Concevoir des stratégies de distribution efficaces pour les services financiers digitaux
Ignacio Mas et Mike McCaffrey, mai 2015
Cette étude fait état de la diversité des moyens utilisés par les fournisseurs de services financiers digitaux dans les pays en développement pour créer et gérer des réseaux de magasins de détail servant d’agents pour les services de paiement et pour la vente de comptes et de produits. Elle s’appuie sur sept études de cas qui montrent sur quels aspects les structures des canaux de distribution diffèrent et comment elles se développent sur des marchés évolutifs en fonction des objectifs stratégiques d’institutions diversifiées. Ce document vise à aider les fournisseurs à comprendre les considérations stratégiques associées à la conception d’un réseau d’agents et les différents modèles actuellement utilisés sur le marché. Il démontre également la nature dynamique des réseaux d’agents et montre comment certains acteurs ont assuré leur croissance dans le temps.
Quand l’inclusion n’est pas inclusive : les changements à faire pour parvenir à une véritable inclusion financière des femmes
Rahul Chatterjee, Abhishek Gupta, Bhavana Srivastava, Akhand Tiwari, décembre 2019
Samina et Malti habitent dans un village du centre-est de l’Uttar Pradesh, l’État le plus peuplé de l’Inde. Elles ont toutes les deux ouvert un compte bancaire en 2016, après avoir entendu parler du programme PMJDY (un produit phare d’inclusion financière lancé par le gouvernement indien) par leur mari. Depuis, Malti utilise son compte uniquement pour recevoir l’argent envoyé par son mari, qui travaille dans une autre ville, tandis que Samina n’a jamais utilisé le sien et ne sait même pas ce qu’il est devenu.
Elles ont toutes les deux contribué à l’augmentation impressionnante du niveau d’inclusion financière des femmes en Inde : des statistiques récentes montrent que 79 % des femmes indiennes sont intégrées au secteur financier formel (FII 2018)[1]. Mais comme beaucoup d’autres titulaires de comptes PMJDY, le sont-elles vraiment ?
Cette question est troublante, non seulement pour nous chez MSC, mais également pour l’ensemble des parties prenantes de l’inclusion financière au niveau international. On peut se demander si les efforts combinés du secteur arrivent réellement à avoir un impact sur les femmes en garantissant qu’elles utilisent de manière active leurs comptes financiers et qu’elles en tirent des avantages. Une étude récente de MSC qui s’intéresse à des utilisatrices comme Malti et Samina en Inde nous apporte quelques éclaircissements. Ses conclusions indiquent que nous ignorons deux aspects simples, mais pourtant extrêmement importants, du problème : d’une part, que les femmes ne constituent pas un groupe homogène et qu’il est donc important de tenir compte des différences importantes qui existent dans leur comportement et leur implication à l’égard des services financiers formels, et d’autre part, que les acteurs de l’écosystème ignorent généralement la centralité du genre dans la conception des produits et des services financiers.
Les femmes ne sont pas un groupe homogène
Pour mesurer l’inclusion financière, il est courant d’opérer une classification binaire entre « utilisatrices » et « non utilisatrices » des produits financiers. Cette approche est pourtant fondamentalement trompeuse. En effet, il existe six sous-segments distincts chez les femmes en matière d’utilisation des services financiers :
Les utilisatrices avancées sont financièrement indépendantes et utilisent plusieurs services bancaires et autres produits financiers ;
Les utilisatrices régulières ont des entrées d’argent régulières sur leur compte, qu’il s’agisse de transferts d’argent ou de salaires ;
Les utilisatrices irrégulières de base ont des entrées d’argent irrégulières sur leurs comptes, ce qui se traduit par une expérience plus réduite des services financiers formels ;
Les utilisatrices par procuration ont des comptes sur lesquels les opérations sont effectuées par une autre personne de leur famille (le plus souvent leur mari ou un autre membre de leur famille de sexe masculin) ;
Les utilisatrices inactives ont un compte inactif ;
Les femmes exclues n’ont pas de vie financière formelle, et notamment pas de compte bancaire.
