avec le dispositif “ Diaym Mbourou” (vends moi du pain en français)  : Nous livrons gratuitement les zones comme Ouest-Foire, Sud-Foire, Ouakam, Yoff, Mamelles.
Masques, lave-mains, services de livraison à domicile, applications; l’adaptation de certaines activités ou la création de nouveaux services, s’est annoncée lucrative et contribue fortement à la survie de nombreuses entreprises et à la santé de la communauté.

Les pensées sont généralement pessimistes s’agissant de l’Afrique. Cependant le potentiel est là. Face à ces réflexions, l’Afrique doit rester mobilisée. Elle a besoin de solutions propres à son contexte comme favoriser la production locale et les échanges intra-Africains.Les pays Africains doivent aussi travailler à développer des capacités internes qui seront porteuses de solutions de croissance inclusive, et changeront la donne.« Les Africains doivent ‘occuper le terrain’ et devenir des acteurs de premier plan du développement du continent. Des parties prenantes comme le secteur privé et les milieux académiques doivent s’impliquer davantage pour le développement durable », a dit madame Ahunna Eziakonwa, Sous-secrétaire Générale Adjointe et Directrice du bureau régional pour l’Afrique du PNUD. En cela, les jeunes constituent un véritable atout pour l’Afrique et doivent être mis à contribution de façon significative dans le développement d’interventions sanitaires, économiques et sociales en réponse au COVID-19. Par ailleurs, Le secteur privé a un rôle primordial à jouer dans cette guerre sanitaire contre le COVID-19. C’est le moment d’accompagner ces jeunes dans le renforcement de leurs capacités. A ce sujet, beaucoup de formations, ou d’outils en tout genre sont mis en ligne et offerts gratuitement. Il faut également les aider à être autonomes, à innover et à apporter des solutions au monde dans lequel ils souhaitent vivre. Cela peut se faire par la mise en place par exemple de partenariats solides avec les start-ups afin de maximiser l’impact des solutions innovantes naissantes.  « Le secteur privé a un rôle majeur à jouer, car nous pouvons très rapidement nous mobiliser pour mettre nos actifs et notre expertise en service », affirme Rob Shuter, président de MTN.
La reprise va être lente, très lente. L’avenir s’annonce difficile mais la sortie de la crise se fera … ensemble. Beaucoup d’initiatives positives émergent, il est plus que jamais nécessaire de collaborer et de se coordonner afin de venir à bout de cette pandémie.

Agents de transactions financières : en « première ligne » et pourtant peu soutenus

Agents de transactions financières : en « première ligne » et pourtant peu soutenus

Nitish NarainAbhishek AnandSurbhi Sood et Shobhit Mishra, avril 2020

Le 26 mars 2020 en Inde, le ministre des Finances a annoncé un plan d’aide d’un montant de 1 700 milliards INR (soit 22 milliards USD), principalement pour protéger les pauvres pendant l’actuelle pandémie de COVID-19. Entre autres mesures, le ministre des Finances a annoncé qu’environ 200 millions de femmes titulaires d’un compte Pradhan Mantri Jan Dhan Yojana (PMJDY) recevraient une allocation de 500 INR (soit 6,5 USD) sur leur compte PMJDY chaque mois, pendant trois mois. Le gouvernement s’appuie sur un réseau de plus d’un million de correspondants commerciaux – ou d’agents de transactions financières, offrant principalement des services de retrait et de dépôt d’espèces – pour s’assurer que l’argent arrive bien aux bénéficiaires visés. Parmi ces agents, 60 % sont situés dans des zones rurales.

Partout dans le monde, les gouvernements dépendent des réseaux d’agents pour fournir une aide en espèces aux populations victimes de catastrophes. Entre novembre 2013 et février 2014, grâce aux agents, le gouvernement philippin a pu débloquer rapidement 12,5 millions USD d’aide en espèces pour les familles touchées par le typhon Yolanda. Le gouvernement américain a également utilisé le transfert électronique direct pour offrir une aide en espèces aux communautés pendant l’épidémie d’Ébola en Afrique de l’Ouest.

