MicroSave Consulting (MSC) et L’institut Helix ont publié les résultats de la deuxième série de l’étude ANA (Accélérateur de réseaux d’agents) pour le Nigeria en décembre 2017. L’étude a été menée avec le soutien financier de la Fondation Bill & Melinda Gates et du Fonds d’équipement des Nations Unies (FENU) et vise à identifier les lacunes stratégiques et les possibilités d’expansion des services financiers digitaux au Nigeria. Le rapport souligne également les progrès réalisés dans la mise en œuvre des recommandations de l’Institut Helix lors de la première série de l’étude ANA pour le Nigeria menée en 2014.
Les services de banque à distance sont de plus en plus populaires dans de nombreux pays en développement. Du Brésil au Kenya et dans de nombreux autres marchés émergents, l’utilisation des services financiers transactionnels chez les adultes financièrement exclus a connu une hausse grâce aux services de banque à distance. Au Nigeria, la Banque centrale a introduit en 2013 des lignes directrices sur les services de banque à distance afin de contribuer à la réalisation des objectifs de la Stratégie nationale pour l’inclusion financière. Selon l’enquête EFInA 2016 sur l’accès aux services financiers, seulement 38,3 % de la population adulte du pays a accès aux services financiers formels. Il s’agit ici d’accès aux banques de dépôts, aux banques de microfinance, au mobile money, à l’assurance et/ou aux pensions.
Depuis 2013, et de plus en plus au fil des dernières années, les grandes banques de dépôt ont tenté de révolutionner les services de banque à distance, dans le but d’atteindre un plus grand nombre de clients et d’accroître leur rentabilité grâce à une meilleure efficacité et à une réduction des coûts. Dans le cas des agents, cette révolution est censée assurer une rémunération financière, une augmentation du trafic des clients vers les entreprises préexistantes des agents et une amélioration du statut de la communauté grâce à l’affiliation à la marque bancaire. Pour les clients, les avantages incluent la commodité et des coûts de transaction moins élevés. Bien que cette conception des banquiers soit tout à fait appropriée, ces derniers ne tiennent souvent pas compte des éléments essentiels des services de banque à distance, à savoir, entre autres :
Manque de reconnaissance pour le fait que les services de banque à distance sont un processus en évolution
Les services de banque à distance jouent un rôle important dans l’évolution des services financiers digitaux. Il s’agit d’une étape critique dans le mouvement vers des transactions initiées par l’utilisateur. Les services de banque à distance exigent des stratégies qui tiennent compte de l’élément du temps ; par conséquent, les objectifs et les avantages doivent être répartis entre le court terme et le moyen terme. A court terme, les services de banque à distance devraient principalement être perçus comme un canal supplémentaire pour la fourniture de produits et de services au-delà des canaux des succursales existants. Les banques existantes n’ont actuellement que des relations transactionnelles avec des clients du bas de la pyramide et non de véritables relations bancaires. Cela s’explique en partie par le fait que les produits existants ne sont pas conçus pour les segments à faibles revenus.
Avoir un réseau d’agents ne garantit pas l’attrait des clients. Cela appelle à développer des produits qui ciblent les clients et qui sont jugés utiles. Il s’agit de produits qui peuvent répondre à leurs besoins quotidiens en matière de gestion financière. On ne peut s’attendre à ce que le réseau soit le principal moteur de l’acquisition de clients sans tenir compte des défis actuels liés à la création du numéro de vérification biométrique (BVN), par exemple, qui limitent la capacité des banques à accueillir de nouveaux clients. Jusqu’à ce que ces problèmes soient résolus, les banques devraient faire passer leurs transactions de moindre valeur aux agents afin de renforcer l’analyse de rentabilisation des agents.
Au moyen terme, l’intérêt des services de banque à distance est de fournir des services à valeur ajoutée. Il s’agit de développer des produits qui permettent aux clients de s’associer et d’établir facilement des relations avec une banque en multipliant les transactions, ce qui est nécessaire pour pénétrer le marché. En termes d’inclusion financière, l’accent devrait être mis sur la pertinence quotidienne des services financiers pour les personnes non bancarisées. Cela nécessite deux étapes cruciales. La première étape consiste à construire des « ponts » à faible coût vers l’argent liquide, c’est-à-dire sous la forme d’un réseau d’agents omniprésents et bien soutenus. Cela permettrait aux Nigérians de convertir facilement de l’argent liquide en valeur électronique (e-value). La deuxième étape consiste à rendre la valeur électronique directement utile pour les clients et à les encourager à conserver leur argent sous cette forme. Les banques devraient donc identifier des cas d’utilisation convaincants et exploiter les opportunités pertinentes qui existent au Nigeria.
Attentes démesurées à l’égard de la rentabilité des services de banque à distance
L’objectif des services de banque à distance n’est pas foncièrement de permettre aux banques de réaliser d’énormes profits directs par l’intermédiaire d’un canal à faible coût. Il s’agit de ce que les canaux supplémentaires peuvent faire pour changer le modèle d’affaires au fil du temps, en évitant aux clients des banques d’utiliser des canaux plus coûteux comme les succursales, les centres de services et les GAB. Le canal lui-même peut ne pas générer de profits significatifs. Il peut cependant offrir à la banque des débouchés et des dépôts supplémentaires. Certaines institutions aux attentes démesurées prévoient de déployer d’énormes réseaux d’agents dès le départ. Cela pose un défi en termes de gestion efficace et de soutien adéquat aux agents et/ou de l’érosion des avantages pour les agents. Une fois que cela est compris, les institutions ne s’engageront pas dans des stratégies d’acquisition d’agents qui consistent à « tirer à l’aveuglette » mais développeront progressivement et stratégiquement leurs réseaux région par région.
Des attentes de profits élevés débouchent sur des modèles financiers gonflés, qui se traduisent ensuite par des indicateurs clés de performance (ICP) irréalistes pour le personnel opérationnel ou le personnel des succursales. Ces ICP sont irréalistes en raison des paramètres incorrects qui les génèrent. Il en résulte un faible taux d’adhésion parmi les agents de terrain concernés, dans la mesure où les ICP sont jugés irréalistes. Cette compréhension est essentielle pour permettre à l’équipe de direction de préparer des budgets et des ICP appropriés pour le personnel opérationnel qui gère les activités.
La peur de la « coopétition »
La coopétition est la capacité des acteurs à coopérer entre eux au bénéfice de chaque entreprise, tout en restant concurrents. Elle exige des partenariats étroits qui tirent parti des avantages comparatifs des partenaires. Les grandes banques ont peur de ces partenariats, ce qui pourrait entrainer le ralentissement des perspectives des services de banque à distance. Par exemple, les diverses opérations de banque à distance, le déploiement du réseau et le développement de produits sont en effet en difficulté. Cela s’explique par le fait qu’ils demandent un engagement actif alors que les banques n’ont qu’une capacité individuelle minimale pour mener à bien leurs opérations. A cela s’ajoute l’ignorance du fait que les services de banque à distance nécessitent une attention particulière. Des partenariats stratégiques au sein de réseaux d’agents partagés et des liens étroits avec les acteurs fintechs pourraient transformer l’activité de banque à distance au Nigeria. Ils permettraient aux partenaires de jouer leur rôle sur la base de leur force intrinsèque. Il a été constaté que les Fintechs attirent même les clients bancaires plus traditionnels grâce à des services adaptés à leurs besoins, tandis que les banques luttent pour innover. Et ce, malgré les lacunes existantes dans le développement et la compréhension des technologies sur le marché.