Les prestataires de services financiers ont besoin de répondre de façon adaptée aux besoins de chacune de ces catégories d’utilisatrices. À ce titre, il y a beaucoup à apprendre du secteur des produits de grande consommation, dans lequel un savon ou un produit de lavage pourra être présenté de manière différente pour répondre aux besoins spécifiques de chaque segment de clientèle avec des références (ou SKU : stock-keeping units) spécifiques. Le secteur des services financiers a lui aussi besoin d’une compréhension nuancée des différents sous-segments de la clientèle féminine.
Absence de centralité du genre dans la conception des produits financiers
Nous définissons la centralité du genre comme une manière de reconnaître que les femmes et les hommes ont des besoins, des aspirations et des comportements différents, qui sont influencés par les normes culturelles et sociales dominantes et les inégalités qui en découlent. Il est donc nécessaire de tenir compte de ces aspects dans la conception, la distribution et la vente de services financiers. Le cadre d’analyse des espaces financiers individuels (EFI) présenté ci-dessous fait clairement ressortir l’importance de la centralité du genre. Il explique les différentes catégories d’utilisatrices sous l’angle de leur comportement financier et des facteurs susceptibles de le faire évoluer de façon à améliorer leur inclusion financière.
Un EFI (figure 1) est défini comme un espace tridimensionnel représentant un environnement propice à la réalisation d’opérations financières par une personne donnée de son propre chef. Chaque utilisatrice a un espace qui lui est propre, défini par ses seuils d’utilisation sur chacune des trois dimensions de l’EFI. Dans l’idéal, elle a besoin de franchir les trois seuils pour se mettre à utiliser des services financiers de manière durable. Cependant, le fait de franchir un ou deux de ces seuils peut malgré tout la conduire à utiliser des services financiers, y compris des services digitaux.
L’EFI de la figure 2 correspond à une utilisatrice régulière comme Malti, que nous avons présentée au début de cet article. Malti a franchi le seuil d’utilisation sur les trois dimensions : la suggestion de son mari a été la motivation de l’ouverture de son compte ; les virements réguliers qu’il lui envoie couvrent la dimension volume/fréquence et l’agent de services financiers digitaux de son village lui apporte l’aspect pratique dans le cadre de ses retraits d’argent.
On observe un espace financier complètement différent pour Samina, notre utilisatrice inactive. Comme le montre la figure 2, Samina a un EFI limité. La dimension de motivation de son espace était relativement élevée au moment de l’ouverture de son compte, mais le volume de ses besoins est resté limité faute de flux de trésorerie ou de revenus qui l’amèneraient à l’utiliser de façon régulière. La dimension de l’aspect pratique est également peu élevée : en raison de sa mobilité restreinte (imposée par les normes sociales) ; elle ne sort pas de chez elle non accompagnée et n’a pas la possibilité de tirer parti des services bancaires offerts par les réseaux d’agents. Son compte bancaire est donc resté inutilisé.
Cette étude récente de MSC montre que chaque dimension de l’EFI a ses propres facteurs déclencheurs qui peuvent souvent être généralisés pour une catégorie donnée d’utilisateurs. Dans le cas par exemple de la dimension volume/fréquence, les revenus, les prestations sociales et les transferts d’argent sont les facteurs les plus courants et les plus importants. De la même manière, en ce qui concerne l’aspect pratique, la facilité d’accès (en termes de distance ou d’horaires) et la confiance en soi sont des facteurs cruciaux qui déterminent l’espace financier de chaque sous-segment de clientèle. En ce qui concerne la motivation/influence, on constate que la famille et les prestataires de services financiers (et notamment les agents de services financiers digitaux) sont des facteurs importants. Il est ainsi possible de renforcer la dimension de l’aspect pratique pour les utilisatrices irrégulières ou les utilisatrices par procuration en employant des agents du même sexe et en les sensibilisant aux aspects du genre pour qu’ils soient à même d’aider leurs clientes à réaliser leurs opérations et de contribuer ainsi à résorber le fossé digital qui continue d’augmenter entre hommes et femmes. Ces agent(es) pourraient en fin de compte apporter aux clientes les compétences, l’aisance et la confiance nécessaires pour utiliser elles-mêmes les outils digitaux et réaliser leurs propres opérations.