Étant donné l’importance des agents de transactions financières, MSC mène actuellement une étude pour comprendre l’impact de la pandémie de COVID-19 sur leurs activités dans huit pays d’Asie et d’Afrique. Plus précisément, nous voulons cerner l’impact de la pandémie sur la demande de services financiers via les agents, sur les opérations des agents et sur leur capacité à soutenir les programmes gouvernementaux de transferts sociaux. Nous avons également établi un partenariat avec Caribou Digital pour entreprendre une étude approfondie au Kenya.

Les premiers résultats de nos recherches mettent en évidence les défis spécifiques auxquels les agents sont actuellement confrontés et soulignent la nécessité de les soutenir par des politiques adaptées.

Diminution de la demande de services de retrait et de dépôt

La Fino Payments Bank, qui dispose d’un réseau de plus de 100 000 agents de transactions financières en Inde, a fait état d’une baisse de 80 % du volume des transferts d’argent nationaux. Cette chute s’explique probablement par le fait que les travailleurs migrants, qui sont les principaux expéditeurs de transferts, sont rentrés chez eux après la fermeture des petites entreprises due au confinement national. Pire encore, ils sont bloqués dans les grands centres urbains sans aucun moyen de subsistance.

Les agents de transactions financières au Kenya et en Ouganda signalent également un faible taux de fréquentation en raison des mesures de distanciation sociale et de confinement. « Les affaires ont toujours été bonnes, car je suis situé dans une zone stratégique à forte fréquentation et j’exploite deux points de vente. Mais avec la situation actuelle, j’ai été forcé de fermer un point de vente parce qu’il n’y a pas de clients », déclare un agent au Kenya. Notre travail avec Caribou Digital fournit une analyse plus détaillée de cette situation, basée sur des données quantitatives sur les volumes et les montants de transactions chez les agents, et sur une série d’entretiens qualitatifs complémentaires avec les agents.

En Indonésie, depuis que le gouvernement a accordé un assouplissement du paiement des factures de services publics, la fréquentation des points de vente des agents de transactions financières a connu une forte baisse, qui atteint jusqu’à 70 % dans certains cas. « En raison de l’exonération par le gouvernement des factures d’électricité, il n’y a presque plus de paiements d’électricité pour le mois de mars 2020. Les clients sont heureux, moi pas », déplore un agent rural en Indonésie.

En Inde, en revanche, la demande pour les retraits sur les comptes bancaires PMJDY dans les zones rurales a fortement augmenté en raison des transferts directs de 500 INR (<7 USD) sur plus de 200 millions de comptes bancaires. Au Bangladesh, le gouvernement a autorisé les usines de confection de prêt-à-porter à poursuivre leurs activités même pendant le confinement. Ainsi, il pourrait y avoir une augmentation du versement des salaires de ces ouvriers par l’intermédiaire des agents.

Des opérations désordonnées dans les points de service des agents

Les activités aux points de service des agents continuent à être affectées dans toutes les zones géographiques étudiées. Dans de nombreux pays où le confinement est imposé, les forces de l’ordre ne permettent pas aux agents d’opérer. De nombreux agents sont également réticents à ouvrir leurs points de vente, craignant que l’échange d’espèces n’entraîne la transmission de la maladie. Les clients exigent des agents de transactions financières un certain niveau d’hygiène, faute de quoi ils renoncent à effectuer des transactions dans leur point de vente.

Les problèmes de gestion des liquidités se sont aggravés

Le défi de la gestion des liquidités est plus prononcé en Inde en raison de la recrudescence des opérations de retrait dans les zones rurales. Plusieurs facteurs rendent le rééquilibrage de la trésorerie difficile. Il s’agit notamment de la demande soudaine de liquidités, des restrictions de mouvement – même lorsque les agents ne sont pas concernés par ces restrictions, la distance à parcourir pour se rendre dans les agences bancaires atteint souvent 10 à 12 kilomètres – de la fermeture des transports publics et du manque d’options de transport personnel à disposition des agents. Le plafond des transactions quotidiennes est par ailleurs assez faible, ce qui oblige les agents à se rendre plusieurs fois à la banque pour rééquilibrer leur trésorerie. Dans certains pays, les agents ont déclaré avoir réduit leur investissement en liquidités afin d’utiliser l’argent pour nourrir leur famille.