Conclusion
Pour que les services de banque à distance prospèrent au Nigeria, il faut une meilleure compréhension de la véritable justification économique. Une meilleure compréhension de l’analyse de rentabilité nécessite le soutien des cadres supérieurs et de la direction, un changement de paradigme sur le plan culturel et de la structure organisationnelle, ainsi qu’une orientation et une différenciation spécifiques des segments de clientèle. L’analyse de rentabilisation doit être clairement articulée auprès de tous les intervenants afin d’assurer des partenariats significatifs amenant au bon fonctionnement des affaires. Le fait que la patience devrait être une vertu dans cet engagement est une vérité qui dérange, mais qui est inévitable. C’est aux banques de trouver un moyen de convaincre et de gérer la mentalité du no surulere, c’est-à-dire « non à la patience », pour que ce modèle d’entreprise soit mis en œuvre efficacement, notamment pour les équipes et les agents.
La fraude, le « typhon » des services financiers digitaux, un phénomène en plein essor
Jacqueline Jumah, mai 2016
Les typhons sont de grands moteurs de destruction. Lorsqu’un typhon touche terre, il provoque souvent une onde de tempête dévastatrice qui détruit tout sur son passage sans pitié. La meilleure défense contre un typhon est une prévision précise qui donne aux gens le temps et les moyens de se mettre à l’écart. Il est donc prudent d’observer, d’observer à nouveau, puis de faire attention si vous vous trouvez dans une zone sujette aux typhons.
Depuis sa création, l’industrie des services financiers digitaux est victime d’une large variété de fraudes, sur différents marchés et auprès de différents acteurs de l’écosystème. La nature et l’ampleur de ces cas de fraude ont évolué d’un marché à l’autre. En conséquence, la plupart des opérateurs de services financiers digitaux déploient aujourd’hui des équipes internes dédiées à la lutte contre la fraude. Les recherches menées par l’Institut Helix au Bangladesh et au Kenya identifient la fraude comme la principale préoccupation des agents. Nos enquêtes en Tanzanie et en Ouganda mettent aussi en évidence la prévalence de la fraude : 42 % des agents et un peu plus de la moitié des agents, respectivement, indiquent qu’eux-mêmes ou l’un de leurs employés ont été victimes de fraude au cours de l’année précédente. Sur d’autres marchés, comme la Zambie et l’Inde, la fraude est citée comme l’un des principaux défis pour l’activité d’un agent. En réponse, l’Institut Helix a collaboré avec d’éminents spécialistes pour élaborer une formation sur la gestion des risques et de la fraude dans le cadre des services financiers digitaux. La formation met l’accent sur les principaux risques ainsi que sur les stratégies d’atténuation et de gestion des risques.
Source : Compilé à partir des enquêtes du programme Accélérateur de réseau d’agents (ANA). Des enquêtes ANA ont été menées en 2013 en Ouganda, au Kenya et en Tanzanie ; en 2014 au Bangladesh, au Kenya, au Pakistan et en Inde ; et en 2015 en Zambie, Tanzanie et Ouganda. Les graphiques comparatifs par pays contiennent les données les plus récentes disponibles.
Les tendances indiquent à la fois de la fraude interne par des employés et de la fraude par des acteurs externes. Les employés des prestataires de service financiers digitaux peuvent utiliser leur poste pour avoir accès à des renseignements confidentiels sur les clients, surtout en l’absence d’un contrôle rigoureux, puis s’en servir pour cibler les clients et avoir accès à leurs comptes ou leurs fonds. Chez un opérateur de réseau mobile (ORM), des employés ont comploté pour voler environ 3,4 millions de dollars en accédant au compte d’attente de l’entreprise qui détient temporairement des transactions non classées ou contestées. Les employés, de connivence avec certains agents, ont ensuite pu générer de la valeur électronique et rediriger les fonds pour les retirer. Cette situation s’explique par l’absence de procédures de rapprochement appropriées et une mauvaise gestion des droits d’accès des utilisateurs au système de paiement mobile, où les membres du personnel utilisaient de multiples identifiants d’utilisateurs actifs du système. Au Rwanda, un ORM a découvert la fraude orchestrée par l’un de ses employés qui, par l’intermédiaire d’agents complices, avait réaffecté des fonds d’un montant de 673 943 dollars pour des retraits sur une période de 12 mois. En Afrique du Sud, la collusion entre quelques employés d’un important ORM et une banque a donné lieu à une fraude majeure consistant à l’échange frauduleux de cartes SIM. Il en a résulté la perte de milliers de rands.
Des tiers comme les employés d’institutions fournissant des services sous-traités ou des fraudeurs non affiliés, communiquent généralement avec des agents ou des clients indirectement par le biais d’escroqueries d’ingénierie sociale (généralement par usurpation ou hameçonnage) pour obtenir frauduleusement des renseignements sur un compte et les voler. D’autres réussissent à pirater des comptes ou des portefeuilles pour obtenir des fonds illégalement. En Inde, cinq étudiants ingénieurs ont volé des dizaines de millions de roupies à une banque du secteur privé en utilisant de fausses transactions de portefeuilles mobiles sur une période de quatre mois, depuis décembre 2015. Les étudiants ont réussi à pirater le portefeuille nouvellement introduit par la banque de sorte que si un client essayait d’envoyer des fonds à un autre détenteur de portefeuille et que le destinataire était hors ligne, l’initiateur de la transaction ne perdrait pas de fonds. Les fonds ont plutôt été retirés de la banque et dirigés vers le portefeuille du fraudeur. Cette affaire de fraude a été découverte après le détournement d’environ 1,2 million de dollars. Au Kenya, les fraudeurs qui sont généralement des détenus ayant un accès illégal aux téléphones mobiles par l’intermédiaire de syndicats, continuent de commettre des fraudes par le biais de l’ingénierie sociale. Les dernières méthodes utilisées sont l’appel ou l’envoi de SMS à des numéros aléatoires, soit en se faisant passer pour des parents demandant des fonds, soit en tant que représentants de différentes entreprises : par exemple, banques ou supermarchés communiquant des informations sur les gagnants de promotions spéciales. Dans ce dernier cas, ils demandent à l’abonné d’envoyer des fonds dans un portefeuille mobile spécifique pour « activer » ses gains, afin de recevoir ses prix en espèces.