Ces facteurs déclencheurs fournissent des indications précieuses sur la manière dont les prestataires de services financiers peuvent répondre aux besoins et aux aspirations spécifiques de chaque sous-segment, au lieu de leur proposer des produits standardisés basiques (parfois même déguisés en produits « non sexistes »), comme cela est souvent la norme. Une telle approche permettrait d’attirer davantage de femmes vers une véritable inclusion financière.
Le moment est venu de repenser les services financiers destinés aux femmes sous l’angle de la centralité du genre et de l’espace financier individuel. Une approche holistique accompagnée de politiques et de produits « genrés » peut conduire à ce changement. Le secteur est déjà en train d’avancer dans ce sens grâce à des initiatives comme le cadre politique « GRID » de l’AFI, qui a pour but d’améliorer l’inclusion financière des femmes grâce aux services financiers digitaux. Mais il reste encore des promesses à tenir, et beaucoup de chemin à parcourir.
[1] Sur la base des analyses MSC tirées de FII 2018.
Transactions OTC : tremplin pour le digital ou voie sans issue ?
Anup Singh, Graham Wright and Mike McCaffrey, juillet 2016
À la fois jeune et dynamique, le secteur de la finance digitale innove constamment pour résoudre les problèmes auxquels il est confronté au fur et à mesure de son développement. L’un des sujets de discussion actuels porte sur les transactions réalisées par des agents au guichet (OTC, pour over the counter en anglais). La prestation de services de transactions mobiles par agent soulève un certain nombre de questions car elle pourrait limiter l’évolution des produits, réduire la rentabilité des fournisseurs et favoriser les transactions non enregistrées, qui présentent un risque en termes de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.
Dans ce rapport, nous avons cherché à examiner ces questions de plus près et, à l’aide des données de l’Institut Helix, d’InterMedia et de la GSMA, à fournir une perspective analytique sur les avantages et les inconvénients du modèle OTC. Cette analyse nous permet de proposer des recommandations sur la gestion de l’approche OTC à l’avenir. Pour commencer, nous présentons une typologie simple des différents types de transactions OTC pour établir une terminologie commune pour la discussion. Nous nous penchons ensuite sur les différentes questions soulevées par le modèle OTC. Dans la troisième section, nous expliquons pourquoi, selon nous, certains types de transactions OTC devraient être considérés comme un tremplin vers l’adoption et l’utilisation des comptes de transactions mobiles. Enfin, nous présentons nos conclusions et recommandations pour faire avancer le secteur, en nous appuyant sur les données présentées et certains des nouveaux développements dans ce domaine.
Comment les institutions financières peuvent-elles répondre aux attentes des familles de migrants, comme Abdoulaye ?
Par Leïla Ferrali, décembre 2019
Abdoulaye est un jeune entrepreneur, vivant dans la région rurale de Louga, au Nord-Ouest du Sénégal. Il vit dans la concession familiale tenue par son oncle qui regroupe pas moins de 8 adultes et 15 enfants. Titulaire du baccalauréat, Abdoulaye travaille à son compte et arrive à stabiliser son revenu mensuel à 100 000 XOF (170 USD) à travers la diversification de ses activités.
Tous les mois, son frère qui réside en France, lui envoie 150 000 XOF via un service de transfert d’argent, pour compléter les dépenses courantes du foyer (alimentation, factures, frais de santé, frais de scolarité). Le soutien financier de son frère a été un véritable coup de booste pour qu’il se lance dans ses activités entrepreneuriales. Grâce à cet argent, Abdoulaye a pu aussi commencer à épargner de manière informelle.