Les agents ont pris des mesures pour affronter la pandémie 

Limitation des contacts physiques dans les modes de transaction

Au Kenya, certains agents encouragent les clients à utiliser la fonction « paiement de facture » pour effectuer leurs achats, bien que ce mode leur fasse perdre la commission sur les retraits. En Indonésie, les agents ont également donné la priorité aux modes de paiement « à faible contact physique », par exemple via les téléphones portables, plutôt qu’aux modes « à fort contact physique », comme les dispositifs biométriques et les terminaux de paiement.

« Je n’utilise le terminal de paiement que pour effectuer des paiements G2P, pas pour les transactions régulières. Je veux minimiser les risques de transmission de la maladie en évitant de toucher le TPE, les cartes de paiement ou les emballages alimentaires. Pour les transactions régulières ou quotidiennes, j’utilise l’application mobile des fournisseurs de services plutôt que le terminal de paiement », explique un agent de transactions financières dans la ville de Makassar, en Indonésie.

En Inde, quelques agents ont volontairement fermé leurs points de vente, car leurs opérations impliquaient l’utilisation d’instruments et d’appareils nécessitant un contact physique, comme les terminaux et cartes de paiement.

Stricte adhésion aux règles de distanciation sociale et d’hygiène

Quelques agents ruraux en Inde ont déplacé leurs opérations de leur domicile, où ils avaient l’habitude d’effectuer des transactions, vers les bureaux du gouvernement local afin de limiter l’exposition de leurs familles.

Certains des agents interrogés dans les huit pays de l’étude ont également déclaré utiliser des masques, des gants et du désinfectant pour les mains, et maintenir une distance appropriée avec les clients pendant leurs opérations. Au Kenya et en Ouganda, les clients eux-mêmes exigent que les agents appliquent des mesures préventives. « Certains clients demandent que les espèces soient désinfectées et d’autres renoncent même à entrer dans le magasin s’ils ne voient pas de désinfectant sur le comptoir. Les clients font leur part et prennent des précautions », note un agent au Kenya.

Utilisation des médias sociaux

Les agents de transactions financières en Indonésie ont commencé à utiliser les médias sociaux pour faire de la promotion. Avec quelques résultats positifs, puisque les agents signalent que le nombre de clients quotidiens a commencé à augmenter.

« Mon volume d’affaires a chuté de 70 à 80 % depuis le début de l’épidémie de coronavirus. Je m’efforce de le relancer en faisant beaucoup de promotion sur mes comptes Instagram et Facebook. J’ai pu attirer entre un et trois nouveaux clients par jour grâce à ces publicités », déclare un agent opérant dans la ville de Jakarta.

Cadre politique pour soutenir les agents de transactions financières

Dans de nombreux pays, l’efficacité du fonctionnement des réseaux d’agents sera essentielle pour permettre aux gouvernements de verser des aides en espèces aux segments les plus vulnérables. Plusieurs gouvernements ont pris des mesures pour aider les agents de transactions financières à assurer la continuité de leurs services. Le gouvernement indien a classé les agents dans la catégorie des « services essentiels », ce qui leur permet d’opérer même pendant le confinement. Le gouvernement du Bangladesh a augmenté le plafond quotidien des opérations en espèces pour faciliter les transactions de montant élevé dans les points de vente des agents. Le Kenya a également augmenté les plafonds applicables aux espèces et a demandé aux fournisseurs de transactions mobiles de renoncer aux frais.