Les derniers messages diffusés au hasard au Kenya ciblent tous ceux qui s’apprêtent à envoyer des fonds. Ces SMS incluent des messages du genre : « Nitumie ile pesa kwa hii number, simu yangu imezima », qui se traduit par « Mon téléphone s’est éteint, envoyez les fonds à ce numéro, s’il vous plaît ». L’envoi d’argent étant une activité courante, beaucoup de personnes recevant ce message sont amenées à croire qu’il a été envoyé par le destinataire prévu. Ils sont induits en erreur, pensant que le destinataire prévu a du mal à accéder à son portefeuille/téléphone habituel, et qu’il fournit donc un autre numéro pour que les fonds puissent être transférés. L’expéditeur envoie ensuite les fonds au nouveau numéro. De nombreux clients innocents ont perdu de l’argent en répondant à ces appels ou à ces SMS, et ce sont ceux qui vivent dans les zones rurales qui sont le plus souvent touchés.
Ce ne sont là que quelques exemples d’une multitude d’approches d’une créativité alarmante pour escroquer les agents et les utilisateurs finaux. Il existe également des perceptions de clients vulnérables à la fraude, comme l’indique le rapport du Groupe consultatif d’assistance aux pauvres (CGAP), MSC et BFA sur la protection des consommateurs et les risques émergents dans les services financiers digitaux, qui réaffirme également la fréquence de ces cas. La tendance générale est que les fraudes qui contournent les systèmes de back-office entraînent des pertes à grande échelle pour les fournisseurs, tandis que les fraudes moins importantes commises par des tiers ciblent souvent des montants moins élevés de la part d’agents ou de clients.
Comment les fournisseurs devraient-ils donc tenir compte de l’évolution de la fraude ?
Les pays sujets aux typhons disposent de systèmes d’alerte rapide de plus en plus sophistiqués. De même, les fournisseurs de services financiers digitaux ont besoin de systèmes sophistiqués de gestion des risques et des fraudes. Les fournisseurs doivent comprendre la fraude et suivre son évolution au fil du temps afin de la gérer efficacement, grâce à une surveillance rigoureuse de l’écosystème et en posant constamment des questions fondamentales concernant la surveillance, à savoir : Quelles sont les nouvelles activités frauduleuses ? Y a-t-il une tendance ? Tous les contrôles sont-ils conçus et exécutés adéquatement ? Les employés sont-ils conscients de leurs rôles et responsabilités et les comprennent-ils ?
Systèmes de gestion de la fraude :
Les fournisseurs de services financiers digitaux ont besoin de systèmes sophistiqués de gestion des risques et de lutte contre la fraude. Ces systèmes aident les fournisseurs à comprendre la nature des fraudes. Un grand nombre de données sont générées à partir de différents systèmes utilisés par tout fournisseur de services financiers digitaux. Ces systèmes permettent aux gestionnaires de la fraude d’utiliser les données générées et de concevoir des règles et des algorithmes pour suivre l’évolution des fraudes. Ils leur permettent également d’établir des règles de fraude pour faciliter les contrôles de collusion, de vélocité, de seuil, de listes noires, de nouveaux abonnés, de profil, d’échange de carte SIM, etc. Ces systèmes aident les fournisseurs à comprendre la fraude et à suivre son évolution au fil du temps, ce qui leur permet de la gérer efficacement et de réduire les pertes de revenus. Les outils de détection de la vélocité et des tendances, qui sont en temps réel, dynamiques, efficients et efficaces pour détecter les tendances suggérant l’existence d’une fraude sont autant de moyens supplémentaires puissants pour la gestion de la fraude.
Données et tableaux de bord fiables et pertinents
Les données sont essentielles à la surveillance et à la gestion de la fraude dans le domaine des services financiers digitaux. Des données fiables sont générées en travaillant avec les fournisseurs de technologie pour construire des systèmes ou des outils robustes qui détectent et suivent les comportements normaux et anormaux. Les fournisseurs doivent assurer des mesures de prévention robustes sur la première ligne de défense – l’enregistrement ou l’ouverture d’un compte. Combiné à des alertes pilotées par les données, ce système peut fournir des moyens de défense multicanaux en temps réel pour faire face à un large éventail de menaces de fraude. Des approches plus traditionnelles de « créateur-vérificateur » pour assurer la séparation des tâches, ainsi que des équipes de contrôle et de rapprochement au niveau du soutien administratif, sont également essentielles pour maintenir l’intégrité des systèmes financiers digitaux.
Contrôles internes
Les fournisseurs doivent assurer des contrôles internes solides, qui peuvent être de deux types : contrôles préventifs et contrôle de détection. Des contrôles préventifs peuvent inclure des mesures telles que la limitation du nombre de transactions par jour (valeur ou volume), l’authentification des transactions, l’utilisation de mots de passe à différents niveaux, un accès limité aux employés, etc. Il s’agit généralement de solutions peu coûteuses pour les fournisseurs. Par contre, les contrôles de détection se font a posteriori. Les contrôles de détection typiques sont : la compréhension des schémas de l’activité des transactions, l’examen des transactions de grande valeur/grand volume, la surveillance de l’activité de connexion des employés, etc. Ces systèmes sont en général coûteux, car les fournisseurs des services financiers digitaux doivent construire des systèmes à cette fin. En cas de fraude, les mesures préventives constituent la première ligne de défense.
Voies de transmission de rapports et de communication claires entre les parties prenantes, y compris les clients
Différents prestataires ont des structures organisationnelles différentes, qui déterminent le nombre de parties prenantes impliquées. Au niveau interne, les gestionnaires, le soutien administratif, le service à la clientèle et les équipes des finances et d’assurance du revenu doivent tous être conscients du risque de fraude. Il faut également les encourager à communiquer toute anomalie ou activité douteuse aux parties intéressées au niveau interne. La communication externe avec les agents et les clients est tout aussi importante pour un contrôle préventif efficace. La sensibilisation des clients à la prévention du risque de fraude est une mesure préventive essentielle pour réduire les escroqueries par usurpation ou hameçonnage. Enfin, en cas de détection d’une activité suspecte, des procédures internes claires doivent être mises en place pour à la fois définir la manière d’accroître la sensibilisation et prendre des mesures immédiates. Il faut également encourager la dénonciation au sein des institutions.
L’écosystème des services financiers digitaux continue d’évoluer, mais avec un risque accru de fraude. Pour que les services financiers digitaux puissent réaliser pleinement leur potentiel, toutes les parties prenantes, y compris les régulateurs, les donateurs, les fournisseurs et leurs partenaires ainsi que les clients, ont un rôle à jouer dans la lutte contre la fraude. Ils doivent également intervenir afin de minimiser les risques de voir les services financiers digitaux balayés par la vague de typhons de fraude en pleine expansion.