Il a monté un magasin où ses produits à la vente évoluent en fonction de la demande, très fortement rythmée par les célébrations religieuses qui occupent une place prépondérante dans la vie des Sénégalais. Lors du Magal de Touba ou la Tabaski, son business tourne grâce à la vente de vêtements d’apparat pour les cérémonies. En prévision de la Tabaski, il élève aussi des moutons, chaque vente pouvant lui rapporter jusqu’à 100 000 XOF (170 USD). Pour accroître ses revenus, il lui arrive même d’acheter des moutons pour les revendre en marché public dans la foulée. C’est à cette période de l’année que ses besoins d’investissement sont les plus importants. Dès que la rentrée scolaire arrive, son chiffre d’affaire est principalement porté par la vente de fournitures. Entrepreneur dans l’âme, il sait comment gérer son argent et est soucieux de le faire fructifier. En effet, si son frère lui envoie 50.000 FCFA (85 USD) pour qu’il puisse investir dans l’achat de semences, ses bons calculs et sa bonne gestion, lui ont rapporté à travers la vente 180 000 XOF. Abdoulaye sait gérer son argent afin de ne pas connaitre de période de carence financière.
Abdoulaye fait preuve de clairvoyance et de dynamisme, lui permettant de sécuriser un revenu stable, mais comme il reste dans le secteur informel, ses capacités financières sont invisibles aux institutions financières. Il est membre actif de deux tontines auprès desquelles ses contributions atteignent jusqu’à 30 000 FCFA (51 USD) par mois. Il s’est constitué en parallèle une épargne personnelle qu’il conserve à son domicile comme fond de roulement. Elle lui permet de couvrir les frais de fonctionnement et l’approvisionnement en marchandises de son business.
La nature de ses activités requiert une flexibilité financière, à laquelle les banques et les IMF n’arrivent aujourd’hui pas à répondre : les taux d’intérêts sont élevés et les échéances de remboursement trop rigides. Pourtant ses revenus primaires et secondaires augmentent sa notation de crédit et montre sa capacité de remboursement.
Abdoulaye a tous les attributs d’un client fiable et responsable pour une institution financière, cependant il ne compte aujourd’hui, que sur l’aide financière ponctuelle que lui apporte son frère de l’étranger, ainsi que sur des mécanismes informels d’emprunt et d’épargne au sein de sa communauté.
Comment les institutions financières peuvent-elles faire des partenariats avec les sociétés de transferts d’argents pour créer des profils numériques et développer un historique de crédit alternatif ? Comment encourager les transactions numériques pour inciter les entrepreneurs comme Abdoulaye à réduire son utilisation de cash ?
En parcourant les marchés du Sénégal et du Pakistan, vous entendrez facilement « Warimako », et « Easypaisa kara lo » ! Ces expressions se sont transformées en un fourre-tout pour les transferts d’argent mobiles – des transactions qui sont généralement effectuées au guichet par des agents (OTC, pour « over the counter » en anglais).
Les transactions OTC sont l’une des questions les plus litigieuses dans le domaine des services financiers digitaux. Certains prétendent que les transactions OTC peuvent réduire la rentabilité des fournisseurs, freiner l’évolution des produits et mener à des transactions non enregistrées qui augmentent le risque de financement du terrorisme et de blanchiment d’argent. Les partisans des transactions OTC font valoir qu’elles réduisent les obstacles à l’entrée d’un fournisseur et font augmenter rapidement le volume des transactions dans la mesure où les clients adoptent cette méthodologie pour sa facilité. Ils soutiennent également que les transactions OTC contribuent à accroître non seulement la sensibilisation mais aussi la possibilité d’utilisation des services financiers digitaux auprès d’une population qui peut adopter facilement le portefeuille mobile.
Dans notre rapport intitulé « OTC : tremplin pour le digital ou voie sans issue ?», nous définissons d’abord le terme OTC pour ancrer les discussions futures sur cet important sujet. Ensuite, nous présentons cinq préoccupations clés qui obscurcissent souvent notre jugement sur ce mode de transaction, en soutenant que certains types d’OTC devraient être réellement adoptés. Enfin, nous proposons des idées pour faire progresser le secteur, compte tenu des données présentées.
Dans ce blog, nous tentons d’élucider l’une des cinq préoccupations selon laquelle l’OTC peut empêcher l’évolution de produits, en analysant les données provenant des pays du programme ANA [Accélérateur de Réseaux d’Agents].
Qu’entendons-nous par transactions OTC ?