Cependant, de nombreux gouvernements ont annoncé et versé des aides en espèces sans information préalable suffisante et sans tenir compte des besoins des agents en termes de gestion du nombre de clients, de liquidités et de mesures d’hygiène. Ce manque de préparation risque de faire des aides décaissées par les agents un véritable vecteur de la maladie au sein des communautés vulnérables. Les gouvernements et les opérateurs de téléphonie mobile devront informer et former les agents afin qu’ils servent de modèles en matière de distanciation sociale, d’hygiène et de comportements de prévention. Des mécanismes de contrôle devront être mis en place pour garantir le respect des règles par les agents. Nous n’avons jusqu’ici pas encore observé de mesures en ce sens. Les agents de transactions financières sont des travailleurs de première ligne essentiels. Il serait bon que les gouvernements et les institutions financières les dotent des moyens nécessaires pour jouer ce rôle.

Les gouvernements doivent travailler rapidement avec les ORM et les banques pour développer et mettre en œuvre un cadre politique complet pour soutenir les agents de transactions financières. Cette politique devrait comprendre les mesures suivantes :

  • Classer l’activité d’agent de transactions financières comme un service essentiel. Les réseaux d’agents étant à l’avant-poste de la distribution des transferts sociaux directs, ils doivent être classés comme « services essentiels ». Cela leur permettra de poursuivre leurs activités et contribuera à réduire la charge pesant sur les canaux bancaires traditionnels et à éviter la surpopulation dans les agences. Il est peut-être temps de revoir les politiques existantes dans des pays comme le Nigeria et l’Indonésie, où la réglementation limite les activités et la portée de certains types de réseaux d’agents, ou dans des pays comme le Kenya, où les paiements G2P sont effectués exclusivement par l’intermédiaire d’agents bancaires.
  • Se concentrer sur la santé et la sécurité des agents. En collaboration avec les banques et les institutions financières, les gouvernements devraient offrir une couverture d’assurance vie aux agents qui travaillent pendant la pandémie. Les agents devraient par ailleurs disposer d’une quantité suffisante de masques, de gants et de désinfectant pour les mains afin de se protéger contre la transmission de la maladie. Ils devraient en outre recevoir une formation adéquate permettant de s’assurer qu’ils comprennent les mesures préventives, les suivent lors de leurs transactions et montrent l’exemple à leurs clients.
  • Offrir une rémunération spéciale. Les gouvernements devraient également offrir des commissions plus élevées aux réseaux d’agents qui distribuent les aides sociales en espèces. Cette rémunération devrait être liée à la performance des agents afin de les inciter à maintenir des liquidités suffisantes pour faire face aux retraits accrus dans les pays où les gouvernements versent des aides. Les gouvernements devraient assurer la viabilité économique de l’activité de décaissement des transferts G2P pour les réseaux d’agents. S’en remettre à la seule bonne volonté des banques et des agents de première ligne sous pression peut fonctionner à court terme, mais peut se traduire à long terme par des pratiques de harcèlement des clients ou de surfacturation, ou les deux.
  • Assurer une meilleure coordination entre les différents services gouvernementaux et avec les prestataires de services. Des témoignages en Inde et ailleurs suggèrent que si le gouvernement permet aux agents de transactions financières d’opérer, les forces de l’ordre locales n’en sont pas toujours informées et obligent souvent les agents à fermer leurs points de vente. Les autorités gouvernementales devraient travailler avec les fournisseurs de services pour s’assurer que les autorités compétentes reçoivent des informations actualisées sur les autorisations d’activité.
  • Fournir un soutien actif à la gestion des liquidités. Les gouvernements devraient échelonner le versement des aides en espèces et les prestataires de services devraient se charger du rééquilibrage de la trésorerie afin de réduire au minimum la nécessité pour les agents de se déplacer. Le gouvernement devrait également indemniser les prestataires de services de manière adéquate afin de compenser le coût supplémentaire encouru pour la gestion des liquidités des agents.