Les institutions de microfinance (IMF) du Bangladesh ont besoin de se réinventer pour mieux servir les femmes : Pourquoi la digitalisation des opérations de ces institutions est-elle une bonne idée
Akhand Tiwari, Rahul Chatterjee et Ravi Kant, septembre 2019
McKinsey pense que la transformation digitale des institutions financières pourrait augmenter leurs revenus annuels nets de 45 %, soit 15 % venant de l’amélioration de l’utilisation de produits et 30% de la réduction des coûts d’exploitation. Les institutions de microfinance (IMF) ne font pas exception à ces estimations. MicroSave Consulting (MSC) estime que la digitalisation peut leur profiter de plusieurs manières. Elle réduit les risques et les coûts liés aux problèmes de liquidités, accroît l’efficacité opérationnelle en cela que le ratio coût/revenu peut s’élever jusqu’à 18 %, offre une gamme de produits sur mesure et accroît la pénétration d’une manière rentable.
Pour les IMF, l’importance d’une digitalisation devient de plus en plus pertinente, en raison de la concurrence féroce qu’elles subissent de la part des prêteurs digitaux et des banques qui ont développé leurs réseaux grâce aux services de banque à distance . Par exemple, entre septembre 2017 et septembre 2018, diverses banques bangladaises ont décaissé près de 9 millions $ en faveur de la clientèle à revenus faibles ou intermédiaires, dont 6% de femmes.
Les femmes, les IMF et les services financiers digitaux
L’impact de la microfinance sur l’autonomisation des femmes fait l’objet de vifs débats, avec des éléments contrastés et contradictoires. Une étude publiée en 2016 révèle son impact positif sur l’autonomisation des femmes au Bangladesh, notamment pour ce qui est des décisions relatives à l’éducation des enfants, à la mobilité, aux soins de santé, aux achats, etc. Une autre étude indique que les prêts contractés par des femmes auprès des IMF pour être utilisés dans des secteurs à faibles risques peuvent sans aucun doute améliorer leur situation économique.
Cependant, un document de synthèse suggère que la microfinance et l’autonomisation des femmes ne sont pas aussi étroitement liées qu’on le perçoit, et que cette intervention ne peut à elle seule améliorer la vie des femmes qui ont été historiquement opprimées. Les données recueillies en Inde montrent également qu’un meilleur accès à la microfinance n’a aucun lien, positif ou négatif, avec les dimensions économiques de l’autonomisation et des indicateurs de développement des femmes.
Cependant, il est bien établi que les services financiers digitaux sont un moyen d’accélérer l’inclusion et l’autonomisation financières des femmes. Les services financiers digitaux peuvent résoudre certains des principaux problèmes sexospécifiques auxquels les femmes sont confrontées en matière d’accès au financement, tels que les problèmes de mobilité des femmes et de confidentialité des transactions. Avec un meilleur accès aux services financiers, les femmes peuvent profiter des avantages liés à une certaine gamme de services financiers, être impliquées dans des activités économiques leur permettant d’améliorer leur capacité de prise de décision et, à long terme, faire l’expérience d’une plus grande égalité des sexes et d’une réduction de la pauvreté. En effet, la dernière stratégie en matière d’égalité des sexes adoptée par la Fondation Bill & Melinda Gates est fondée sur ce principe.
Au Bangladesh, les femmes forment la majorité de la clientèle des IMF ce qui signifie en terme de valeur que 82 % des prêts des IMF vont aux femmes et 90 % du portefeuille total d’épargne de ces institutions appartient à la clientèle féminine. Cependant, les femmes ont souvent du mal à utiliser les services financiers digitaux qui leur posent de nombreux problèmes, dont l’incapacité à utiliser ou la peur d’utiliser des interfaces digitales. Les études de MSC sur l’utilisation des services financiers digitaux constatent que les pannes de service, les prélèvements de frais non autorisés, la peur d’envoyer de l’argent à un mauvais numéro et l’absence de mécanismes efficaces de règlement des griefs constituent un frein à l’utilisation des services financiers digitaux. Ces constats sont corroborés par des études d’évaluation des réseaux d’agents qui démontrent une préférence pour les transactions au guichet (OTC). La prévalence élevée des transactions au guichet est le reflet, du moins en partie, du taux général d’analphabétisme qui est de 27 % et du niveau d’analphabétisme chez les femmes qui se situe à 30 %. Les interfaces digitales ne sont pas intuitives pour les utilisatrices analphabètes.1
Ces défis sont accentués par le fait que les IMF ne savent pas si leur clientèle serait disposée à accepter les paiements digitaux puisqu’elles ont l’habitude des opérations en espèces depuis des années. Ce n’est que récemment que certaines IMF telles que BRAC, BURO, la Fondation Sajida et la Fondation Shakti ont mis en place des opérations digitales pilotes pour :
Les envois de prêts sur des comptes bancaires payables au niveau des agences, des guichets de distribution automatique ou des points de service d’agents bancaires
Les messages de confirmation des transactions ; et
La mobilisation de dépôts à travers des portefeuilles mobiles
MSC a été étroitement associé aux projets pilotes de BURO et de la Fondation Shakti. Notre évaluation de la satisfaction de la clientèle montre que les utilisateurs des nouveaux systèmes digitaux les trouvent plus rapides. À cet égard le facteur de confiance s’est amélioré depuis que les messages sont transmis en temps réel. Nous constatons également que les utilisatrices ont progressivement appris à utiliser les systèmes de services financiers digitaux. Elles déclarent cependant qu’elles ont parfois recours à l’assistance d’autres membres pour effectuer des transactions et saisir les numéros d’identification personnels. Dans cet article, nous expliquons pourquoi un client classique d’une IMF peut être poussé à utiliser des services financiers digitaux. Ces informations permettront aux IMF d’élargir leur base de clientèle féminine qui s’accommode de l’utilisation des interfaces digitales.
Les conclusions que nous analysons brièvement dans cet article proviennent d’une étude menée par MSC pour évaluer la centralité de la sexospécificité dans les produits actuellement offerts par les services financiers digitaux au Bangladesh. Nous constatons que ce que nous appelons « l’espace financier individuel » (EFI) est un facteur déterminant dans l’utilisation des services financiers digitaux par les femmes. Cet espace est tridimensionnel défini par trois facteurs : aspect pratique, motivation et volume ou fréquence du besoin d’utilisation des services financiers digitaux. Les femmes qui franchissent les seuils de chacune de ces dimensions utilisent volontairement et régulièrement les services financiers digitaux.
Le concept de « l’espace financier individuel » (EFI) repose sur deux corollaires importants :
L’espace financier individuel permet de retracer l’utilisation des services financiers mobiles par une personne, pour voir si elle deviendra une utilisatrice active, c’est-à-dire faisant usage de plusieurs services proposés par les fournisseurs, ou si elle s’en tiendra à un ou deux services, par exemple faisant uniquement des retraits ou des transactions P2P
Un seuil élevé d’au moins l’un de ces facteurs peut également encourager les femmes à utiliser les services financiers digitaux
Deux exemples courants de l’avantage à utiliser les services financiers digitaux :
(i) la possibilité d’effectuer des transactions à distance sans avoir à se rendre loin de chez soi, et ;
(ii) la possibilité de faire des achats sans agent liquide.