Nous définissons une transaction OTC comme « une transaction que l’agent effectue au nom d’un client à partir du compte de mobile money du client ou de l’agent ». Cette définition inclut les transactions effectuées par un agent à partir de son propre compte pour le compte d’un client, comme c’est le cas au Pakistan. La définition inclut également les transactions assistées par un agent qui sont populaires en Afrique subsaharienne, où de nombreux utilisateurs ont déjà un compte de mobile money, mais sont assistés par un agent pour effectuer leurs transactions.
En Ouganda, où 30 % des agents proposent des transactions assistées par un agent, 57 % des utilisateurs enregistrés préfèrent ce type de transfert à l’utilisation de leur propre téléphone portable. Ce genre de transactions assistées par un agent se produisent habituellement parce que soit les utilisateurs ne savent pas lire et écrire pour le faire eux-mêmes, soit ils ne sont pas assez versés en technologie pour effectuer la transaction.
Notre définition établit en outre une distinction entre les méthodes « formelles » approuvées par le prestataire et l’organisme de réglementation et les méthodes « informelles » – répandues au Bangladesh et en Inde, qui sont mal vues par les organismes de réglementation et auxquels les prestataires sont peu favorables à des degrés divers (Tableau 1).
Tableau 1 : Typologies des transactions OTC et leur prévalence
L’éclatement de la bulle : Les transactions OTC entravent l’évolution des produits
L’un des principaux arguments contre l’OTC est qu’il limite l’innovation en matière de produits, le portefeuille étant un meilleur moyen d’offrir des produits sophistiqués en ce sens qu’il peut générer plus de revenus pour le fournisseur et plus de valeur pour le client.
Bien que cet argument trouve écho, il n’a pas essentiellement été prouvé, car jusqu’à présent, presque aucun fournisseur n’a lancé et mis à l’échelle un nouveau produit qui nécessitait l’utilisation d’un porte-monnaie, surtout au cours des cinq premières années de son déploiement. Il s’agit notamment de produits financiers sophistiqués tels que M-Shwari, KCB M-PESA Account, Lipa na M-PESA et M-Ledger qui nécessitent un compte M-PESA existant. Cela peut amener à envisager une autre approche, à savoir, permettre aux clients de se familiariser d’abord avec l’argent mobile par le biais de l’OTC, tout en les encourageant à créer des comptes de mobile money lorsqu’il existe des cas d’utilisation plus convaincants pour ces derniers.
Pour ceux qui craignent de ne pas être en mesure de recueillir des données sur les habitudes d’utilisation et les préférences des clients, l’OTC n’empêche pas les fournisseurs de recueillir des données, pourvu qu’ils soient en mesure d’identifier l’utilisateur et le destinataire (quadrant formel et identifié au tableau 1).
En outre, en 2015, la GSMA a signalé que les recharges de temps d’antenne, les paiements de factures et les transferts de particulier à particulier (P2P) représentaient dans le monde 96 % du volume des transactions et 87 % des valeurs. Paradoxalement, le marché de l’OTC permet ces trois types de transactions, à condition qu’elles soient effectuées chez l’agent.
Néanmoins, nous avons assisté à l’évolution des produits utilisant la méthodologie OTC dans les pays de l’ANA. Le Sénégal, par exemple, s’enorgueillit d’un modèle pionnier de transferts de fonds transfrontaliers où les clients peuvent utiliser à la fois l’OTC et le portefeuille. Au second semestre 2014, la valeur des transferts de fonds transfrontaliers sur Orange Money représentait près d’un quart de l’ensemble des transferts de fonds déclarés par la Banque mondiale entre la Côte d’Ivoire, le Mali et le Sénégal. De plus, Easypaisa Pakistan a lancé Easypay Online en 2015, utilisant à la fois le portefeuille et les transactions OTC.
Segmenter les agents pour enregistrer les clients
En Ouganda, en Zambie et au Sénégal, nous recommandons aux fournisseurs de segmenter leur réseaux d’agents de sorte que les agents les plus dynamiques et les mieux formés servent d’agents commerciaux qui vendent des produits sur le marché de masse et donnent des consignes sur l’utilisation des produits, étant donné la lenteur d’adoption de certains services de portefeuille et la préférence pour les transactions par agents. Le moment optimal pour enregistrer des utilisateurs pourrait alors être lors du lancement d’un produit à base de portefeuille qui nécessite une promotion par un agent.