 [Au fur et à mesure de l’évolution de la situation et des mesures prises pour endiguer la pandémie, vous trouverez dans cet espace une série d’articles analysant l’expérience et le comportement des agents de transactions financières. Parallèlement, MSC assure un suivi étroit de la situation sur le terrain pour fournir aux décideurs, aux banques et aux gestionnaires de réseaux d’agents des analyses fondées sur des données probantes afin de faciliter la prise de décision].

Statistiques sur la gig économie au Kenya

Statistiques sur la gig économie au kenya

La gig économie ou économie “des petits boulots”, ne cesse d’augmenter en Afrique. Est ce une bonne solution pour palier au chômage ou est ce que ca précarise un peu plus la situation des jeunes notamment sur le marché de l’emploi? L’opinion est encore divisée.
Quelle est la situation au kenya?

 

Les économies sont déjà touchées : des solutions palliatives sont nécessaires, mais il faudra aussi des remèdes

Les économies sont déjà touchées : des solutions palliatives sont nécessaires, mais il faudra aussi des remèdes

Akhand Tiwari, avril 2020

avec Doreen Ahimbisibwe, Agnes Salyanty, Rahmatika Febrianti, Manoj Pandey, Rahul Chatterjee

La pandémie a poussé l’humanité contre un mur. Formelles ou informelles, les économies apparaissent aujourd’hui au bord du précipice. Nous vivons une époque sans précédent et rares sont ceux qui ont déjà connu une situation d’une telle ampleur. Nous devons admettre que notre perspective est limitée et qu’il nous faudra un certain temps pour comprendre la portée et l’ampleur de l’impact.

Cela me rappelle une rencontre avec Rubina à Dhaka, au Bangladesh. C’était avant le COVID-19 et Rubina se trouvait à la tête d’un foyer à faibles revenus avec de multiples difficultés à gérer. Son mari l’avait quittée, elle avait des problèmes de santé persistants et son fils avait perdu son emploi. Elle souffrait par conséquent de stress émotionnel et n’avait pas d’argent. L’histoire de Rubina, ou ses variantes, devient aujourd’hui celle de milliards de ménages à faibles revenus dans le monde entier.

La détresse financière n’est pas rare dans les ménages à faibles revenus. Nous sommes toutefois confrontés aujourd’hui à une situation explosive pour un milliard de ménages, qui s’est transformée en une pandémie économique reconnue. Les décideurs politiques ont-ils les ressources et les données pour prendre des mesures efficaces ?

Connaissances, attitudes et pratiques

La connaissance de la maladie est en elle-même un problème majeur. Deux mois après l’annonce de la pandémie par l’OMS, nombreux sont ceux qui pensent qu’ils ne seront pas touchés par le coronavirus. L’OMS a souligné à juste titre que la pandémie est aussi une infodémie avec une abondance de fausses informations. Les personnes à faibles revenus ne sont pas à l’abri de ce problème. Dans le cadre de son enquête permanente sur les connaissances, les attitudes et les pratiques (KAP) menée dans plusieurs pays, MSC a entendu les déclarations suivantes :

  • « J’ai augmenté ma consommation de waragi (un gin local brut). On m’a dit que le virus ne peut pas attaquer un organisme saturé de waragi», selon un habitant de l’Ou
  • « Si vous n’avez jamais quitté le pays, comment pouvez-vous être infecté par le virus ? » demande un habitant de l’Inde.
  • « Si vous marchez pieds nus, le virus ne vous attaquera pas », selon un habitant de l’Ouganda.
  • « Vous avez juste besoin de protéger votre immunité. Le virus ne peut pas toucher un organisme sain » déclare un habitant de l’Inde.
  • « Le nez qui coule est un symptôme du coronavirus », selon un habitant du Bangladesh.
  • « Le coronavirus est un problème du cœur. Nous avons été trop occupés pour passer du temps avec Dieu », selon un habitant de l’Indonésie.
  • « Je sais qu’il existe un numéro d’assistance téléphonique, mais je ne m’en rappelle pas » déclare un vendeur ambulant en Inde.
  • « Je ne sais pas où est l’hôpital [pour le coronavirus] parce que je viens d’arriver [de Manado] » déclare une habitante de l’Indonésie.
  • « C’est une infection très mortelle, mais c’est tout ce que je sais » déclare un habitant de l’Inde.