L’exemple le plus courant de motivation est celui de parents qui demandent à leurs enfants d’ouvrir un portefeuille pour qu’ils puissent y transférer de l’argent pour eux. Dans la plupart des cas, il s’agit d’influenceurs-hommes. Le volume ou la fréquence d’utilisation des services financiers digitaux augmente au fur et à mesure que les femmes commencent à effectuer des transactions, soit en recevant de l’argent sous forme de versements et de frais de scolarité, ou en payant pour les enfants qui sont loin de la famille. Le seuil varie pour chaque client. Par exemple, un client particulier peut ne faire qu’un retrait par mois, pour lequel il utilise des services financiers digitaux. D’autres peuvent faire deux retraits par mois sans avoir recours aux services financiers digitaux. Nous pensons toutefois que nous pouvons généraliser les seuils pour les sous-segments, tels qu’identifiés ici par des études concrètes.
Gardant à l’esprit ce concept d’EFI, nous discutons de l’utilisation des services financiers digitaux par des femmes à travers deux études de cas.
Cas A
Rokeya est de Dhaka. Elle est femme au foyer et fait partie d’une famille à faibles revenus. Elle a ouvert un compte de services financiers mobiles pour recevoir la bourse de sa fille attribuée par le programme de bourses d’enseignement primaire (PESP) du gouvernement. Dans ce cas-ci, Rokeya a franchi le seuil quant à deux facteurs. Premièrement, le volume ou la fréquence des transactions est élevé, car elle reçoit 400 BDT par mois, crédités tous les trois mois. Deuxièmement, le gouvernement a joué le rôle d’influenceur en effectuant des paiements par un canal de services financiers mobiles. Jusque-là Rokeya n’utilisait ce compte que pour recevoir la bourse.
Un jour en faisant ses courses dans un complexe du marché local, Rokeya veut acheter une paire de chaussures mais n’a pas assez d’argent liquide sur elle. Le vendeur lui propose de payer par services financiers mobiles, ce qu’elle ne peut faire, ne connaissant pas le processus de transfert d’argent. À court d’argent, Rokeya ne peut acheter ses chaussures ce jour-là. Cependant l’incident lui fait prendre conscience de l’avantage de l’utilisation d’un compte de services financiers mobiles. Elle garde à présent des valeurs dans son portefeuille mobile et a appris à effectuer des transactions P2P. C’est un cas où un élément de l’EFI, à savoir l’aspect pratique, a poussé une personne à utiliser plus activement un compte de services financiers mobiles.
Cas B
Ranu vit avec son mari et ses enfants dans un village du sous-district de Louhajong, dans le district de Munshiganj. Elle opère un petit atelier de couture chez elle et envoie régulièrement de l’argent à sa mère qui vit dans le district de Netrokona. Elle effectue cette transaction avec l’assistance d’un agent du marché local de confiance.
Ranu dit qu’à plusieurs reprises, elle a senti le besoin d’ouvrir son propre compte de services financiers mobiles mais qu’elle ne l’a pas encore fait. Elle compte sur un agent de confiance qui peut effectuer des transactions en son nom, et cet arrangement a jusque-là satisfait ses besoins.
Une nuit, Ranu reçoit un appel urgent de sa mère lui demandant d’envoyer de l’argent pour une urgence médicale. Toutes les boutiques du marché sont fermées. Ranu se démène pour trouver une alternative et, finalement, avec l’aide de son mari, trouve une personne qui lui permet d’utiliser son portefeuille mobile pour envoyer de l’argent à un agent du village de sa mère.
Le lendemain Ranu ouvre son compte de services financiers mobiles et apprend à effectuer des transactions P2P. Voilà un cas où la nécessité ou la fréquence des transactions a franchi le seuil obligeant un utilisateur à ouvrir et utiliser un compte de services financiers mobiles.
Une théorie en évolution
Nous croyons que si les IMF encouragent et encadrent les femmes en ce qui concerne l’utilisation des comptes de services financiers digitaux pour leurs transactions, il y aura des changements positifs au niveau des trois facteurs de l’EFI. Tout d’abord la digitalisation des décaissements et des remboursements auprès des IMF permettra d’augmenter la fréquence ou la nécessité d’utiliser des comptes de services financiers mobiles, ce qui poussera les femmes à effectuer des transactions pour, entre autres, leurs dépôts, retraits et, éventuellement, leurs paiements.
Deuxièmement, le personnel des IMF peut encourager leurs clientes à ouvrir et à apprendre à utiliser des comptes de services financiers digitaux étant donné qu’ils bénéficient souvent de la confiance des utilisateurs. Troisièmement, la possibilité de rembourser leurs prêts au fur et à mesure qu’elles ont de l’argent dans leur portefeuille jouera un rôle positif supplémentaire. Par exemple, lors de diverses discussions, les clientes de l’IMF BRAC ont exprimé leur préférence pour les services financiers mobiles lorsqu’il s’agit de produits d’épargne, ceux-ci étant plus pratique et permettant de réduire les coûts de déplacement.
Notre hypothèse est basée sur les événements ou les récits que nous avons vus ou entendus sur le terrain. Voici notre troisième étude de cas corroborant cette hypothèse.
Cas C
Sajida vit dans un village du Kapasia dans le district de Gajipur. Son mari et elle gèrent un petit restaurant. Elle est cliente régulière de l’IMF BRAC et utilise des produits d’épargne et de crédit. Lors d’une réunion de groupe, elle apprend que les IMF de BRAC prévoient la digitalisation de tous leurs produits et services. Désormais tous services d’épargne et toutes tranches de prêts seront effectués par le biais de services financiers mobiles.
Sajida n’a jamais ouvert de compte de mobile money et n’en a jamais ressenti le besoin, car toutes ses transactions ont toujours été effectuées en espèces. Cependant, elle se voit dans l’obligation d’ouvrir un compte de services financiers mobiles compte tenu du changement de politique de BRAC, ne voulant pas se passer de leurs services. Au cours de ce processus, d’autres femmes du groupe disposant déjà d’un compte lui apprennent à utiliser les services financiers mobiles et apaisent ses craintes. Le personnel de l’IMF répond aussi patiemment à ses questions. Sajida utilise désormais les services financiers mobiles pour les transactions de l’IMF et envoie même occasionnellement de l’argent à ses proches.
Conclusions
En travaillant ensemble, les acteurs des services financiers mobiles, les prestataires de services bancaires, les fournisseurs fintech et les IMF peuvent élaborer et introduire une gamme de services et produits financiers souples et novateurs. La réglementation actuelle de la Banque de Bangladesh relative aux services financiers mobiles ne permet pas encore aux prestataires de lancer un produit basé sur l’épargne et le crédit. Cependant, des partenariats avec les IMF et les banques peuvent permettre aux fournisseurs de services financiers mobiles d’introduire de tels produits.