Alors que certains affirment que les agents ne voudraient pas encourager les clients à migrer de l’OTC vers le portefeuille étant donné les revenus élevés qu’ils tirent de l’OTC, seulement 26 % et 40 % des agents (interrogés) au Pakistan et au Sénégal respectivement sont de cet avis. 74 % des agents au Pakistan sont prêts à ouvrir un portefeuille électronique pour leurs clients, tandis qu’au Sénégal, les agents font remarquer qu’ils sont également disposés à ouvrir un portefeuille pour leurs clients, mais qu’ils ne sont pas vraiment au courant de ces services ou que leurs clients ne sont pas assez informés pour vouloir le faire. Par conséquent, s’ils reçoivent des bons incitatifs, les agents peuvent s’avérer plus disposés à aider à l’enregistrement qu’on ne le pense généralement, et ils fournissent souvent les conseils fiables nécessaires pour vendre de nouveaux services sur le marché de masse.
Une approche possible de l’évolution des produits consiste à permettre aux clients de se familiariser avec l’argent mobile par le biais de l’OTC, à recueillir des données sur ces clients et à construire un produit convivial avec un cas d’utilisation convaincant à travers le portefeuille mobile. Cela permet ensuite aux clients de choisir de migrer vers le portefeuille électronique lorsque ce cas d’utilisation convaincant leur est offert – par exemple comme un produit de crédit.
Ce blog est le premier d’une série de blogs sur les mérites et les lacunes de l’OTC, et aborde les cinq préoccupations souvent soulevées au sujet de l’OTC, en utilisant les données de l’ANA lorsque c’est possible. Nous espérons que ce cadre permettra au secteur d’ancrer ses discussions sur l’OTC.
Une question importante à laquelle les prestataires de services financiers digitaux doivent réfléchir avant d’entrer sur le marché est la structure hiérarchique de leurs réseaux d’agents. L’adoption d’un modèle adapté au marché permettra d’économiser du temps et de l’argent et de réduire le niveau de stress des cadres supérieurs !
Les trois modèles ci-dessous illustrent les options les plus courantes offertes aux fournisseurs.
Le modèle hiérarchique direct donne au fournisseur un accès direct aux agents en interface avec les clients/utilisateurs finaux. Le fournisseur assume la responsabilité du soutien opérationnel et de la supervision des agents et assure la qualité globale du réseau d’agents. Les fournisseurs contrôlent, entre autres, les aspects concernant les agents individuels ainsi que le réseau lui-même. Quelques unes des caractéristiques relatives aux agents individuels que les fournisseurs gèrent incluent le profil de l’agent, l’aménagement physique du point de vente, les niveaux de stocks, la liquidité, la qualité de la marque, etc. Les aspects liés au réseau concernent la capillarité de la propagation – par exemple, le nombre d’agents dans une localité, les facteurs qui déterminent la présence d’un agent dans cette localité, etc.
Qui l’utilise : M-PESA de Safaricom a commencé avec ce modèle, Equity Bank au Kenya l’utilise actuellement.
Avantages : Les banques privilégient souvent ce modèle parce qu’il donne au fournisseur le contrôle le plus direct sur le réseau, ce qui permet d’apaiser les régulateurs, d’offrir des produits plus complexes et de diriger le plus de commissions directement vers les agents sans qu’un cadre intermédiaire n’en prenne une part.
Inconvénients : Le principal inconvénient de ce modèle est qu’il est extrêmement difficile à mettre à l’échelle rapidement. De plus, les fournisseurs qui l’utilisent pourraient s’enliser dans des problèmes opérationnels qui sont souvent mieux gérés par un ensemble d’agrégateurs ou d’agents principaux sous-traités. Ce niveau de gestion intermédiaire a aussi souvent une meilleure visibilité sur le marché et peut orienter plus précisément l’emplacement de nouvelles agences.
Le modèle hiérarchique direct pourrait potentiellement convenir aux petits marchés et aux fournisseurs ayant des stratégies de croissance progressive ou des ambitions limitées (les banques qui essaient simplement de décongestionner les succursales bancaires pour leurs clients existants).