Des informations précieuses sont malgré tout en train de circuler. La crainte que la maladie se propage par l’échange de billets de banque est réelle. En Ouganda, certaines personnes conservent des feuilles de margousier avec leur argent liquide pour le désinfecter. D’autres lavent leurs billets de banque. Dans presque tous les pays, une grande partie de la population adhère aux mesures gouvernementales de distanciation sociale ou de couvre-feu. Certaines personnes sont néanmoins opposées à ces restrictions et mettent en doute leur efficacité.

Nous ne connaissons pas en détail la situation sanitaire sur le terrain, car les informations de santé dans les pays en développement sont parcellaires dans le meilleur des cas. MSC est convaincu qu’une boucle rétroactive d’information fondée sur les faits doit servir de base à l’élaboration et au déploiement de campagnes efficaces d’hygiène et de communication. Nous avons établi dans ce but des partenariats avec divers ministères et prestataires de services financiers.

L’économie des ménages

En plus des évaluations « KAP », nos études s’intéresseront à l’évolution de l’économie des ménages, ainsi qu’au rôle et à l’expérience des femmes pendant cette période. Nous examinerons également les mécanismes d’adaptation des ménages pauvres. Les travailleurs des secteurs informels gagnent, au mieux, une fraction de leurs revenus antérieurs, voire rien du tout. Les activités économiques qui ne sont pas paralysées, comme par exemple la production laitière, l’horticulture, le commerce de proximité ou les primeurs, sont malgré tout handicapées par des chaînes d’approvisionnement rompues et une concurrence croissante. Il est difficile de dire si leur approvisionnement en fourrage, en pesticide ou en produits de grande consommation sera suffisant pour les semaines à venir.

Cette pandémie est également la première véritable crise pour la « gig economy » (ou économie à la tâche). Il est important de comprendre son impact sur les travailleurs indépendants qui ne disposent pas du filet de sécurité de la protection sociale. Comment l’économie digitale émergente résistera-t-elle face à cette pandémie ? Ce sont autant de questions auxquelles nous devons essayer de répondre.

  • « Si ce confinement dure encore un ou deux mois, je prévois de mettre ma moto en gage. Je pense que c’est le mieux que je puisse faire pour le moment. Nous allons célébrer le ramadan dans quelques semaines, et c’est généralement une période pendant laquelle les prix de l’alimentation ont tendance à augmenter. Qu’est-ce qui va se passer cette année ? Et à la fin du mois, nous fêterons Idul Fitri » s’inquiète un habitant de l’Indonésie.

S’il y a une chose que nous savons, c’est que les pauvres sont résilients. Certains témoignages montrent que face à la perte de leurs revenus, les gens changent de profession ou de stratégie. Une travailleuse migrante est devenue aide ménagère tandis que des travailleurs journaliers vendent désormais des fruits ou des légumes. Les migrants des villes sont revenus dans leur village et travaillent désormais dans les champs, tandis qu’une masseuse de Gojek s’est mise à vendre des produits désinfectants. Les gens dorment dans leur atelier ou leur local commercial pour éviter de rentrer chez eux, de peur de contaminer leurs enfants. Une restructuration fondamentale de l’économie est en cours.

Comment les gouvernements peuvent-ils minimiser les répercussions négatives de ce changement ? MSC surveille l’évolution de l’économie des ménages ainsi que l’efficacité des systèmes de soutien des gouvernements. Cela permettra de formuler des recommandations pour des mesures et des politiques supplémentaires afin de minimiser l’impact économique sur les pauvres.