Il existe des difficultés que les clients des IMF devront surmonter dans l’utilisation des services financiers mobiles, par exemple les charges liées au retrait et les limites de transactions qui constituent un obstacle. Les charges sur le retrait représentent 2 % de la valeur de la transaction, un frais supplémentaire relativement élevé pour les clients. De même, il y a une limite maximale de 10 000 BDT par transaction, ce qui signifie qu’un client devra effectuer plusieurs retraits sur plusieurs jours pour retirer le crédit décaissé. Cependant, étant donné que la transformation digitale des IMF pourrait représenter un changement considérable et important pour 36,2 millions de clientes des IMF bangladaises, ces institutions ont de bonnes raisons de discuter et de négocier avec les fournisseurs de services financiers mobiles et la Banque du Bangladesh en vue d’un changement de ces limites.
Enfin, nous pensons que les IMF du Bangladesh devraient une fois de plus prendre la tête du peloton et montrer au monde entier que la digitalisation donne de l’autonomie aux utilisatrices et renforce leurs capacités. Si les IMF numérisent leurs opérations, le concept de l’EFI peut leur permettre d’accroître facilement et rapidement leur base de clientèle féminine. Une solution rapide serait d’identifier, dans la clientèle, les utilisatrices actuelles des services financiers digitaux susceptibles d’être des « agents de changement » qui pourraient être dûment motivées si on leur offrait, entre autres, des bons-cadeaux, un taux d’intérêt inférieur sur les futurs prêts et une reconnaissance publique. Il existe des exemples de modèles tels que « femmes pour femmes », où des femmes de la communauté acceptent de jouer le rôle d’agents de changement. Cela peut être adopté et adapté au contexte des IMF.
Si les IMF peuvent institutionnaliser ce phénomène, elles verront une adoption plus rapide des services financiers digitaux. Certaines clientes des IMF ont très tôt adopté les services financiers digitaux et sont une source d’inspiration pour d’autres. Ces femmes forment et renforcent les capacités d’autres membres qui ont recours à leur assistance.
Par ailleurs, un programme de renforcement de capacités digitales sur mesure contribuera également à la création de l’EFI pour des utilisateurs potentiels. Dans le cadre de son projet « deposit premium » l’illustration imagée de BRAC sur la manière d’effectuer une transaction a permis à 150 000 utilisateurs de services financiers mobiles à apprendre le processus. De même, le programme SWAPNO a montré que lorsque des animateurs de groupe font la démonstration de l’utilisation des applications de services financiers mobiles (sous la composante de transfert de compétences pratique), les femmes apprennent plus rapidement. Une fois que les utilisateurs auront vu l’avantage et les cas d’utilisation élémentaires, l’utilisation des services financiers digitaux pourra être maintenue et diversifiée.
Shakti : les débuts du succès
Depuis février 2019, 290 550 clients reçoivent des textos pour le remboursement de leurs prêts, ce qui a conduit au renforcement de la confiance au niveau des clients. La Fondation Sajida dit avoir traité entre 20 000 et 24 000 transactions pour le compte de 8 000 clients d’un montant total de 48 millions de BDT (600 000 USD) par mois. Les groupes sans numéraire, qui offrent le meilleur des deux mondes à savoir des processus plus efficaces tout en maintenant un contact humain et la promotion du programme de l’inclusion financière digitale des femmes, sont un résultat direct de la digitalisation des processus.
1 MicroSave Consulting a effectué des études approfondies pour comprendre le lien entre l’analphabétisme et l’utilisation des services financiers digitaux. Il a été constaté que les femmes sont plus influencées par l’incidence de « l’oralité (les modes de pensée, de parole et de gestion de l’information dans les sociétés où les technologies d’alphabétisation, en particulier l’écriture et l’impression sont inconnues de la plupart des gens) » et sont donc plus opposées à l’utilisation des interfaces digitales.
Les transferts de fonds au service de l’inclusion financière en Afrique
Les transferts de fonds de migrants constituent une source de revenus stable et essentielle pour des millions de familles – 530 milliards de dollars en 2018. Comment les banques, OTM, IFM, et opérateurs de transferts peuvent-ils améliorer leurs services pour mieux répondre à leurs besoins ?
Les progrès technologiques sont au cœur de certaines des percées extraordinaires faites ces dernières années dans le domaine de l’inclusion financière, et l’Inde a été à l’avant-garde de nombre de ces innovations. Cependant, il est souvent difficile pour les entrepreneurs et les startups du pays de créer et de développer leurs entreprises tout en veillant à une large distribution des avantages de leur travail parmi leurs clientèles.
Afin d’aider à relever ces défis, le centre pour l’innovation, l’incubation et l’entrepreneuriat (Centre for Innovation Incubation and Entrepreneurship) de l’Indian Institute of Management Ahmedabad a, en août 2018, mis en place un Laboratoire pour l’inclusion financière dans le cadre de son initiative Bharat Inclusion. Cette dernière s’occupe de l’incubation d’une soixantaine de jeunes entreprises opérant dans le domaine de la technologie financière et desservant la clientèle indienne à revenus faibles ou intermédiaires (RFI) (c.à.d. qui gagne entre 2 et 10 $ par jour). Cet appui couvrira six groupes d’entreprises sur une période de quatre ans. Le premier groupe composé de 11 startups a été sélectionné en septembre 2018 et est à la phase de démarrage.
Cet appui commence par un « boot camp » intensif de six jours au cours duquel chaque équipe participe à des ateliers relatifs à la connaissance des clients et des produits et reçoit les conseils d’experts et de mentors. L’équipe du Laboratoire apporte son assistance pour l’identification des risques à atténuer, des problèmes à résoudre et des hypothèses à valider au fur et à mesure que ces entreprises se développent. Les sessions de diagnostic permettent aux startups participantes d’identifier les défis auxquels elles sont confrontées et de déterminer l’appui dont elles ont besoin.
En réponse à ces sessions de diagnostic, MSC propose des projets d’assistance technique de courte durée à ces startups. Cette assistance technique comprend entre autres une recherche préliminaire sur le terrain sur un échantillon de clients. MSC a déjà apporté une assistance technique à de nombreuses institutions financières bien établies à travers le monde, mais les circonstances nous ont obligés à l’adapter aux besoins uniques de ces startups dynamiques en la concevant comme un projet « SMART », à savoir Spécifique, Mesurable, Atteignable, axé sur les Résultats et limité dans le Temps. Lors du processus de conception et d’exécution de cette assistance technique, l’équipe de MSC a dégagé six enseignements clés susceptibles d’être utiles aux startups, aux investisseurs, aux consultants et autres organisations qui les soutiennent.
Enseignement #1 : se fixer des objectifs, mais savoir rester flexible.