Le modèle hiérarchique de master agents est souvent incorrectement étiqueté « modèle agrégateur », et est probablement le plus populaire. Dans ce modèle, le fournisseur désigne un nombre restreint de « master agents » ayant démontré leur puissance financière et opérationnelle, pour s’occuper du recrutement, du soutien opérationnel et de la gestion des agents transactionnels sur le terrain. Les revenus des master agents sont proportionnels aux revenus des agents qu’ils gèrent.
Qui l’utilise : Tigo Pesa (Tanzanie) ; Airtel Money (Kenya) ; bKash (Bangladesh)
Avantages : Ce modèle est rationalisé pour la croissance. Souvent, les télécoms activent simplement la structure du réseau d’agents déjà existant pour la distribution de temps d’antenne afin de servir également d’agents d’encaissement/retrait (CICO). Le modèle minimise également les coûts opérationnels pour le fournisseur, car le coût est généralement imputé aux commissions des agents.
Inconvénients : En revanche, cela signifie également que la portée du contrôle sur le réseau d’agents est inférieure à celle du modèle de l’agent direct. Il y a un niveau de gestion entre le fournisseur et le point de contact avec le client, ce qui signifie que la surveillance doit se faire à plus de niveaux, qu’il y a plus d’incitatifs à aligner et que l’écosystème est d’un niveau plus complexe pour tous.
Le modèle de master agents convient aux marchés plus vastes et plus développés où l’évolutivité du réseau est considérée comme un avantage concurrentiel.
Le modèle d’hiérarchie matricielle dans sa forme la plus simple est une combinaison des modèles d’agents directs et de master agents dans un seul déploiement. Les fournisseurs gèrent certains agents stratégiques directement tout en déléguant le contrôle d’autres agents à des master agents. Un certain nombre de déploiements, dont M-PESA de Safaricom, ont trouvé cette structure avantageuse.
Qui l’utilise : Dutch-Bangla Bank (Bangladesh), MTN Money (Ouganda) ; M-PESA (Kenya & Tanzanie)
Avantages : Ce modèle hybride permet aux fournisseurs de choisir de manière plus incisive entre la qualité et la quantité des agents dans les différentes sous-régions d’un pays. Ils peuvent aussi facilement créer des centres d’excellence, où les clients peuvent se rendre lorsqu’ils ont besoin d’effectuer une transaction importante ou d’annuler une transaction et où les agents peuvent se rendre pour poser des questions ou effectuer certaines tâches opérationnelles comme le réapprovisionnement.
Inconvénients : Il est beaucoup plus difficile de définir clairement les rôles et les responsabilités de sorte que toutes les opérations soient couvertes sans aucune redondance. De plus, il y aura probablement différents systèmes de récompenses et des indicateurs clés de performance qu’il faudra harmoniser et gérer de manière sophistiquée.
Le modèle matriciel convient à ceux qui disposent d’un siège social sophistiqué, capable d’exploiter des systèmes de gestion complexes, qui envisagent d’offrir une gamme de produits sophistiqués à différentes populations et dont le modèle de gestion exige une flexibilité maximale. Il est également utilisé dans les stades embryonnaires de développement où le fournisseur n’est pas encore sûr du modèle à choisir et essaie donc un peu des deux meilleurs.
Bien évidemment, tous les modèles ont leurs propres avantages et leurs propres inconvénients. En règle générale, je parierais sur le modèle d’hiérarchie matricielle dans les premières étapes du déploiement d’un réseau d’agents, puis j’envisagerais d’introduire progressivement d’autres modèles si nécessaire. Ce modèle offre aux prestataires l’avantage d’avoir le beurre et l’argent du beurre !
Quel que soit le modèle choisi par les fournisseurs, il est très important d’arriver rapidement à cette décision. L’avantage de déterminer le modèle hiérarchique d’agents très tôt est qu’il a une corrélation directe avec la structure de rémunération des agents, compte tenu des divers intermédiaires dans la chaîne alimentaire. Par extension, le modèle adopté a le potentiel d’influencer tous les aspects de l’entreprise, y compris, mais sans s’y limiter, la planification stratégique, la tarification, la conception des processus, l’interface utilisateur, les caractéristiques des produits, etc.
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