N’oublions pas la dimension du genre

Les décideurs politiques doivent garder à l’esprit que cette pandémie frappe plus durement les femmes. Dans les sociétés patriarcales en particulier, elles sont les premières responsables de la santé de leur famille. Elles prodiguent des soins, supervisent les enfants, font les courses, cuisinent et assument une multitude d’autres tâches. Le COVID-19 va probablement amplifier ces demandes. Les maris et les enfants seront à la maison et les tâches ménagères exigeront un travail supplémentaire malgré des circonstances difficiles.

  • « Tous les jours, je pars au travail à 7 heures du matin et je rentre à 4 heures de l’après-midi. Avant d’aller chez mon employeur, je dois préparer à manger pour ma famille » déclare une habitante de l’Indonésie.
  • « Je déteste cette situation. J’ai tellement de travail en plus ! » déclare une habitante de l’Inde.

Toutes les politiques gouvernementales doivent tenir compte de cette réalité. Il sera important de veiller à ce qu’il n’y ait pas d’écart entre les sexes en matière d’accès à l’hygiène ou aux ressources médicales et financières. En effet, la pandémie peut être l’occasion de renforcer l’autonomie des femmes au sein du foyer. Des produits de base essentiels et des subventions peuvent être distribués aux femmes. En Inde, le gouvernement a distribué 500 INR (7 USD) par mois sur les comptes bancaires des femmes pauvres dans le cadre du programme PMGKY. Ce programme sera répété tous les mois pendant trois mois.

Les gouvernements ont du souci à se faire

La population n’a pas d’informations adéquates et l’économie est au point mort. Les économies fondent comme neige au soleil, tandis que les réserves de nourriture ou les rations des ménages s’épuisent et que l’on signale déjà un nombre croissant de personnes qui s’endorment sans manger. Les tendances préliminaires de nos études font ressortir un tableau déjà bien sombre, la grande majorité des personnes interrogées faisant état d’une absence d’emploi et d’une crise financière croissante au sein de leurs foyers.

Sur une note plus positive, les gouvernements ne restent pas les bras croisés. En Inde, le gouvernement central et ceux des États ont distribué des aliments cuisinés aux ménages à faibles revenus. Les gouvernements du Bangladesh, de l’Inde, de l’Indonésie, de l’Ouganda et du Kenya ont annoncé des mesures d’aide qui prévoient notamment un moratoire sur les emprunts. Les types d’emprunt susceptibles de bénéficier de cette mesure varient selon les pays. Il est en outre possible que ces moratoires ne couvrent pas la totalité des prêts contractés par les ménages à faibles revenus.

Cependant, le moratoire sur les prêts n’est qu’un début. Il reste encore beaucoup à faire. Les gouvernements doivent prendre des mesures non seulement pour freiner la propagation de la pandémie, identifier les cas et les traiter, mais aussi pour apporter un soutien financier et garantir l’approvisionnement en produits de base. Des efforts sont nécessaires pour contrôler l’inflation des prix, apporter une aide financière à ceux qui ont perdu leur emploi et assurer la sécurité de ceux qui travaillent. Dans ce contexte, pour un ménage à faibles revenus, le remboursement des prêts, l’approvisionnement alimentaire et la subsistance sont les principales préoccupations. Comme le note une habitante du Bangladesh, « mieux vaut mourir du COVID que de la faim ».

Le rôle des agents de services financiers digitaux pendant la crise du Covid-19

Le rôle des agents de services financiers digitaux pendant la crise du Covid-19

MSC et Caribou Data, avril 2020

Nous avons tous assisté, avec une angoisse croissante, aux conséquences sanitaires et économiques de la crise du Covid-19 qui ont frappé le monde entier au cours des derniers mois. Nous faisons face à un défi sans précédent, car les réponses humanitaires traditionnellement employées dans les contextes de crise s’avèrent pour beaucoup inadaptées. Cette crise est unique en ce sens qu’elle touche simultanément de vastes régions du monde et que les intervenants habituellement à l’origine des interventions sur le terrain dans des zones particulières et auprès de populations spécifiques sont eux-mêmes bloqués, et souvent sidérés par l’ampleur et l’échelle des besoins à satisfaire.