Les responsables de startups sont des gens enthousiastes, ingénieux, ouverts et aptes à apprendre très rapidement. Ils veulent tirer le meilleur parti de tous les projets d’assistance technique. Ils définissent méticuleusement les objectifs et les attentes en fonction du feedback qu’ils reçoivent, déploient avec prudence leurs ressources et s’efforcent de faire en sorte que les recommandations finales facilitent la réalisation de leurs objectifs. Ils élaborent des stratégies sur le pouce et sont prêts à tester et à mettre en œuvre tous les « moments d’inspiration » qui surviennent au cours du projet. En tant que partisans de corrections à mi-parcours, ils peuvent demander aux consultants d’inclure de temps en temps des objectifs supplémentaires dans le plan du projet d’assistance technique.
Pour soutenir cette flexibilité, les consultants seront peut-être obligés d’adapter leurs cadres de recherche, leurs questions et leurs objectifs à mi-parcours. Les startups veulent mesurer les progrès accomplis au cours du projet et apprécieront donc le feedback à mi-parcours sur leurs progrès, leurs défis et les observations des consultants.
Un conseil : opérer de fréquents contrôles, respecter son plan de projet d’assistance technique, tout en faisant preuve de souplesse.
Enseignement #2 : être bref.
Tolstoï avait déclaré : « Les deux guerriers les plus puissants sont la patience et le temps ». Paradoxalement, les startups n’ont ni l’un ni l’autre. Elles sont pressées – elles sont audacieuses et veulent des résultats rapides, à l’inverse des institutions financières traditionnelles, qui prennent leur temps pour concevoir, faire du brainstorming, planifier et exécuter. Les startups suivent tout le processus, mais dans un délai beaucoup plus court. Elles bâtissent leurs atouts en se focalisant sur des solutions rapides, dynamiques, basées sur la technologie et peu coûteuses. Leur sens de l’urgence provient également du fait que de nombreuses startups s’imaginent être le prochain Uber, Alibaba ou Airbnb et cela dans l’immédiat. Le temps, c’est de l’argent. Et chaque jour qui passe renforce cette fougue. Elles n’ont donc pas la patience nécessaire pour de longs exercices de recherche. Les temps d’arrêt coûtent très cher.
Toutes les startups de notre première vague voulaient que l’assistance technique démarre en même temps. MSC a donc été obligé de mettre en place des ressources pour plusieurs projets d’assistance simultanés. Le désir de ces startups était de comprendre leur écosystème commercial, en termes de taille du marché, taille des prêts, taux de défaillance, taux de remboursement, zones géographiques, etc., ce que MSC retiendra pour ses prochains projets d’assistance.
Un conseil : planifier rapidement, faire en sorte que les détails soient précis, avoir des présentations claires et robustes, faire l’économie des théories et se concentrer sur l’action. Être lucide, adapter ses conseils à l’appétit de changement de la startup et ne pas oublier d’utiliser des points de données pour appuyer ses arguments.
Enseignement #3 : pas aussi simple que ça, la clientèle RFI
Les startups doivent se concentrer sur la trinité prix, produit et service client. Leur survie dépend de la valeur qu’elles apportent aux clients. Pour ce faire, elles doivent comprendre leurs clients et innover. Leur plus grande difficulté est de comprendre la clientèle RFI, qui constitue l’objectif du Laboratoire ; ces startups ont souvent du mal à comprendre ce que ces clients veulent spécifiquement.
Pour cette raison, ces entreprises courent le risque de reproduire des solutions à l’emporte-pièce utilisées pour d’autres sortes de clientèle, une proposition pour le moins risquée.
La cartographie de « personas » basée sur la science comportementale peut énormément aider. Une telle cartographie permet aux startups de segmenter les marchés en fonction des caractéristiques comportementales des clients, puis de développer en conséquence des propositions de valeur, des messages de marketing, des expériences utilisateur et des interfaces. Dans notre projet d’assistance technique, des exercices de création de « personas » ont donné suite à des moments d’inspiration chez de nombreux participants.
Un conseil : aider les startups à adopter une attitude d’obsession vis-à-vis de la satisfaction du client, au lieu de ne pratiquer que le client-centrisme, en les familiarisant avec les caractéristiques clés de leurs clients.
Enseignement #4 : bien se préparer, c’est déjà bataille à moitié gagnée
Lors du travail sur le terrain, les startups ont participé aux exercices de recherche comportementale en contribuant des ressources humaines et autres pour compléter le travail des consultants de MSC. Les cofondateurs eux-mêmes ou leurs équipes ont collaboré avec MSC lors de visites sur le terrain. Ils ont apporté des ressources telles que le savoir-faire géographique utilisé efficacement par MSC pour trouver des répondants et des sites de recherche sur les clients des startups. Les startups étaient enthousiastes à l’idée d’apprendre et ont retenu des enseignements cruciaux, qui se révéleront déterminantes lors de leurs propres recherches.
Un conseil : toujours clarifier le rôle des ressources supplémentaires offertes par les participants au projet d’assistance technique – sont-elles là pour contribuer au projet de recherche ou pour observer en tant qu’élève ? Quoi qu’il arrive, mieux vaut ne pas entièrement compter sur des ressources externes mais aussi se préparer soi-même.
Enseignement #5 : choisir entre une recherche approfondie et un sondage
L’un des objectifs des startups qui ont participé au « boot camp » était de comprendre le comportement de la clientèle RFI. Les exercices de recherche comportementale effectués par MSC facilitent une telle découverte grâce à une méthode rigoureuse qui utilise des échantillons de très petite taille et un processus approfondi de discussion individuelle ou de groupe, au lieu d’une enquête traditionnelle, fermée et quantitative. Ces exercices permettent de fournir une connaissance plus approfondie du segment cible, en explorant le « pourquoi » du « comment » du comportement des clients.
Cette différence inhérente n’était pas immédiatement apparente pour les startups. Au début, elles contestaient le choix d’échantillons de petite taille et demandaient des échantillons plus larges couvrant plusieurs régions. Ce n’est qu’après des explications sur les avantages de la recherche qualitative comportementale qu’elles reconnurent la valeur de cette approche.
Un conseil : lorsqu’on travaille avec des startups sur une période très courte, il est conseillé de n’utiliser des exercices de recherche qualitative comportementale qu’après en avoir expliqué les avantages et la pertinence.
Enseignement #6 : le monde a besoin de connexions
Les startups se développent grâce à des connexions et des contacts. Le slogan des startups de notre Laboratoire est « collaboration ou disparition » : leurs partenariats avec d’autres entreprises renforcent leur impact. Les consultants devraient intégrer cet aspect dans leurs plans d’assistance technique, et aider les startups à rencontrer de nouveaux collaborateurs potentiels. Dans ce Laboratoire, des séances de mentorat ponctuelles ont permis de créer de nouvelles interactions très appréciées par les startups.
Un conseil : il est bon d’inclure des éléments tels que du mentorat et des réunions qui mettent les startups en contact avec des personnes, des entreprises et des experts susceptibles d’être bénéfiques pour leurs activités.