Nous devons trouver, en très peu de temps, comment apporter une aide humanitaire et des solutions à ces problèmes, et comment le faire à distance. La plupart des acteurs se tournent vers les plateformes digitales, en particulier vers les services financiers digitaux, qu’ils considèrent comme la solution. De nombreux bailleurs de fonds s’emploient à reproduire très rapidement les réponses qui ont été apportées dans d’autres régions du monde en organisant des programmes massifs de paiement G2P (des gouvernements vers les particuliers) pour pallier les pertes de revenus, et cherchent à utiliser les services financiers digitaux et les transactions mobiles pour le faire.

Chez MSC et Caribou Data, nous avons cherché comment contribuer à la réussite de ces programmes et comment, même à distance, utiliser notre expérience et nos plateformes pour analyser la situation des agents de transactions mobiles et agents bancaires sur le terrain au Kenya. Nous voulions comprendre comment ils faisaient face aux fermetures et aux couvre-feux, aux mesures de distanciation sociale et d’hygiène, et à la réduction des horaires d’ouverture des banques. Nous voulions aussi savoir comment évoluaient les flux de trésorerie, si l’accès aux liquidités devenait problématique et ce que ressentaient les agents qui se retrouvaient en première ligne du système bancaire digital dans cette période de crise.

Au terme d’une discussion rapide, nous nous sommes lancés directement dans un sprint de recherche, en utilisant les données en quasi-temps réel de la plateforme Caribou Data et les nombreux contacts d’MSC au sein des réseaux d’agents. L’objectif de ce processus de recherche de sept jours était de comprendre comment ces réseaux vivaient la crise. Nous avons recueilli des données quantitatives auprès de plus de 1 000 utilisateurs au sein d’un panel représentatif sur le plan démographique pour voir quels étaient les flux monétaires réels au fil du temps ; nous avons interrogé 20 agents, un super agent et cinq superviseurs d’agents bancaires à l’aide d’un questionnaire structuré simple pour avoir une idée des différentes dimensions de leur expérience alors qu’ils se trouvent en première ligne en matière de distribution d’argent.

Nos conclusions se trouvent dans ce rapport, mais voici ce que l’on peut dire en synthèse :

  • les soldes des portefeuilles de services financiers digitaux sont volatils ; ils ont connu un pic initial de retraits qui évolue vers un schéma de réduction du volume global des transactions mais d’augmentation de la taille des transactions, avec pour effet net une réduction de moitié des soldes moyens des portefeuilles depuis le début de la crise ;
  • les commissions des agents ont diminué de moitié, ce qui met sous pression leurs propres moyens de subsistance, et l’augmentation de la taille des transactions rend l’équilibre de trésorerie de plus en plus difficile ;
  • les recommandations d’hygiène sont mal communiquées aux agents, voire pas communiquées du tout. En l’absence de conseils et de consignes clairs et d’équipements de protection, les agents s’exposent eux-mêmes et exposent leurs clients à des risques ;
  • nous recommandons que le rôle central des agents en tant que travailleurs de première ligne dans cette crise soit reconnu et soutenu, d’autant plus qu’ils seront essentiels à la gestion des retraits et des liquidités lorsque les régimes de prestations sociales opérés via les services financiers digitaux seront mis en place pour de grands segments de population.

D’autres résultats d’études détaillées sur la situation des agents de services financiers digitaux depuis le début de la crise du Covid-19 sont accessibles ici sur le site de MSC. Nous prévoyons d’étendre nos analyses à d’autres domaines de recherche à l’avenir, notamment de procéder à des études approfondies sur les différences entre les hommes et les femmes et entre les zones urbaines et rurales, et à d’autres pays comme le Ghana, l’Afrique du Sud et le Bangladesh. Toutes les propositions d’appui et les idées de sujets de recherche de la part d’autres organisations sont les bienvenues. Vous pouvez nous contacter à l’adresse suivante : covid19@cariboudigital.net.