Les enseignements décrits ci-dessus ne sont qu’un point de départ pour apporter un soutien pertinent aux startups. D’autres leçons feront certainement surface au fur et à mesure que nous poursuivons ce projet d’assistance technique. Le Laboratoire dispose d’une liste impressionnante de startups novatrices qui peuvent faire la différence dans l’écosystème indien des couches RFI. Elles sont obnubilées par la satisfaction de la clientèle et veulent maximiser l’environnement fintech favorable du pays pour primer sur les anciennes entreprises. Compte tenu de la révolution digitale qui a balayé l’Inde au cours des cinq dernières années, ces fintechs sont confrontées à la demande toujours croissante des clients, renforcée par un changement de génération. Pour les consultants et les investisseurs qui souhaitent soutenir ces startups, il est essentiel de rester en phase avec la nature dynamique de leurs activités – et de rester à l’avant-garde de la courbe de l’assistance technique.
Note de l’auteur :
L’Initiative Bharat Inclusion (BII) aide les entrepreneurs en technologie aux stades de la pré-incubation, de décollage et de développement en leur donnant accès à des bourses de recherche, des programmes d’incubateurs, d’accélérateurs, de fonds de démarrage et autres programmes de soutien similaires afin de créer un écosystème global favorable à l’implantation d’entreprises inclusives et à but lucratif. Le programme bénéficie du soutien financier de la Fondation Bill & Melinda Gates, la Fondation J. P. Morgan, la Fondation Michael & Susan Dell et du réseau Omidyar.
Le parcours des startups de la première vague de ce projet est disponible ci-dessous :
Obstacles à l’activité d’agent – Données provenant de la Tanzanie et de l’Ouganda (2ème partie)
Graham Wright, juillet 2014
Dans le blog précédent, nous avons examiné les défis posés par la fraude, le vol à main armée et le service à la clientèle. Dans ce blog, nous nous penchons sur des questions peut-être encore plus fondamentales liées à la rentabilité des agents, ainsi que les questions connexes de l’éducation des clients (ou marketing !) et de la gamme de produits disponibles pour stimuler les transactions.
Gagner assez d’argent pour couvrir les coûts
Un peu moins de la moitié des agents tanzaniens réalise plus de 100 $ de profits par mois mais beaucoup font des pertes ou de très petits bénéfices. Les agents qui réalisent moins de 50 $ de profits par mois vont inévitablement commencer à se demander si l’offre de services financiers digitaux en vaut le temps, l’énergie, l’argent (pour le fonds de caisse) et les efforts investis.
En plus de la gamme limitée de produits (voir ci-dessous), la rentabilité des agents est également limitée par deux autres facteurs importants. Tout d’abord, les temps d’arrêt du système sont fréquents – en Tanzanie et en Ouganda en particulier. Bien que la situation varie considérablement d’un fournisseur à l’autre, presque tous les agents déclarent avoir connu des temps d’arrêt du système et estiment qu’en moyenne, chaque épisode de temps d’arrêt leur coûte environ 10 transactions.
Deuxièmement, mais plus important encore, en Tanzanie et en Ouganda, les agents refusent des transactions par manque de float (ou d’espèces dans certains cas). En Ouganda, les agents refusent en moyenne 3 transactions par jour faute de float. En Tanzanie, ils refusent 5 transactions ou 14 % des volumes moyens chaque jour. Rien d’étonnant à ce que beaucoup luttent pour atteindre la rentabilité !
Malheureusement, en l’absence d’interopérabilité entre les systèmes des fournisseurs, les agents non exclusifs doivent détenir un float distinct pour chaque fournisseur qu’ils desservent – ce qui augmente à la fois le coût de leurs services financiers digitaux et leur risque de manquer de float pour un fournisseur donné.
Temps consacré à l’information des clients sur le service
Même si les marchés des services financiers digitaux sont relativement bien développés en Ouganda et en Tanzanie (les deux pays disposent de plusieurs des sprinters du mobile money pour les non bancarisés), les agents ont encore du mal à renseigner leurs clients sur ce service. C’est probablement l’une des raisons pour lesquelles les transactions au guichet (OTC) sont si populaires sur de nombreux marchés (en particulier au Bangladesh, au Ghana et au Pakistan). Si les fournisseurs veulent éviter le piège des transactions au guichet, il faut absolument réfléchir davantage à la meilleure façon d’aider les agents (et préférablement les clients avertis qui utilisent largement le service) à expliquer la nature et le potentiel du service aux clients existants et potentiels.
Une gamme de produits plus large
Il y a là une préoccupation plus fondamentale : les services offerts par les agents en Tanzanie et en Ouganda se limitent presque partout à l’encaissement et au décaissement, à l’ouverture de comptes, au paiement limité de factures, au rechargement de temps d’antenne et à certaines transactions au guichet. Malgré le manque apparent de concurrence, les produits d’épargne et de crédit au Kenya connaissent une croissance rapide (principalement grâce à M-Shwari), de même que les paiements des commerçants et autres paiements (principalement grâce à Lipa Na Pesa).
Cependant, l’un des constats les plus remarquables des enquêtes ANA concerne la gamme très limitée de produits offerts par le biais de différents canaux de fournisseurs en Tanzanie et en Ouganda. Dans les deux pays, très peu d’agents offrent d’autres services que l’encaissement et le décaissement, l’ouverture de comptes et les transactions au guichet (transfert d’argent) – ce qui, bien sûr, réduit le potentiel d’un portefeuille pour les transactions auto-initiées et, finalement, d’un écosystème cash-lite. Moins d’agents tanzaniens (voir graphique) offrent des transferts d’argent au guichet (23 %) par rapport aux agents ougandais (30 %), et moins d’agents tanzaniens offrent le paiement de factures (5 %) par rapport à ceux de l’Ouganda (17 %). Et alors qu’aucun agent tanzanien n’offre de rechargement de temps d’antenne, 17 % des agents ougandais offrent ce service. Ainsi, même au niveau de la gamme limitée de produits offerts par les agents dans les deux pays, la Tanzanie semble être à la traîne. Cela va peut-être changer avec l’annonce de M-Shwari pour la Tanzanie.
En fin de compte, pour réduire le taux d’attrition des agents qui semble si répandu même sur les marchés matures d’Afrique de l’Est, les fournisseurs devront accroître la rentabilité des agents. Il est peu probable que cela se fasse grâce à une hausse des commissions, qui sont déjà soumises à la pression de la concurrence. Cela étant, la solution est probablement d’augmenter le nombre de transactions traitées par chaque agent. Les taux actuels de 30-35 transactions par jour en Tanzanie et en Ouganda, et d’environ 45 par jour au Kenya indiquent que trop d’agents ont du mal à gagner l’argent dont ils ont besoin pour rester en activité. En témoigne le fait que dans l’étude ANA sur le Kenya, seulement 58 % des agents kenyans ont déclaré l’intention de continuer à travailler en tant qu’agent après un an.
De toute évidence, les marchés matures ne sont en aucun cas des marchés stables !
________________________________________
This site uses cookies, by continuing your navigation, you agree with our Cookie Policy.